Après m’être battue contre ma dyslexie jusqu’à décrocher mon master, je me demande aujourd’hui si je dois parler de mon trouble à mon employeur. J’ai une importante dyslexie-dysorthographie, un trouble de l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe.
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Durant ma scolarité, j’ai pu compter sur le soutien des équipes pédagogiques et de mes proches. Mes professeurs avaient l’interdiction de me pénaliser, connaissant mes troubles. J’avais un tiers-temps qui me permettait de mettre en pratique les techniques travaillées avec mon orthophoniste et de me concentrer sur le fond. L’école était un endroit où je me sentais en confiance.
J’ai décidé très tôt que je voulais faire de longues études. Donc je savais que je devais travailler beaucoup plus que les autres pour y arriver. Je travaillais très tard et me levais à 6 heures du matin au moins trois fois par semaine pour continuer à réviser avant d’aller en cours.
Dois-je dire que je suis dyslexique à un employeur ?
J’ai beaucoup progressé et réussi à entrer à l’université. Pour autant, être dyslexique m’oblige à avoir une très grande rigueur quotidienne. Chaque jour, je dois travailler ma lecture au risque que mes difficultés s’aggravent au bout d’une semaine. Et je m’interdis de me coucher tard, sinon je fais beaucoup plus de fautes le lendemain et j’oublie l’orthographe de certains mots.
Aujourd’hui, je suis diplômée d’un master 2 en économie de l’environnement, mais je me retrouve face à une nouvelle question : dois-je parler de mes difficultés à un employeur ? Écrire un mail avec des fautes peut être un motif de non-embauche. À chaque fois que je le fais, j’ai peur à l’idée qu’on puisse émettre un jugement sur des fautes qui m’ont échappé après ma dixième relecture.
Avant de candidater à mon premier poste, comme à chaque fois, j’ai demandé à mes proches de vérifier si le mail, mon CV et ma lettre de motivation ne comportaient pas de fautes. L’entretien d’embauche s’est ensuite très bien passé. J’ai répondu sans difficulté aux exigences du poste. Mais pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai choisi de ne pas dire que j’étais dyslexique.
J’ai peur de lire à haute voix en réunion
J’ai eu la bonne surprise d’avoir été embauchée, mais cela a très vite laissé place au stress de cacher ma dyslexie. Le temps aménagé et l’accompagnement dont je bénéficiais pendant mes études ont disparu une fois arrivée dans le monde professionnel. Et je me sens seule.
Je travaille au service Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) d’une grande entreprise et ça me plaît. Ce poste consiste à évaluer puis réduire l’impact négatif de l’activité de l’entreprise sur l’environnement. L’écriture n’est pas une partie importante de mon travail, mais elle peut quand même l’affecter. Je suis notamment en contact avec beaucoup de responsables de différents services de l’entreprise, et le plus souvent par mail.
Lors des réunions, j’ai pris l’habitude d’écrire sur un carnet pour pouvoir cacher ce que j’écris avec ma main. Je ne peux pas le faire avec un ordinateur, alors même que la prise de notes serait plus efficace. Ma plus grande peur est qu’on me demande de lire à voix haute lors d’une réunion et de me retrouver dans la même situation de stress qu’à l’école quand mes professeurs pouvaient me dire : “Ça ne va pas du tout, arrête !”
Rien n’est mis en place pour m’aider dans l’entreprise
Cette situation est pesante au quotidien. Elle me donne le sentiment que, malgré mes progrès et mes réussites scolaires, je dois encore et toujours me battre. Je dirais même que la situation est encore plus difficile que lors de mes études car rien n’est mis en place pour m’aider dans l’entreprise. Je suis sûrement plus sensible que la moyenne à ce sujet, mais j’ai également l’impression que la société est très exigeante.
Je sais que je ne suis pas la seule à vivre cette situation. J’aimerais que ce sujet soit abordé librement en entreprise sans que cela ne remette en question les compétences d’une personne dyslexique. Je voudrais pouvoir écrire dans ma signature de mail “il est possible qu’il reste des fautes dues à ma dyslexie et je m’en excuse”, et faire appel à la bienveillance de mes interlocuteurs. À l’avenir, je souhaiterais en parler à mon futur employeur et commencer un nouveau travail sur des bases saines.
Fatma, 24 ans, volontaire en service civique (ex-salariée), Plessis-Robinson
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.