Qu’elles ont été laborieuses, les heures passées à fabriquer les marionnettes de Fantastic Mr. Fox. Mais le jeu en valait la chandelle. Car derrière le succès de cette fable pince-sans-rire il y a le charme pittoresque du scénario, l’imagination loufoque de Wes Anderson, mais aussi, et peut-être surtout, une prouesse technique.
Sorti en 2009, le premier film en stop motion du réalisateur américain avait séduit grâce à un travail d’orfèvre. Décors fourmillant de détails, costumes réalistes, effets spéciaux artisanaux… Retour sur la fabrique d’une œuvre envoûtante qui s’est propulsée, à l’appui d’une production minutieuse, au Panthéon du cinéma d’animation.
Le stop motion, ode au rétro
Pour ses premiers pas dans l’animation, Wes Anderson aurait pu s’orienter vers la 3D. Après tout, la formule faisait recette chez Disney et DreamWorks. Mais non. En admirateur du Roman de Renard (1930), l’un des premiers longs métrages en volume, notre cinéaste dandy a préféré le charme organique des marionnettes.
C’est donc sous la forme “traditionnelle” du stop motion qu’il ambitionne d’adapter l’un des romans ayant illuminé son enfance : Fantastique Maître Renard. Paru en 1970 et écrit par Roald Dahl, ce conte rapporte les mésaventures d’un renard chapardeur entré en guerre, lui et les siens, contre de puissants fermiers. Une intrigue idéale pour Anderson, qui se plaît à filmer l’aventure, la nature et le lien familial.
L’équipe gagnante d’Anderson
Un plateau de tournage transformé en usine
Le chantier du film débute en 2008 dans les studios londoniens de Three Mills. Sur place, les mains expertes d’une cinquantaine d’artisans (peintres, mouleurs ou encore charpentiers) font germer un monde aux proportions lilliputiennes. Ici apparaît une cave à cidre, là un arbre centenaire. Et des animaux envahissent les plateaux par dizaines. Renards, opossums, poules…
Un bestiaire foisonnant, prenant vie grâce à des figurines dont certaines atteignent jusqu’à 30 cm de haut. Quant aux paysages, les plus monumentaux s’étalent sur plus de 10 m. Une majorité de ces éléments sont assemblés, cousus et sculptés sur place. À la main.
Même les mini-blasons de quelques millimètres, même les effets spéciaux. Miracle de l’animation old school, sous les doigts ingénieux des assistants, de la cellophane se transforme en cascade, du savon en feu et du coton en explosions. Au total, le 6e long métrage d’Anderson aura requis 4 000 accessoires, 500 marionnettes et 150 décors photographiés à travers 621 450 shoots.
Des chiffres impressionnants, justifiés par l’exigence légendaire de Wes Anderson concernant sa mise en scène. Mais qui s’expliquent aussi par la nature même du stop motion, une technique imposant de capturer les mouvements image par image, microgeste après microgeste. Histoire d’offrir une impression de fluidité là où tout est, en réalité, immobile.
Autant dire que la patience est de mise. À elle seule, cette séquence a par exemple exigé 3 mois de préparation et 9 semaines de tournage.
Direction depuis Paris, camping avec Clooney pour le doublage
Wes Anderson a peu mis les pieds sur les plateaux. La plupart du temps, c’est depuis son appartement parisien qu’il supervisait. Ce grâce au “Fishcat”, un système spécialement inventé pour l’occasion qui permettait de contrôler, par écran interposé, en live ou en différé, l’avancée du film.
La “direction” à proprement parler n’a donc pas eu lieu en studio. Et le doublage non plus d’ailleurs. Soucieux de réalisme, le cinéaste a emmené son casting 5 étoiles dans une ferme du Connecticut afin d’enregistrer leurs voix en environnement rural. “C’était comme aller camper avec George Clooney et Bill Murray”, commentait avec humour le cinéaste, en 2009, auprès du site Collider.
En somme Fantastic Mr. Fox, c’est donc plusieurs vols internationaux, une coordination en distanciel et un an de tournage sur une multitude de plateaux miniatures où chaque scène était millimétrée. Pour un résultat enchanteur, imprégné du style d’Anderson de bout en bout.
Tout en changeant radicalement de format, le réalisateur est parvenu à ne rien abandonner de son esthétique propre. Au menu : plans symétriques, travellings latéraux, gamme chromatique rétro. Des ingrédients que nous retrouverons à coup sûr dans son prochain film, The French Dispatch. Mais en prises de vue réelles, cette fois. Attendu de pied ferme, ce 10e long métrage devrait sortir le 26 août en France.
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