“Ta cousine va t’amener voir un prêtre et tu ne seras plus gay” : voilà ce qui se dit dans ma famille.
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Quand tu fais partie de la communauté LGBT, il est très possible que tu sois victime d’homophobie. D’une manière ou d’une autre. Ça m’est arrivé plusieurs fois. J’étais sûr de moi et je disais toujours : “Je m’en fous de ce que tout le monde pense, j’ai des amis qui m’aiment, je m’aime moi et le reste n’est pas important.”
Mais les insultes font mal et laissent des traces. Quand quelqu’un de ta famille te dit : “Je veux t’aider et te soigner, tu peux guérir”, juste parce que tu aimes un garçon et pas une fille, d’abord, ça te blesse. Tu es choqué, triste. Et enfin, vient la colère.
“Je crois qu’il peut soigner cette maladie que tu as dans ton âme”
C’était un vendredi soir et j’étais dans mon lit, calme, je regardais une série. Ma vie commençait à s’améliorer à ce moment-là. L’homophobie et la dépression avaient été beaucoup plus dures l’année précédente. Je me sentais mieux. Je pensais que j’en avais fini avec les commentaires homophobes.
Tout le monde savait que j’étais gay, mais pour ma grande famille d’une quinzaine d’oncles et tantes et d’une quarantaine de cousins, ce fut un choc. On est trop différents : j’aime l’art, l’histoire, les gens ouverts, apprendre et voyager. Ma famille conservatrice aime le foot, les garçons avec des copines, qui se marient au plus vite et ont trois bébés.
De toute façon, on se voit deux fois par an : pour Noël et le 1er mai, lors de la Fête du travail. Avant, ça ne me dérangeait pas d’aller aux fêtes familiales, mais après ce vendredi de mars, j’ai définitivement rayé cette grande famille de ma vie.
L’une de mes cousines qui habite en Slovénie m’a envoyé un message. C’était une vidéo YouTube d’un prêtre en conférence. Il parlait du mariage. Il expliquait pourquoi le mariage est fait pour l’homme et la femme. Cette cousine est assez religieuse, elle va souvent à l’église.
En 2017, quand ma mère lui a dit que j’étais gay, elle a dit : “Bon, c’est normal, on ne va pas changer ça.” Je pensais donc qu’on avait une relation normale. Quand j’ai reçu le message, je lui ai écrit : “Tu sais que je t’aime et que je n’ai pas la meilleure des relations avec l’Église. On n’a pas la même opinion sur ce sujet”.
Je n’étais pas sûr de pourquoi elle m’avait envoyé la vidéo, je pensais que c’était une erreur. J’avais peur de ce qu’elle allait me dire, et elle l’a dit : “David je t’aime beaucoup et je veux t’aider, j’aimerais que tu partes avec moi et on parlera à ce prêtre. Je crois qu’il peut soigner cette maladie que tu as dans ton âme.”
J’ai bloqué ma cousine sur les réseaux sociaux et j’ai supprimé son numéro de téléphone. Je ne fais pas ça souvent. Mais je la connais, je savais que je ne pourrais rien changer à ses opinions et j’ai décidé de m’éloigner. C’était mieux pour ma santé. Mais ce qui s’est passé après a été encore pire.
Quand tes parents ne te comprennent pas et ne te soutiennent pas
J’ai dit à mes parents ce qu’elle avait fait. Ma mère a été surprise et m’a promis qu’elle ne trouvait pas ça normal. Pour mon père, ce n’était pas vraiment un problème et comme toujours, j’étais seul. Mes parents n’ont aucune idée de ce qu’est l’homophobie. Quand je leur ai dit que ce n’était pas normal, ils m’ont répondu : “David, elle ne voulait pas t’insulter, elle ne se rend pas compte de ce qu’elle a dit, il faut la comprendre, elle va s’excuser…”
Pour eux, c’était comme si elle avait dit “David, tu es stupide” ou “David, tu es moche”. Mais ce qu’elle a dit, c’est de l’homophobie ! Ce n’était pas une petite insulte. Elle pense que je suis malade parce que j’aime un garçon. Et même si mes parents ne veulent pas l’admettre, ils pensent que j’ai décidé d’être gay. Comme si la sexualité était une décision.
Et c’est ça qui est horrible : même tes parents, les gens qui ont été toujours là pour toi, ne te croient pas, ils ne te comprennent pas et ne te soutiennent pas. Et ça m’a fait peur. Je me suis rendu compte que j’étais seul. Ma mère a parlé avec ma cousine. Apparemment, elle s’est excusée et elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle avait dit. N’importe quoi.
Pendant une dispute, j’ai essayé d’expliquer à ma mère ce qu’est l’homophobie, mais elle n’a pas compris. Elle parle toujours avec toute ma famille, ses nièces et mes cousins. Ma cousine ne m’a jamais appelé. On ne se parle plus. Je ne parle qu’avec quelques-uns de mes cousins. Le reste n’est pas vraiment ma famille. Personne dans ma famille ne comprend.
Ma cousine et les gens comme elle sont la raison pour laquelle on a toujours besoin de “pride parades” et pour laquelle il ne faut pas se cacher !
David, 22 ans, étudiant, Paris
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.