Avec le handicap de ma sœur, le moindre petit déplacement devient toute une aventure. Ma sœur Maya a 10 ans et est atteinte du syndrome de Rett, une maladie rare qui touche principalement les filles. Cette maladie touche le chromosome X et empêche son développement naturel.
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Quand j’ai appris que ma sœur était handicapée, je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait autour de moi. Tout le monde était triste et désolé. J’ai compris lorsqu’elle a commencé à se différencier des autres enfants de son âge. Elle ne marchait pas, n’allait pas à l’école et ne pouvait pas parler. J’ai alors su que, moi aussi, je n’aurai pas la même vie que les autres…
Nous ne pouvons pas faire n’importe quelles activités
Mes vacances ne sont pas ordinaires. Un jour, on a voulu partir en vacances en famille sur l’île d’Oléron. On a donc dû s’organiser ! Premier gros problème : le trajet. Les arrêts sont un peu prévus à l’avance. Tous les 100 kilomètres, on doit s’arrêter pour aller aux toilettes car il faut changer la couche de Maya.
Mais toutes les toilettes ne sont pas adaptées pour les fauteuils roulants. Il faut donc porter ma sœur, et mes parents ont mal au dos à cause de ça. On est souvent obligés d’utiliser les tables à langer pour bébé qui sont maintenant trop petites.
Et nous ne pouvons pas faire n’importe quelles activités. Pour les activités sportives : impossible ! Les parcs d’attractions, eux, sont accessibles, mais c’est quand même limité. En arrivant, il faut faire la queue longtemps, jusqu’à une sorte de bureau où ils vérifient les papiers pour savoir si Maya est “vraiment” handicapée.
Puis, il nous arrive à mon père, mon autre petite sœur, et moi, de partir faire une activité comme la pêche à pied et de laisser ma sœur et ma mère au cottage. Maya peut faire des activités plutôt dans le style de la baignade ou des choses relaxantes, comme un massage, se rendre dans un espace Snoezelen ou faire une balade, mais rien qui la secouerait trop.
Les hippocampes : des fauteuils roulants qui vont dans l’eau
Le simple fait d’aller à la plage est galère avec le fauteuil roulant… Les palettes pour aider à rouler ne vont pas loin. Après, il y a du sable partout dans le fauteuil. Une fois, le fauteuil s’est embourbé dans le sable. Des surveillants de baignade ou des pompiers ont alors aidé mon père à le porter et à le sortir. On a donc acheté une serviette spéciale dans laquelle le sable ne rentre pas.
Avant, quand mes parents emmenaient Maya dans l’eau, mon père devait la porter, mais maintenant, nous avons un matelas gonflable semi-immergé : le centre, c’est de la toile, du coup son corps est dans l’eau. Une année, nous sommes allés à une plage accessible. Il faut faire une demande au préalable. Elle était super ! Elle était faite de galets et il y avait des caillebotis en bois qui allaient loin. On nous a même prêté des hippocampes : des fauteuils roulants qui peuvent aller dans l’eau.
Vérifier l’accessibilité, c’est long
Les sorties pour se restaurer doivent aussi être préparées. Maya doit avoir pris son repas avant de partir ou il faut vérifier qu’il y ait un mixeur sur place. Pour sélectionner les restaurants, on vérifie qu’ils sont accessibles aux fauteuils. Cela peut prendre du temps de vérifier tous les critères et réserver. Par conséquent, si on va plusieurs fois au même endroit en vacances, on retourne dans les endroits que l’on connaît déjà.
Tous les ans, nous nous rendons à Center Parcs avec l’association française du syndrome de Rett (ASFR). Elle réserve un restaurant pour les “petites filles Retts”, où les chefs sont aux petits soins. Ils mixent le nécessaire et vérifient que nous avons tout à notre disposition. Center Parcs est plutôt bien équipé vis-à-vis des fauteuils roulants. Les cottages aménagés sont bien faits, ils possèdent une salle de bains supplémentaire et une entrée plus grande. Les piscines aussi sont grandes et il y a de l’espace pour les fauteuils.
On ne nous donne pas vraiment le choix !
Les voyages sont plus compliqués pour les personnes handicapées, car il faut que les lieux, le matériel et les activités soient accessibles. Il faudrait des lieux plus spacieux pour accueillir les fauteuils, et sans marche pour l’entrée, ou avec une rampe. Souvent, ce qui est accessible ou adapté ne nous donne pas vraiment le choix !
Pour prendre le TGV, il faut faire plusieurs demandes à la SNCF, “juste” pour avoir une rampe pour pouvoir monter dans le train à cause de l’écart entre le wagon et le quai. Une fois, les contrôleurs avaient oublié de nous amener la rampe et on a dû porter le fauteuil avec Maya dedans. Des passagers ont aidé mon père… Mes parents stressent toujours pendant les correspondances. Quant à la place pour fauteuil roulant : pas le choix, c’est en première classe et il faut un adulte qui accompagne, donc il faut les moyens de payer les billets.
Handicap : il faudrait améliorer l’accessibilité des lieux classiques
Ces voyages me responsabilisent. Ils me permettent de prendre conscience de l’environnement qui m’entoure et de la difficulté à se déplacer avec un enfant polyhandicapé. Il faudrait améliorer l’accessibilité des lieux “classiques” : magasins, centres commerciaux, lieux touristiques, parcs, écoles, restaurants, et l’ensemble des transports en commun et privés.
Lors des sorties, il y a plusieurs types de “regards” : les personnes curieuses mais pas méchantes, les enfants qui trouvent ça intéressant… et ceux qui jugent ou qui nous regardent bizarrement. Et c’est très offensant que certaines personnes nous regardent comme des bêtes de foire car on a un enfant handicapé et en fauteuil roulant. Ce n’est pas parce que Maya est différente que je l’aime moins.
Maëlys, 14 ans, collégienne, Le Châtelet-en-Brie
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.