C’est une scène digne d’une dystopie futuriste ou d’un épisode de Black Mirror : un robot, équipé d’une caméra à 360 degrés, interpellant un passant en train de fumer dans une zone interdite. Les robots sur roues patrouilleurs, dernière innovation singapourienne, sont dotés de sept caméras qui détectent des “comportements sociaux indésirables” et donnent des avertissements aux contrevenants. Ce nouvel outil suscite de nouvelles inquiétudes sur le respect de la vie privée dans la cité-État d’Asie du Sud-Est.
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Déployés au cours d’un projet pilote de trois semaines, deux robots-policiers prénommés “Xavier” sont capables de voir dans l’obscurité, et de détecter les infractions. “En une poignée de secondes, les images sont transmises à un centre de commandement et de contrôle, introduites dans un système d’analyse vidéo programmé pour reconnaître la posture d’un homme, les contours d’une cigarette dans sa bouche et d’autres signes visuels”, explique The Straits Times, relayé par Courrier international.
Infractions, mais aussi détection des vendeurs à la sauvette, non-respect des règles de distanciation sociale liées au Covid-19, vélos mal garés ou des trottinettes ou motos laissées sur les trottoirs : les robots-policiers viennent s’ajouter à une panoplie déjà bien fournie de technologies de surveillance. L’île de Singapour dispose déjà d’un grand nombre de caméras de surveillance et de lampadaires équipés de technologie de reconnaissance faciale, permettant aux autorités de suivre les mouvements des résidents. En mai 2020, Singapour avait déjà vu patrouiller dans ses rues Spot, un chien robot qui s’assurait de faire respecter les distances de sécurité, en pleine épidémie de Covid-19.
Le gouvernement promeut depuis longtemps l’idée d’une “smart nation” à la pointe de la technologie. Les militants estiment cependant que le droit à la vie privée est sacrifié et que les habitants n’ont pas assez de contrôle sur l’utilisation de leurs données. Singapour a souvent été critiqué pour réprimer les libertés civiles et sa population est habituée à de multiples contrôles mais il y a des signes d’un malaise grandissant face à des technologies intrusives.
Une innovation qui inquiète les militants singapouriens
Lee Yi Ting, une militante des droits numériques, souligne que ces robots s’ajoutent à bien d’autres innovations pour surveiller les Singapouriens. “Cela contribue au sentiment qu’ont les gens […] qu’il faut faire attention à ce que l’on dit et à ce que l’on fait à Singapour, beaucoup plus que dans d’autres pays”, a-t-elle dit à l’AFP.
Mais le gouvernement défend son utilisation des robots, en expliquant qu’ils n’ont pas servi à identifier les contrevenants ou sévir contre eux pendant les tests, et qu’ils sont nécessaires à cause d’un manque de main-d’œuvre. “La population active diminue”, souligne Ong Ka Hing, collaborateur de l’agence gouvernementale qui a développé les robots “Xavier” pour pouvoir mobiliser moins de policiers pour les patrouilles.
L’île de quelque 5,5 millions d’habitants dispose de 90 000 caméras pour la police, un nombre qui devrait doubler d’ici 2030. Elle a aussi recours à la reconnaissance faciale, via des dispositifs souvent installés sur des lampadaires, pour identifier des personnes dans une foule. Singapour a connu un rare mouvement de contestation cette année quand les autorités ont reconnu que les données recueillies par une application dédiée au traçage des cas de coronavirus ont été transmises à la police. Le gouvernement a ensuite passé une loi limitant l’usage de ces données.
Mais la cité-État est critiquée par les défenseurs des droits qui dénoncent une surveillance généralisée par le gouvernement qui connaît peu de limites. Les Singapouriens ont par ailleurs très peu de contrôle sur le traitement des données collectées. “Il n’y a pas de loi qui impose des contraintes pour respecter la vie privée ou définit ce que le gouvernement peut ou ne peut pas faire”, relève Indulekshmi Rajeswari, un avocat singapourien spécialiste de la vie privée qui est installé à présent en Allemagne.
Mais Xavier pourrait-il se déployer dans d’autres pays ? Pour certains internautes, si les images sont glaçantes, ce n’est pas un outil qui sera accepté par tous. “S’ils mettent quelque chose comme ça dans les rues de mon pays, il serait volé et démonté en pièces détachées en moins de 24 heures”, s’amuse l’un d’eux.
Konbini news avec AFP