Hot Fuzz, ou l’emblème survitaminée du “buddy movie”

Hot Fuzz, ou l’emblème survitaminée du “buddy movie”

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Simon Pegg, Nick Frost

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Par Antonin Gratien

Publié le

Mais c’est quoi au fait déjà, un "buddy movie" ? Récap'.

Oh punaise, encore eux. Après les avoir vus dézinguer du zombie à la pelle (littéralement) dans Shaun of the Dead, on retrouvait avec délice le tandem Simon Pegg-Nick Frost du côté de Hot Fuzz, en 2007. Cette fois, le facétieux duo britannique est aux prises avec une conspiration tentaculaire – à l’échelle d’un petit patelin anglais. L’un campe une espèce de super-flic, modèle d’intégrité et d’efficacité sur le terrain. L’autre est un policier novice, bonne pâte mais terriblement balourd. Et bavard. Et distrait. Et incompétent.

Bref, c’est simple : ils sont aux antipodes l’un de l’autre. Mais malheureusement pour eux (ou pas), les voilà réunis autour d’une cause commune, bien obligé d’avancer main dans la main, pour ainsi dire. Voilà le rouage humoristique élémentaire de Hot Fuzz, qui sert aussi de fondement à un sous-genre aux multiples déclinaisons du cinéma comique : le buddy movie ou “film de copains” en français.

Quand les opposés font la paire

Remontons la bobine. Faire cohabiter (bon gré, mal gré) à l’écran deux personnages aux personnalités et physiques contrastés, voilà l’idée maîtresse du buddy movie. Son potentiel comique est mobilisé dès les années 1930 avec des productions américaines qui jettent sur le devant de la scène plusieurs duos iconiques. Avec, en tête de liste, la plus célèbre paire de l’histoire du cinéma : Laurel et Hardy. Le premier, corpulent, incarne l’autorité et n’a de cesse que de mettre sur pied des projets que le second, naïf et désespérément maladroit, sabotera bien malgré lui. Bien huilée, la mécanique donnera naissance à une foule de films. Et fera, bien sûr, des émules.

De ce modèle “primitif” du buddy movie naît le duo d’Abbott et Costello, Bing Crosby et Bob Hope, Dean Martin et Jerry Lewis… Puis, dans le courant des sixties américaines éprises de voyage et de liberté, le genre s’hybride avec celui du road movie, avec des succès iconiques tels que Easy Rider ou Midnight Cowboy. Vingt ans plus tard, le buddy movie, à la manière d’un reflet des mouvements de sociétés qui traverse l’Amérique, évolue à nouveau, en écho au mouvement de lutte pour l’égalité des droits civiques.

Plusieurs productions innovent avec les “biracials buddy movies” plaçant en vedette (au moins) un acteur afro-américain. L’une des icônes de ce registre neuf étant Eddie Murphy, qu’on voit apparaître dans des films d’action musclés aux côtés de Nick Nolte (48 hours) ou Mel Gibson (L’Arme fatale). Le genre se diversifie encore un peu plus par la suite avec, par exemple, Thelma et Louise, qui prouve en 1991 que le buddy movie peut se conjuguer au féminin. Yes !

Cocorico

Quoique les États-Unis soient le berceau du genre, le buddy movie s’est très largement exporté. Côté hexagonal, il a accouché de La Grande Vadrouille, avec un de Funès acariâtre comme on l’aime et un Bourvil candide comme on l’adore. Sortie en 1966, cette comédie signée Gérard Oury restera pendant 40 ans le plus grand succès français sur le sol national. C’est dire à quel point le style du buddy movie est porteur. La preuve en a encore été offerte avec différents hits made in France : Les Intouchables ou encore… Hot Fuzz. Car oui, aussi étonnant que cela puisse paraître au premier abord, il s’agit d’une production en partie française, en partie britannique.

Dans le cadre de la Blood and Ice Cream Trilogy incorporant, outre Hot Fuzz, Shaun of The Dead et Le Dernier pub avant la fin du monde, le réalisateur Edgar Wright, épaulé à l’écriture par Simon Pegg, mobilise avec maestria les codes tradi’ du buddy movie. Démonstration avec Hot Fuzz.

Good cop, (very) bad cop

Le film est carrément une parodie, en un sens, d’un des classiques du sous-genre : la saga Bad Boys. En gros Edgar Wright délocalise le principe du buddy movie à la sauce policière très, très, testostéronée depuis les régions ensoleillées de Miami vers les vertes collines de l’arrière-pays anglais. En résulte une comédie délirante, où le moindre virage en voiture est l’occasion d’une d’ébauche d’effets de montage donnant l’impression que tout, mais vraiment tout, va à 300 km/h.

Surtout, Hot Fuzz fait fonctionner à merveille la bonne vieille mécanique du buddy movie. Nicholas Angel (Simon Pegg) est un flic londonien prodige, tout juste muté du côté de Sandford, un trou paumé du Gloucestershire. Sur place, voilà notre officier d’élite contraint de faire équipe avec un policier local, Danny Butterman (Nick Frost). C’est peu dire qu’en premier lieu, la mayonnaise ne prend pas.

Danny exaspère Nicholas par sa paresse, son flegme, ses insouciances. Nicholas irrite Danny par ses reproches répétés, sa morale inflexible, son inoxydable probité (est-ce vraiment crime que de s’enfiler une beer pendant le service ?). Mais les jours passant, ils apprendront à se tolérer – plus encore, à s’aimer. Une improbable entente qui permettra de révéler au grand jour l’infâme conspiration locale ayant laissé derrière elle une demi-dizaine de cadavres.

L’accueil du film n’a pas fait démentir le succès de la formule buddy movie. Avec 80 millions de dollars de recette au box-office mondial, Hot Fuzz peut se targuer d’avoir été un franc succès commercial. Et d’avoir démontré, au passage, que le sous-genre en avait encore sous le capot, après bientôt un siècle de longévité ponctué de réinvention. On dit chapeau les buddy !