“Pot de maquillage sur la tête” : Son-Forget récuse tout sexisme, il a “tout simplement tendu un miroir”

“Pot de maquillage sur la tête” : Son-Forget récuse tout sexisme, il a “tout simplement tendu un miroir”

Image :

Joachim Son-Forget, candidate for The Republique En Marche party (REM) in the French legislative elections in the sixth constituency (Switzerland and Lichtenstein) of French nationals living abroad poses for a picture on June 9, 2017 in Lausanne, western Switzerland. (Photo by Fabrice COFFRINI / AFP)

photo de profil

Par Astrid Van Laer

Publié le

Après un bad buzz Twitter, certains disent que leur compte a été piraté, d’autres choisissent la carte de la “psychologie cognitive”.

À voir aussi sur Konbini

Joachim Son-Forget. © Fabrice COFFRINI / AFP

Après avoir assuré début décembre au président des États-Unis – qu’il surnomme “Donald le gâteux” – que “la France lui embrassait le cul”, Joachim Son-Forget, député LREM de la 6e circonscription des Français établis hors de France et membre de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, s’est encore fait remarquer sur Twitter.

Tout est parti d’un message publié sur le réseau social le 22 décembre dernier par Esther Benbassa, sénatrice Europe Écologie-Les Verts de Paris. Cette dernière s’en prenait à Brigitte Macron, qui était citée dans un article du Monde, coécrit par Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin et Virginie Malingre.

Cet article évoquait la vie “à huis clos” d’Emmanuel Macron, mais aussi les répercussions sur le quotidien de la famille Trogneux – celle de l’épouse du président –, à Amiens, depuis la crise des gilets jaunes.

Évoquant la colère grandissante à l’égard du chef de l’État et, par conséquent, de sa famille, la Première dame déclarait à ses conseillers : “Je connais cette violence et cette vulgarité, ce sont les mêmes qui étaient déposées dans la boîte aux lettres de mes parents, lorsque j’ai rencontré Emmanuel.”

Des propos qui ont contrarié Esther Benbassa, qui a tweeté l’article en question, accompagné du commentaire suivant :

“Brigitte Macron déplore la violence et la vulgarité des gilets Jaunes. Ce n’est donc pas violent, la pauvreté ?

Et elle n’est pas vulgaire, l’arrogance aux dents blanches des riches et des puissants ?”

Cette pique à l’adresse de la Première dame n’a visiblement pas été du goût de l’élu de la majorité, qui s’est empressé de rétorquer à la sénatrice un argument qu’on a peine à comprendre : “Avec le pot de maquillage que vous vous mettez sur la tête, vous incarnez plus que jamais ce que vous tentez maladroitement de caricaturer. Vous le sentez l’amalgame violent maintenant ?”

“Je n’ai pas attaqué le physique que je trouve tout à fait gracieux de Madame Benbassa”

On a donc contacté l’élu par mail afin de tenter de comprendre son propos et ceux qui ont suivi – car ce n’est pas fini. Concernant le premier tweet, il s’est expliqué sur Twitter, se justifiant en expliquant qu’il reprochait à Esther Benbassa d’avoir tronqué les propos de la Première dame :

Rapidement, sur les réseaux sociaux, Joachim Son-Forget s’est fait taxer de sexisme. “Infâme”, “consternant” ou encore “inacceptable” sont autant de commentaires postés à son sujet. À ceux qui l’accusent de sexisme, il répond :

“Ceux qui crient au sexisme feraient bien pour certains de balayer devant leur porte d’abord. Ensuite sur le fond : je n’ai pas attaqué le physique que je trouve tout à fait gracieux de Madame Benbassa, comme son sourire. Je lui ai simplement tendu un miroir face à elle : en lui donnant un exemple de comment un amalgame violent peut être vexant.

La dialectique est claire dans mon tweet, puisqu’il se finit par une question, impliquant que la 1re phrase correspond à un subjonctif, et que je comprends moi-même que c’est un exemple d’amalgame violent, employant une attaque ad hominem.”

Au sujet des attaques sur le physique, l’élu se défend d’en avoir proféré ne serait-ce qu’une, en en rajoutant une couche tout de même : “J’ai tout à fait le droit d’estimer que ce style est trop chargé”, estime-t-il. S’il assure n’avoir proféré aucune critique de ce type, il pointe du doigt “la loi du troll”, dont les limites sont “proches de la charia” :

“La coiffure est aussi un choix. Cela fait appel au libre arbitre, que nous avons tous, quand bien même nous vivons dans un univers déterminé. J’ai tout à fait le droit d’estimer que ce style est ma foi trop chargé.

Je veux bien que dans ce monde moraliste, on ne puisse plus rien dire sans être soumis à la loi du troll, mais je ne me sens pas concerné par ces limites proches de la charia. Le choix des lunettes, moi j’aime les grosses montures, d’autres trouvent cela grossier.”

