Est-il normal qu’une de nos amies se soit fait gronder pour avoir taché son matelas ? Qu’une autre nous déclare n’avoir jamais entendu parler de règles avant de les avoir ? Qu’une de nos professeures ait reçu des remarques de ses collègues après être sortie de cours en sentant une métrorragie se déclencher ? Que je ne puisse pas m’acheter un pack de serviettes de dépannage, faute de monnaie ? Non. Avoir ses règles est, aujourd’hui encore, un tabou.
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Alors, à la rentrée, nous avons mis en place, dans les toilettes pour femmes de notre établissement, une boîte à trois tiroirs. Le premier contient des serviettes hygiéniques et des protège-slips. Dans le second, on trouve tous types de tampons. Dans le troisième sont proposées, via un flyer en libre-service, des alternatives plus économiques, plus écologiques et plus saines aux protections hygiéniques classiques.
J’en ai marre de rester silencieuse tout un cours alors que le sang transperce mon collant
Nous faisons toutes les deux partie du Comité des lycéens de notre établissement, le collège épiscopal Saint-Étienne de Strasbourg. C’est un groupe d’élèves de la seconde à la terminale qui met en place différents projets, afin de rapprocher les lycéens de manière positive. Nos expériences personnelles, tout comme celles de notre entourage, illustrent l’ampleur du problème.
On en a marre de rester silencieuses tout un cours, alors que le sang transperce notre collant, puis de nous fabriquer une serviette en papier toilette pour la journée. De voir une fille au bord des larmes, à l’école, me demander l’air gêné si l’on voit une tache sur son pantalon. D’être forcée par le professeur d’aller à la piscine, alors que l’on n’ose pas mettre de tampons. Que mon amie ne puisse pas justifier ses absences par “endométriose”, une maladie méconnue.
Toutes les femmes réglées ont déjà vécu au moins une de ces situations. Le but de cette boîte est de dépanner, notamment celles au cycle menstruel irrégulier, de lever le tabou sur le sujet, de subvenir aux besoins des plus précaires et d’instaurer une solidarité entre filles.
L’objectif consiste aussi, après s’être servi dans la boîte, à replacer quelques protections les jours suivants en pensant à ses camarades. Avoir ça dans une école ne fait que renforcer les valeurs de base, dont chaque jeune devrait pouvoir parler plus ouvertement.
Nous avons directement été soutenues par des professeurs engagés, qui nous ont permis de commencer ce projet. Lorsque nous avons présenté cette initiative à notre chef d’établissement, il l’a validée directement, nous encourageant pour la suite. Après plusieurs semaines, à notre grande fierté, nous avons reçu de nombreuses félicitations et remerciements, au lycée et sur les réseaux sociaux.
Si l’engouement continue, nous souhaitons développer le projet pour que toutes les toilettes de notre établissement proposent une telle boîte. Nous espérons inspirer et convaincre d’autres établissements, voire d’autres lieux, comme les restaurants, à procéder de la même façon !
Philoé M. et Clémentine H., 16 ans, lycéennes, Strasbourg
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.