Pour la plupart, les plats que je réalise sont d’abord créés dans mon esprit, nous raconte-t-il. Je les crée avec mes propres mains, je reste debout de longues heures pendant lesquelles je goûte, j’ajuste… Et puis bien sûr, j’aime aussi que la nourriture soit belle dans l’assiette. À un moment par exemple, je ne voulais créer que des plats monochromatiques : tout devait être blanc, ou vert ! J’aime que les choses soient visuellement appétissantes.
Un art culinaire mais aussi visuel donc, que le jeune homme a su apprivoiser seul, à la seule force de son imagination et de sa persévérance. Né dans le Connecticut, Phillip Basone grandit au sein d’une famille pour laquelle la gastronomie est loin d’être une religion. “Aucun de mes parents ne cuisinait, et nous dinîons constamment dehors”, se souvient-il. Loin d’être un héritage transmis de père en fils donc, l’amour de la cuisine lui a été donné par le petit écran. “Quand j’étais enfant, la chaîne Food Network a commencé à cartonner ici aux États-Unis, et Emeril Lagasse avait une émission baptisée le ‘Emeril Live’, qui passait tous les jours à 15 heures.” Il poursuit :
Je rentrais de l’école, je me mettais devant l’émission, et j’écrivais sur un bout de papier une recette qu’il avait faite et que ma famille serait susceptible d’aimer. Mes parents, qui ont toujours été d’un incroyable soutien, m’emmenaient à l’épicerie du coin et me donnaient un peu d’argent pour acheter les ingrédients nécessaires. Je rentrais à la maison et je faisais tout mon possible pour recréer parfaitement cette recette. C’est comme ça que, toute mon enfance, j’ai appris à cuisiner – avec l’aide de ma grand-mère, également. Parfois c’était super bon, et parfois… pas tellement [rires] !
“Être heureux d’être moi-même”
Une fois adulte, Phillip Basone s’envole pour la “Grosse Pomme”, là où les écoles culinaires sont réputées, et les mœurs sexuelles beaucoup plus libérées que dans le Connecticut. “Je savais que j’étais gay, mais je ne le criais pas vraiment sur les toits, se souvient le garçon. C’est pourquoi le French Culinary Institute [qui se nomme désormais International Culinary Center, ndlr] m’a tout de suite séduit : non seulement, c’était l’une des meilleures écoles culinaires des États-Unis, mais en plus, elle était située au cœur de New York, une ville dans laquelle je pourrais enfin être heureux d’être moi-même.”
En parallèle de sa formation au French Culinary Institute, Phillip Basone intègre le Barbuto, un restaurant italien situé dans le West Village, au sein duquel il approche de plus près le métier de chef, et se forme une seconde famille. Là-bas, il rencontre en effet Roel Alcudia, son premier chef, qui lui donne les clés de son savoir ; Jennifer Davidson, qui lui offre une montagne de conseils pour apprendre à bien gérer un restaurant ; et surtout Jonathan Waxman, considéré comme le pionnier de la cuisine californienne et récompensé du James Beard Foundation Award du meilleur chef cuisinier de New York, que Phillip Basone considère tout simplement comme “une légende”. Ce dernier explique :
“Barbuto restera ma maison et ma famille pour toujours. Ça a l’air stupide dit comme ça, mais j’ai littéralement été élevé par ce restaurant. J’ai commencé comme un stagiaire bénévole en 2010, par chance. J’avais 18 ans, pas une once d’expérience, et donc j’ai supplié le chef de l’époque de m’embaucher. Il se fout encore de moi aujourd’hui, parce que j’avais écrit une dissertation de 8 paragraphes dans laquelle j’expliquais pourquoi je méritais ce job [rires].”
“Reverser les bénéfices à une œuvre caritative dédiée à la communauté LGBTQ”
Fort de cette expérience au Barbuto, Phillip Basone vient tout juste d’ouvrir le Café Dolores grâce à l’aide d’Asos Supports Talent, un programme destiné à soutenir des artistes en devenir dans les domaines de la musique, de l’art, de la mode, de la gastronomie ou de la technologie. L’idée ? Un restaurant pop-up qui revisite les plats ayant marqué l’enfance de Phillip Basone, et que ce dernier mélange avec des saveurs actuelles. “Quant au nom du restaurant, il est inspiré de ma grand-mère, que j’appelais ‘Mema’, nous confie le chef. Mema était la femme la plus forte que j’ai jamais rencontrée. Elle a combattu le cancer du sein, mais ça ne s’est jamais vu sur son visage, pas même dans les derniers mois de sa vie. Elle m’a toujours appris à être altruiste.”
Preuve en est : les bénéfices générés par l’ouverture du Café Dolores, qui s’est installé le 27 octobre dernier dans le Upholstery Store: Food and Wine de New York, ont été reversés à la New Alternatives NYC, une association à but non lucratif qui met tout en œuvre pour sortir les personnes issues de la communauté LGBTQ de la rue.
“Les équipes d’Asos ont eu un rôle très important dans ce projet, tient à souligner Phillip Basone. Elles ont soutenu toutes les idées que j’ai eues, c’était incroyable ! Je suis toujours émerveillé en pensant au fait que cette énorme compagnie a confié à un jeune chef gay le projet d’ouvrir un restaurant dont les bénéfices seraient reversés à une œuvre caritative dédiée à la communauté LGBTQ.” Et de conclure :
“La cause LGBTQ m’est très chère, autant que la cuisine. Je suis ouvertement gay, mais j’ai mis du temps à l’admettre et à être à l’aise avec cette notion. Ce processus t’affecte beaucoup quand tu es un enfant et que tu es constamment harcelé à l’école, que tu ne te sens pas à ta place en étant toi-même. Je crois que c’est important de pouvoir aider les gens quand tu le peux. Le monde a besoin de plus de gens qui pensent ainsi.”