Les punchlines de Patrick Balkany se multiplient à mesure que les jours de son procès pour fraude et blanchiment défilent.
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Pourquoi la villa Serena, le premier paradis antillais des Balkany, était-elle entourée de structures offshore ? À son procès pour blanchiment et corruption à Paris, le maire LR de Levallois-Perret s’est défaussé jeudi sur l’esprit de “jeu de piste” des Suisses tout en développant une certaine idée du patriotisme fiscal.
Avant la fameuse villa Pamplemousse, qu’Isabelle Balkany a fini par admettre avoir achetée en 1997 avec de l’argent familial issu d’un compte suisse, les édiles de Levallois-Perret avaient une autre propriété à Saint-Martin : Serena.
Construite en bord de mer en 1989, revendue en 2002, elle n’est pas incluse dans les poursuites pour blanchiment aggravé de fraude fiscale qui visent les époux, prescription oblige.
Achetée selon Patrick Balkany avec une fraction d’un héritage paternel resté en Suisse, Serena était officiellement détenue par une société liechtensteinoise, Belec, créée par la fiduciaire suisse qui gérait sa fortune.
Au début des années 2000, au moment de la vente de Serena, l’argent valse entre le compte de Belec au Liechtenstein, une société-écran payant les travaux de Pamplemousse et d’autres structures tout aussi exotiques.
Le président tente un résumé et déclare : “C’est toujours la même société qui change de nom”. “Non, c’est le même argent qui change de société”, répond Patrick Balkany, avant d’accabler son gestionnaire de fortune : “c’est l’esprit suisse ! C’est un jeu de piste !”
Le public se gausse. Il poursuit, intarissable : “Je n’en ai jamais compris l’utilité, sauf au moment de récupérer l’argent. Là, on vous dit ‘telle société, ça fait tant d’honoraires’, et à la fin il reste rien”. “Pourquoi les Suisses voulaient-ils brouiller les pistes ?, reprend le président, stoïque. – J’en sais rien Monsieur, parce que ces gens-là vivaient dans le secret jusqu’à ce que les traités internationaux les en empêchent”.
“Le procès des Juifs”
L’ancien député assure n’avoir découvert ces savants mécanismes que pendant l’enquête : “C’est quelque chose qui m’a plutôt étonné : je suis quelqu’un de pragmatique, de simple”.
Certes, convient-il, il n’a pas rapatrié en France la totalité des millions suisses de son père. Mais il s’agace : l’argent restant, “je l’ai utilisé en le réinvestissant dans notre pays ! J’ai pas acheté de maison à Miami, pas acheté de maison côté hollandais [de Saint-Martin], nous, c’était côté français ! Je suis fier d’être élu de mon pays et de le soutenir”.
L’administration fiscale a d’ailleurs prélevé 1,5 million d’euros sur le prix de vente de la villa Serena avant qu’il n’atterrisse sur le compte de Belec : “C’est quand même de l’argent caché qu’a coûté cher !”
Sur sa lancée, Patrick Balkany accuse de “grandes sociétés de cacher des bénéfices en Suisse”. Rien à voir, dit-il, avec lui et “tous les Français qui ont ou ont eu un compte en Suisse” dans leur famille : “j’aimerais bien ne pas être celui qui paie pour tout le monde”.
“Acceptez-vous la qualité de fraudeur fiscal au regard de la loi ?”, l’interroge alors le président Blanchet. Passablement agacé, l’édile répète qu’étant étrangère, la société qui détenait Serena payait “l’impôt sur la fortune au taux le plus important de 3 %”.
“Le fraudeur fiscal que vous me dites être a finalement payé plus d’impôt par le biais des sociétés qui détenaient ces maisons que s’il avait été nommément propriétaire”, lâche-t-il : “le fisc français n’a pas été spolié”.
Lui qui jusque-là appelait à ne pas faire le procès de son père, résistant et survivant d’Auschwitz qui cacha ses millions en Suisse au sortir de la guerre, invoque alors la communauté juive : “la spoliation, nous et ma communauté, nous savons ce que c’est”.
Dans son dos, la salle bruisse. “J’ai surtout l’impression aujourd’hui qu’on fait le procès des Juifs qui après la Libération ont pris leurs dispositions” pour mettre leur argent à l’abri, glisse-t-il.
Patrick Balkany s’est offusqué d’être interrogé “sur des choses qui datent de 25 ans”, en plaidant : “si j’avais tué quelqu’un, ce serait prescrit ! Je suis moins bien traité qu’un meurtrier”. Avant d’émettre un avis bien arrêté sur la tournure des débats : “on fait une montagne d’un procès qui accouche d’une souris”. “Ça, on verra”, a répliqué le président.
Au programme lundi : la villa Pamplemousse.
Konbini avec AFP