À tous ceux qui l’accusaient, il a répondu avec une photo de Mme Benbassa :

La réponse de la principale intéressée, qui qualifie Joachim Son-Forget “d’aigle de la pensée”, accompagnée du hashtag #MeToo, fut la suivante :

“Il y a à l’Assemblée nationale un député La République en marche obscur et inactif. Le pire, c’est les soirs de réveillon. Là, pour tromper son oisiveté, c’est plus fort que lui, il m’insulte sur mon physique et me harcèle : 50 tweets en 97 minutes.

Gilles Le Gendre [président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, ndlr] doit d’urgence lui trouver une occupation pour le 31.”

En fait, c’était de la “psychologie pour faire passer des messages”

À nos confrères de Libération, Joachim Son-Forget a expliqué que sa série de tweets avait pour but de “faire le buzz en utilisant la psychologie cognitive” pour “lancer un débat sur la désinformation”. Une justification qu’on lui a demandé de préciser :

“J’étudie cette partie appliquée des sciences cognitives que j’ai étudiées en master à l’ENS et en Suisse […]. Il y a des recettes pour provoquer des ‘buzz’. On joue avec les biais perceptifs, en identifiant ce qui va toucher, ce qui va provoquer débat ou discussion, en évoquant de manière subliminale, ou plus exactement préconsciente des émotions. Si j’étais publicitaire, je l’utiliserais pour vendre un produit. Un message qui touche le système limbique, joue avec le circuit de la récompense, laisse un interstice de contre-argumentation facile, pouvant générer un moral outstanding, logical fallacies, biais perceptifs etc.”

Il tente d’expliquer qu’en tant que personnalité politique, il a recours à cette psychologie “en responsabilité pour passer des messages”. Voici sa réponse, qu’on a choisi de garder dans son entièreté tant il était compliqué de résumer ce propos que nous avons jugé décousu :

“Comme politique, je l’utilise en responsabilité pour passer des messages, contre l’extrême droite internationale (ex : Trump), contre le lynchage public au lieu de la loi et de la présomption d’innocence (ex : Marcel Campion), et cette fois contre l’infox mais aussi contre cette attaque dégoûtante contre la 1re dame. Il y a une logique forte entre mes trois interventions. Je dirais même depuis ma citation [en référence à ses propos de 2017, ndlr] que ‘l’excès de morale est le début de la charia’, qui est évidemment complètement assumée et revendiquée.
 
Oui, la morale ne doit pas se supplanter à la loi. La loi, c’est ce qu’on a trouvé de mieux pour examiner, juger. La démocratie, c’est ce qu’on a trouvé de mieux à la gouvernance. Oui l’extrême droite est un danger et c’est bien connu, c’est avec de la politesse qu’on se débarrasse du danger : Hitler – le point Godwin fait partie des méthodes psychotechniques très utiles – serait parti en son temps grâce au pouvoir des fleurs. Oui, la désinformation nous a fait plonger dans l’univers de la post-vérité. Dans celui-ci une émotion a vertu d’information. Un point de vue ne peut être que relatif, un fait y compris démontré également. Ce monde du relativisme anéantit les valeurs les plus nobles. Et quand les politiques s’y mettent il faut un moyen d’y mettre un coup d’arrêt sévère. Le comble de la faiblesse c’est d’invoquer dans ce cas présent un hashtag #MeToo et une position victimaire. Pour les gens intelligents, il est très clair que le tort est dans le message mensonger de Madame Benbassa.”

LREM se désolidarise

Gilles Le Gendre a réagi mercredi 26 décembre dans la matinée, indiquant que le groupe se désolidarisait du député : “le Bureau du Groupe parlementaire LREM se désolidarise de notre collègue Joachim Son-Forget à la suite de ses propos inadmissibles contre la sénatrice Esther Benbassa. Aucune controverse politique ne justifie de verser dans le sexisme et la vulgarité”.

D’autres membres du parti, délégués ou députés, ont réclamé pour certains des excuses, pour d’autres l’exclusion de M. Son-Forget, qui a répondu… :

Enfin, sur les réseaux sociaux, beaucoup ont souligné le taux de présence assez faible de M. Son-Forget à l’Assemblée nationale, à l’instar de cet internaute :

À ce sujet, Joachim Son-Forget rétorque à Konbini news : “C’est un comble. La vérité est tout le travail sous-marin”, assure-t-il. Et d’expliquer son point de vue en défendant son mandat :

“Je l’ai critiqué depuis le départ, ces compteurs ne prennent en compte que le quantitatif. Vous pourriez tout à fait être l’imbécile qui ne fait jamais de rendez-vous, n’est invité nulle part, ne voyage pas, ne voit pas sa circonscription, et appuie sur le bouton à chaque scrutin public, quand bien même vous n’écouteriez pas le débat en hémicycle, parle une fois de temps en temps même pour ne rien dire, eh bien vous feriez des chiffres de présence incroyables.”