Ils ont créé un vinyle dédié aux BO des films X de Brigitte Lahaie

Ils ont créé un vinyle dédié aux BO des films X de Brigitte Lahaie

Deux passionnés de musique et de cinéma ont réuni des titres inédits composés pour les films X mettant en scène l’actrice française Brigitte Lahaie. Un disque déjà culte, qui a connu un immense succès sur KissKissBankBank.

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En 2015, Guillaume Le Disez, passionné de films de genre, et Aurélien Bacot, mordu de musique groove, font la découverte d’un trésor qu’ils qualifient eux-mêmes d'”injustement oublié” : les bandes magnétiques contenant les musiques originales des films pornographiques de Brigitte Lahaie, mythique actrice française des années 70, réalisés par un certain Burd Tranbaree.

Désireux de partager ces morceaux, dont la sensualité des basses a de quoi faire rugir tous les amoureux de porno-érotisme, les deux amis décident de rencontrer leur compositeur : Alain Goraguer, arrangeur de Serge Gainsbourg et auteur de bandes originales de longs-métrages comme La Planète Sauvage de René Laloux (1973). Avec sa complicité et son accord, ils ont mené une campagne KissKissBankBank dans le but de réaliser un vinyle collector inédit. Une aventure remplie de groove et d’excitation, pour laquelle Aurélien Bercot revient aujourd’hui pour Konbini.

“Ces bandes étaient en train de mourir dans le coffre-fort d’un producteur de films X”

Pourquoi avoir décidé de rassembler les musiques des films X de Brigitte Lahaie sur un vinyle ?

Ce projet s’est fait en deux temps. Il y a un peu plus d’un an de ça, deux camarades, Cédric Grand Guillot et Guillaume Le Disez, ont eu l’envie de créer un livre sur la filmographie un peu alternative de Brigitte Lahaie – sur ses films X mais aussi sur ses films fantastiques, ses polars un peu nanardeux etc…. Pour mener à bien ce projet, ils ont lancé une campagne KissKissBankBank, pour laquelle ils ont dû chercher des contreparties. J’ai alors suggéré l’idée d’utiliser la musique des films de Brigitte Lahaie pour ces contreparties.

Un jour, pendant nos recherches avec Guillaume, on est tombé sur des bandes magnétiques qui contenaient des musiques totalement inédites des films de Brigitte, composées par Alain Goraguer. On a alors décidé de proposer, en contrepartie du bouquin, un disque vinyle qui les réuniraient. Très vite, on s’est rendu compte qu’un grand nombre de souscripteurs étaient très tentés par cette proposition. Alors on a fait de ce vinyle un projet à part entière.

J’ai cru comprendre que vous aviez mené une véritable opération de sauvetage pour récupérer les musiques contenues sur ces bandes magnétiques…

Effectivement, ces bandes étaient en train de mourir dans le coffre-fort d’un producteur de films X, elles n’étaient donc pas dans un état de conservation optimum. Or, si tu passes une bande qui a trop mal vieilli ne serait-ce qu’une seule fois sur une tête de lecture, il est possible que toute la matière magnétique reste sur cette tête ! Il fallait donc qu’on soit très précautionneux et très attentifs à ce qu’on écoutait, qu’on puisse dès la première écoute évaluer la qualité de ce que contenait ces bandes.

Une fois qu’on a eu un peu de matos, j’ai dû constituer une sorte de compilation, car les musiques contenues sur ces bandes ont été faites au kilomètre : il ne s’agissait pas de tracks qui commencent à un point A et se terminent à un point B, mais de thèmes musicaux très longs ! Il a fallu que je fasse un vrai travail de découpage pour organiser ces morceaux sur vinyle. Les plus grosses difficultés du projet étaient là.

“Ça ne sonne pas 100% musique de film de cul”

Votre campagne KissKissBankBank a rencontré un réel succès, puisqu’elle a atteint 596% en 35 jours ! Comment expliquez-vous l’enthousiasme des gens pour ce projet ?

