AccueilOpinions

Est-ce qu’on a vraiment besoin du rap dans les grandes cérémonies françaises ?

Est-ce qu’on a vraiment besoin du rap dans les grandes cérémonies françaises ?

avatar

Par Aurélien Chapuis

Publié le

Fiasco des Victoires, passage de Dinos aux César : qu’est-ce que ça apporte vraiment de se battre pour le rap dans les grandes instances de la culture française ?

J’ai regardé la cérémonie des César vendredi dernier, tout au moins une partie. C’était globalement assez douloureux dans la présentation et je me demande toujours comment on passe à côté d’un Chris Rock ou d’un Ricky Gervais en France pour ce genre de cérémonie. Puis arrive un petit moment spécial où Charlotte Gainsbourg invite Dinos pour reprendre le “Comme un boomerang” de son père Serge, interprété par Dani et Étienne Daho à travers le temps.

À voir aussi sur Konbini

Je n’ai pas vraiment d’avis sur ce nouvel arrangement signé Sebastian. Je trouve qu’en soit, c’est un move plutôt intéressant pour Dinos qui se cale là en nouvel Oxmo, poète moderne qui réinterprète des classiques de la chanson française. Ce n’est pas nouveau, c’est souvent la seule façon pour que le rap entre dans ces événements spéciaux de la culture française : en se réappropriant de manière moderne des standards de la chanson qui peuvent plaire au plus grand nombre.

C’est assez navrant de se dire que c’est un peu le même procédé que l’arrivée du slam il y a 20 ans quand Grand Corps Malade et Abd al Malik se sont frayé un chemin en étant comparés à Brel et Brassens. Comme si le rap ne pouvait exister sans l’approbation des grandes légendes de la chanson et du texte à la française.

Mais c’est surtout la phrase de remerciement que Dinos prononce juste après la performance qui m’a interpellé : “Merci à l’Académie des César d’ouvrir sa porte au rap, il était grand temps.” En réalité, je ne sais pas s’il était grand temps. Finalement, le rap, même s’il est le genre le plus écouté de France, reste si mal traité dans la culture française globale que je ne sais même plus si c’est important de le voir dans une cérémonie comme les César, surtout si c’est pour refaire une passe décisive à des grands pontes de la chanson française comme Serge Gainsbourg. Bien sûr, j’adore la musique de Serge et ses textes sont parfois très proches du rap. Mais laisser le grand public français dans cet archétype de ce qu’est le rap en français reste dérangeant.

Ça ne va pas non plus calmer les esprits après le fiasco des Victoires, comme chaque année, où le rap est de plus en plus invisibilisé, comme un oncle gênant dont on ne sait que faire pendant un mariage. C’était l’année de Tiakola mais on lui préfère Pierre de Maere. Rien n’a vraiment changé depuis 1999 où la Victoire rap était revenue à Manau devant NTM, Arsenik, MC Solaar et Stomy Bugsy. La même année, Louise Attaque était passé devant NTM et IAM pour la Victoire du meilleur groupe de l’année.

Et depuis, tout n’est qu’une suite d’incompréhensions, de refontes et de provocations sur le traitement du rap dans cette cérémonie. Finalement, le rap n’a peut-être pas sa place dans les grandes cérémonies de la culture française. Juste parce que l’écart culturel et générationnel est devenu trop grand ne permet plus de s’y retrouver, tous les schémas se répètent depuis des années, il est temps de débrancher.

Le 5 majeur de la semaine

Ziak – Mauvais jour

Je trouve ce deuxième album de Ziak très consistant et réussi, avec pas mal de petites touches novatrices. C’est bizarrement le cas avec ce “Mauvais jour” alors qu’il puise pourtant ses racines dans le boom bap le plus classique et ça lui va à merveille.

Yeat – Shmunk ft. YoungBoy NBA

Yeat est en train de devenir vraiment ce qu’on voulait que Playboi Carti devienne après Whole Lotta Red. Son nouvel album AfterLyfe est encore un condensé de créativité pure, tant dans les distorsions appliquées et les choix des instrus de plus en plus jeux vidéo que dans les recherches de flows et de voix étranges. La collaboration avec YoungBoy me régale comme à chaque fois. Une des grosses sorties de ces derniers mois.

Werenoi – 10.03.2023

Je suis très client de ce que propose Werenoi, même juste pour un freestyle d’annonce de son album, ça me va. Hâte que l’album sorte, un des plus beaux braquages du rap de ces dernières années.

Young Nudy – Pancake

Young Nudy reste vraiment un des rappeurs qui m’excitent le plus ces dernières années. Son nouveau projet est encore une vraie pépite, tant dans le choix des beats et des sonorités que dans les flows apportés. Ça va tourner longtemps et fort.

BabyTron – Out On Bond

Tout juste sorti sous caution, BabyTron maintient la pression avec un EP plein de mots colorés et de rimes riches malgré son flow toujours monocorde. Le meilleur de Detroit en ce moment et d’une bonne partie des États-Unis avec.

Ligne nostalgique

Le premier album de Little Brother a 20 ans ces jours-ci et c’est vraiment un disque qui m’a marqué à l’époque. J’étais archi fan du label ABB Records à la fin des années 1990 avec Dilated Peoples, Defari et toute cette nouvelle génération du Likwit Crew. Ils avaient aussi Sound Providers, super référence jazz rap du début 2000.

Mais, vraiment, quand ce premier maxi “Whatever You Say” sort, avec cette boucle complètement novatrice, ce son produit par Fruity Loop par un 9th Wonder qui se découvrait et le rap si mélodique et posé de Phonte et Big Pooh, c’était vraiment tout ce que j’aimais dans le rap à l’époque. En vrai, sans cet album The Listening, pas de J.Cole, pas de Kendrick Lamar, pas de Drake. C’est vraiment la quintessence du blog rap de qualité qui était en train de naître au début des années 2000.