Pourquoi l’élection présidentielle colombienne est-elle historique ?

Pourquoi l’élection présidentielle colombienne est-elle historique ?

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Le président colombien Gustavo Petro et la vice-présidente Francia Marquez © Juan BARRETO / AFP

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Par Emma Couffin

Publié le

L’ex-maire de Bogota, Gustavo Petro, a recueilli 50,44 % des voix face à l’homme d’affaires Rodolfo Hernandez.

La présidentielle de dimanche en Colombie est doublement historique : Gustavo Petro a été élu premier président de gauche du pays. Quant à Francia Marquez, sa colistière, elle est devenue la première vice-présidente afrodescendante.

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Cette élection présidentielle marque la déroute des élites conservatrices et libérales au pouvoir depuis deux siècles dans la quatrième puissance économique d’Amérique latine. Les deux qualifiés du premier tour étaient arrivés en tête avec un discours de rupture et “anti-establishment”, Gustavo Petro (40 %) portant en étendard la défense de “la vie”, tandis que Rodolfo Hernandez (28 %) promettait d’en finir avec la corruption, un mal endémique du pays.

“Le gouvernement qui entrera en fonction le 7 août sera celui de la vie, de la paix, la justice sociale et la justice environnementale”, se réjouit le prochain chef de l’État colombien, au côté de sa vice-présidente Francia Marquez, de sa famille et ses proches.

“Construire le grand accord national et la paix intégrale”

Ancien membre d’une guérilla d’extrême gauche converti à la social-démocratie, ex-maire de Bogota, Gustavo Petro a recueilli 50,44 % des voix, contre 47,31 % à son concurrent l’homme d’affaires Rodolfo Hernandez, selon les résultats provisoires du second tour de la présidentielle dimanche.

“Nous nous engageons à un changement véritable, un changement réel”, a lancé le sénateur de 62 ans au soir de sa victoire, sur la scène d’une grande salle de spectacle de Bogota, devant des centaines de ses partisans en liesse.

Avec 11,2 millions de voix en sa faveur, il a devancé de près de 700 000 voix son adversaire (10,5 millions), qualifié surprise du premier tour le 29 mai dernier qui avait supplanté le candidat de droite. La participation s’élève à 58 %.

Rodolfo Hernandez a immédiatement concédé sa défaite, souhaitant que son adversaire “sache comment diriger le pays et qu’il soit fidèle à son discours contre la corruption”.

“Les partisans de Rodolfo Hernandez pourront venir dialoguer avec nous quand ils veulent […]. L’opposition, quelle qu’elle soit, sera toujours la bienvenue pour dialoguer […]”, a promis le futur chef de l’État.

“Il n’y aura que le respect et le dialogue, c’est ainsi que nous pourrons construire le grand accord national et la paix intégrale”, a-t-il ajouté, s’engageant par ailleurs à ce que la Colombie soit “à la tête de la lutte contre le changement climatique” dans le monde.

La communauté internationale n’a pas manqué d’apporter son soutien au président nouvellement élu, à l’image de l’ex-président Bolivien Evo Morales et du député travailliste britannique Jeremy Corbin.

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Réforme des retraites et transition énergétique

Entre des accusations en tout genre, de la désinformation et d’innombrables coups bas, la lutte a été particulièrement âpre entre les deux candidats. En effet, cette élection se déroulait dans un contexte de crise profonde dans le pays, après la pandémie, une sévère récession, des manifestations antigouvernementales durement réprimées et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.

C’est la troisième fois que Gustavo Petro se présentait à une présidentielle, la dernière en 2018. Après avoir écumé le pays avec une centaine de meetings avant le premier tour, il a tenté ces trois dernières semaines de se montrer plus proche des Colombiens ordinaires, soucieux de corriger son image d’homme trop autoritaire aux tendances messianiques selon ses adversaires.

Le président s’est engagé à renforcer l’État, à réformer le système des retraites et l’impôt pour faire payer les plus riches. Sa première mesure sera de suspendre l’exploration pétrolière et d’entamer au plus vite la transition énergétique.

“Une partie significative du pays”, effrayée notamment par son passé d’extrême gauche, “ne voulait pas de Petro comme président”, souligne cependant Sergio Guzman, consultant Colombia Risk Analysis.

Il aura également fort à faire pour gouverner avec un Parlement divisé. Sa coalition du Pacte historique est la première force mais les conservateurs et les libéraux représentent une force d’opposition importante. Il devra aussi surmonter les réticences au sein de l’armée, dont il devient le chef suprême, faire face à la pression inflationniste et à des institutions faibles et politisées.

Une élection doublement historique

“Je suis la première femme afrodescendante vice-présidente de Colombie”, a proclamé fièrement Francia Marquez, activiste écologiste convaincue.

Née dans une famille pauvre du département de Cauca, dans le sud-ouest du pays, Francia Marquez s’est frayé peu à peu un chemin en politique. Défenseure de l’environnement couronnée du prix Goldman, également connu comme le prix Nobel de l’Environnement, la jeune femme a survécu en 2019 à une attaque armée. Elle s’opposait à l’exploitation minière dans son département natal où les groupes armés se disputent les revenus de l’orpaillage illégal.

“Nous avons franchi un pas important. Nous avons un gouvernement du peuple, un gouvernement des gens qui vont à pied, un gouvernement pour ceux qui ne sont rien. […] Ensemble, nous allons réconcilier cette nation, dans la joie et la paix”, a-t-elle lancé.

Elle n’est pas la première femme élue à la vice-présidence car elle remplace la conservatrice Marta Lucia Ramirez (2018-2022) désignée avant elle. L’accession de Mme Marquez à la vice-présidence est “en termes politiques, symboliques et culturels, très importante car la Colombie est un pays où le racisme est très fort”, estime auprès de l’AFP l’analyste Cristina Echeverri.

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Le programme de gauche porté par ce duo entend mener des transformations ambitieuses, notamment l’arrêt de l’exploration pétrolière face à la crise climatique et l’augmentation des impôts sur les riches pour renforcer l’action de l’État.

Konbini news avec AFP