Tout d’abord, nous avions un objectif de départ assez raisonnable, puisqu’on demandait 4 500 euros (de quoi financer la numérisation et la restauration des bandes, et assurer en partie la fabrication du disque). Un objectif que nous avons atteint en moins de 48 heures.

Et puis personnellement, lorsque j’ai soumis cette idée de vinyle à Cédric et Guillaume, j’avais l’intime conviction que le “porn groove” de ces musiques allait tout de suite parler aux gens. Parce que le porn groove est un genre qui a été très ghettoisé, qui n’a jamais beaucoup circulé. Il y a vraie rareté de ce genre.

Tu pourrais me préciser un peu ce qu’est le porn groove ?

C’est ce son que l’on retrouve dans les films américains et français X des années 70, dans lesquels il y a de la guitare wah-wah, des grosses orgues Hammond, une orchestration funky, un truc qui ronronne quoi. Mais avec ce petit truc en plus qui fait que tu appelle ça de la musique de boulard.

Mais sur ce vinyle, on trouve aussi des morceaux plus jazz. Et si tu sors ces morceaux jazz de leur contexte, tu as vraiment du mal à imaginer qu’il s’agit de musiques sur lesquelles des personnes font du sexe ! Ce disque ne sonne pas 100% musique de film de cul, et c’est fait exprès.

“Du ghetto à la radio”

Comment expliquer la richesse et la diversité des musiques des films X dans lesquels a joué Brigitte Lahaie ?

La personne qui a réalisé ces films s’appelle Claude Bernard-Aubert. À la base, c’est un réalisateur de films tout à fait classiques, qui a notamment fait L’Affaire Dominici (1973) avec Jean Gabin. Un jour, il s’est retrouvé dans une mauvaise passe financière, parce qu’il avait mis beaucoup d’argent dans un film qui devait sortir chez Gaumont, et Gaumont l’a un peu planté en ne diffusant son film que dans très peu de salles… Du coup, il était dans une merde financière assez noire et il a été approché par l’industrie du film X. Pour se faire un peu de fric, il a accepté de réaliser des films prono sous un pseudonyme : Burd Tranbaree.

Claude Bernard-Aubert (aka Burd Tranbaree donc) avait l’habitude de faire ses musiques de films classiques avec Alain Goraguer, qui était son ami. Il l’a donc appelé pour lui proposer de le rejoindre dans cette aventure, en l’invitant lui aussi à prendre un pseudo. Et c’est comme ça qu’Alain Goraguer s’est retrouvé à diriger ses musiciens classiques pour des films de X avec Brigitte Lahaie.

Le monde du film X était très différent à cette époque, dans les années 70 et 80. Il était fait de gens qui étaient bien sûr à la marge, mais qui voulaient faire des vrais films, avec des vraies musiques. Avec Guillaume, on trouve ça vraiment génial de savoir que ces musiques, qui ont un temps été ghettoisés, vont aujourd’hui, grâce à ce vinyle, se retrouver dans le salon de monsieur et madame Tout le monde, voire à la radio – car pour tout vous dire, j’ai été approché par Radio France pour que ces musiques rejoignent entre autres la grille de lecture de Fip… Ça ferait un beau voyage : du ghetto à la radio.

Donc après avoir été ressuscitées en vinyle par vos soins, ces musiques pourraient à nouveau connaître une seconde vie ?

Oui, on réfléchit à la suite. Mais en tant que collectionneur, je ne compte pas distribuer ces musiques à tout va. L’aspect précieux de la chose est très important à mes yeux. Pour ceux qui n’ont pas eu le temps de participer à la campagne KissKissBankBank, et de recevoir le vinyle, ils pourront tenter de le trouver dans chez quelques distributeurs indépendants parisiens et européens (en Hollande, en Italie…), auxquels j’en ai distribués en très petite quantité. Mais c’est tout.

En revanche, on ne s’interdit pas de faire un autre projet par la suite, voire de créer un petit label autour de cette histoire de porn groove… Le succès de cette campagne, le soutien qu’on a rencontré auprès du public, et le fait qu’on ait encore d’autres musiques en réserve, nous fait dire qu’on sera peut-être prochainement de retour, avec un autre disque.

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