Après l’incendie de l’usine Lubrizol, classée Seveso “seuil haut” (en raison de la présence d’une certaine quantité de matières dangereuses), le 26 septembre dernier à Rouen, les équipes de Konbini news ont enquêté sur les dernières constructions réalisées dans l’enceinte de l’usine.
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S’il est en principe interdit de fumer dans les lieux travail, il est possible de mettre à disposition des emplacements dédiés aux fumeurs à des conditions très strictes dont le respect s’impose à l’employeur sous peine de sanctions. Ces emplacements doivent notamment être des salles closes équipées d’un dispositif d’extraction d’air par ventilation mécanique.
Or, nous avons découvert un espace fumeurs extérieur non clos à proximité immédiate du bâtiment principal qui a brûlé. Nous avons pu consulter les documents relatifs à la demande de construction de ce fumoir datant de mars 2017.
Une source faisant partie de la chaîne de validation de la construction de cet élément nous a confirmé que la présence d’un fumoir non clos dans l’enceinte d’une usine Seveso était une véritable aberration.
Elle nous a confié que depuis les lois de décentralisation, il est impossible de se rendre sur place au moment de la déclaration, ni après la construction et il est ainsi impossible de vérifier si le fumoir est construit conformément aux plans fournis par l’exploitant. Selon elle, “ce sont les élus qui donnent le feu vert pour les fumoirs ou bâtiments de stockage, c’est en fait la collectivité locale qui a la main”.
Des propos également tenus par Gabriel Ullmann, expert environnement et consultant pour Lubrizol dans les années 1990. Ce dernier était aussi commissaire-enquêteur auprès des tribunaux mais a été radié par le préfet de l’Isère pour avoir donné un avis défavorable sur le projet Inspira (projet d’agrandissement de 300 hectares d’une zone industrielle au sud de Lyon) qui était notamment soutenu par le département de l’Isère.
Delphine Batho et Corinne Lepage, anciennes ministres de l’Environnement, lui avaient d’ailleurs apporté leur soutien.
De plus, nous avons découvert que le fumoir en question avait été déplacé. En effet, si une image satellite datant de 2017 semble confirmer la situation où le fumoir était indiqué sur les plans de déclaration des travaux, une autre image satellite plus récente, datant de 2018, montre que le fumoir se situe en fait à quelques mètres au nord de l’emplacement initial.
Un salarié de Lubrizol nous a confirmé le nouvel emplacement du fumoir ainsi que l’absence d’extracteur d’air et de porte. Comment un tel processus dans une usine à haut risque est-il possible ? Quelqu’un a-t-il au moins un jour contrôlé ce fumoir ? Est-ce que ce fumoir peut avoir un lien quelconque avec l’incendie ?
Ces questions, Allan Henry, reporter chez Konbini news, les pose depuis plusieurs jours à la société Lubrizol ainsi qu’aux autorités compétentes et, pour le moment, personne ne nous a répondu.