Le président tunisien veut modifier la loi d’inspiration coranique qui dispose que les femmes héritent deux fois moins que les hommes.
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Le président Béji Caïd Essebsi n’a pas choisi sa date au hasard. Lundi 13 août, deux jours après une manifestation conservatrice qui a réuni plus de 5 000 personnes à Tunis, et le jour même de la “journée de la femme” tunisienne, le chef d’État de 91 ans a pris la parole devant les caméras de télévision : “Je propose que l’égalité dans l’héritage devienne une loi.” Et d’ajouter : “Cela n’a aucun lien avec la religion ou le Coran.” D’après Le Figaro, le pays deviendrait le premier du Maghreb à offrir cette égalité successorale aux femmes, et même le premier du monde arabo-musulman, selon Business Insider.
“On laissera le choix à l’héritière de renoncer au principe de l’égalité, si elle a un référentiel religieux” a toutefois tempéré le président cité par le site d’information. Le projet de loi dispose que les femmes de Tunisie hériteront à parts égales des hommes à même degré de parenté (frères et sœurs par exemple), mais le propriétaire du patrimoine pourra également demander à un huissier-notaire de répartir son bien à hauteur d’un tiers pour la femme et deux tiers pour l’homme, précise l’AFP.
“Révolution tranquille”
Cette réforme progressiste ne sort pas de nulle part. Elle occupe une place de choix dans le rapport de la Colibe, la Commission des libertés individuelles et de l’égalité créée par le président l’an passé. L’objectif de cette commission, transcrire dans la loi tunisienne le principe d’égalité, acquis en 2014, dans la Constitution qui a suivi la Révolution de 2011.
Le rapport, long de 235 pages, est en libre accès sur Internet depuis le mois de juin et propose des avancées aussi vastes que l’abolition des peines de prison pour homosexualité et des tests anaux imposés dans le cadre de ces condamnations, ou la fin du système de la dot dans le cadre du mariage. Soit un pavé jeté dans la mare conservatrice. La députée Bochra Belhaj Hmida, qui préside la Colibe, se montre néanmoins confiante : “Nous soumettrons le reste du rapport au parlement et il obtiendra la confiance des élus”, a-t-elle déclaré dans la presse.
Le 13 août, plusieurs milliers de personnes, des femmes et des hommes vêtus de blanc et de rouge, sont descendues dans la rue à Tunis pour soutenir les libertés individuelles voulues par la Colibe.
Au sein de cette dernière, on espère que le projet de loi successorale, soutenu par le président Béji Caïd Essebsi, inspirera le Maroc, où de plus en plus de familles contournent la règle du taasib, qui oblige les femmes sans frère à verser une partie de l’héritage reçu de leurs parents à leurs oncles. Mais d’autres commentateurs pointent du doigt la timidité du pouvoir, qui ne soutient qu’une seule mesure parmi l’ensemble des réformes recommandées par la Colibe. Pour France Culture, le président tunisien s’engage dans une “révolution tranquille”.
Ce projet de loi sera soumis au vote des députés tunisiens dès la fin des vacances parlementaires, en octobre, et promet un débat abrupt, surtout à l’approche des élections législatives de 2019.