En acceptant un inconnu en ami sur Facebook, Emely ne se doutait pas qu’elle avait affaire à un pervers récidiviste.
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(© Getty)
Ma sœur jumelle et moi avions quinze ans lorsque c’est arrivé. Un soir, alors que je sortais de l’entraînement de gymnastique, mon premier réflexe a été de regarder mon téléphone. Comme d’habitude, j’ai un peu navigué sur tous les réseaux. Puis, j’ai vu une notification sur Facebook. Un certain “Quentin” venait de m’envoyer une invitation pour être “amis”.
Normalement, je n’ajoute pas les personnes que je ne connais pas. Mais on avait des amis en commun. Bizarrement, uniquement des personnes qui venaient des clubs de gym (Soissons, Senlis, Nogent-sur-Oise…), mais je n’ai pas fait le rapprochement tout de suite. Comme j’ai aussi bien des amis filles que garçons dans mon domaine sportif, cela ne m’a pas alarmée et je l’ai aussitôt “accepté” dans ma liste d’amis.
Quelques heures plus tard, le fameux “Quentin” m’a envoyé un message. “Coucou”, disait-il. Ne voyant toujours aucun danger, je me rappelle lui avoir répondu d’un simple signe de la main, représenté par un émoji. Il n’a pas tardé à répondre. S’en est suivie une longue conversation. Rien ne me paraissait étrange. Il était aimable, gentil et calme. Ses questions me semblaient un peu osées comme lorsqu’il m’a demandé : “Es-tu en couple ?”, mais ça ne m’a pas vraiment interpellée.
Il a commencé à poser des questions sur ma vie. Il m’a demandé mon âge et l’endroit où j’habitais. C’est à ce moment précis que je me suis inquiétée. J’ai quand même donné mon âge ainsi que la ville où j’habitais. Il a proposé que l’on se voie. J’ai refusé, mais il a insisté. Je l’ai donc tout de suite bloqué. J’ai longuement réfléchi et j’ai pris la décision de n’en parler à personne.
Deux jours plus tard, j’ai appris que ce même “Quentin” était venu parler à ma sœur. Il lui aurait posé exactement les mêmes questions, mais aussi tenté de l’appeler en vidéo. Ma sœur, elle, n’a pas perdu de temps et l’a tout de suite bloqué sans chercher à savoir ce qu’il voulait.
70 plaintes ont été déposées contre lui
Des semaines plus tard, nous avons été convoquées à la gendarmerie. Ce “Quentin” n’avait pas été problématique que pour nous. Il aurait demandé à des filles du club de Nogent-sur-Oise des photos d’elles. Dans certaines conversations, il aurait même envoyé des photos de lui, nu. S’agissait-il d’un pervers ? Les filles ayant reçu ces photos étaient plus petites que nous, je dirais qu’elles avaient entre onze et douze ans. Elles ont prévenu leurs parents qui ont porté plainte.
La gendarmerie cherchait plus de preuves pour arrêter le harceleur. À la gendarmerie, ma sœur et moi avons été interrogées à tour de rôle. Suite à nos témoignages, ils nous ont demandé des captures d’écrans de nos conversations. J’avais pour ma part effacé ma conversation, mais heureusement, ma sœur avait encore la sienne. L’interrogatoire fini, il ne nous restait plus qu’à attendre qu’on nous informe des suites de cette affaire.
Des mois après, nous avons appris qu’il s’agissait du président du club d’une autre ville, ce qui expliquait le grand nombre de gymnastes qu’il avait en amis sur Facebook. Au total, 70 plaintes ont été déposées contre lui.
Ce n’est pas la première fois qu’il faisait ça. Par le passé, il avait été président d’un club de basket-ball et avait été accusé d’attouchements sexuels sur certaines filles. Il avait été renvoyé. Aujourd’hui, il est en prison.
Depuis, ma sœur et moi sommes beaucoup plus vigilantes sur les réseaux sociaux. Nous n’ajoutons plus les personnes que nous ne connaissons pas, même s’ils ont en commun certains amis à nous. Nous ne donnons plus d’informations personnelles via les réseaux. Comme quoi, même dans notre entourage, cela peut arriver.
Emely, 17 ans, lycéenne, Creil
Un court-métrage sur le cyberharcèlement, réalisé par Valentin et Elliot Clarke est actuellement en compétition pour le Nikon Film Festival. “Je suis #Nightout” est disponible ici.
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.