Assailli de critiques, le groupe Hachette a annulé vendredi la publication des mémoires du réalisateur new-yorkais Woody Allen, accusé d’avoir abusé sexuellement sa fille adoptive Dylan Farrow lorsqu’elle avait 7 ans, ce qu’il a toujours démenti.
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Le livre, censé retracer en détail la vie professionnelle et personnelle du cinéaste de 84 ans, auteur de dizaines de longs-métrages dont les cultes Manhattan et Annie Hall, devait être publié le 7 avril aux États-Unis par une filiale d’Hachette, Grand Central Publishing.
“La décision d’annuler le livre de M. Allen a été difficile […], nous n’annulons pas de livre à la légère”, a indiqué dans un e-mail à l’AFP Sophie Cottrell, porte-parole de Hachette Book Group USA (HBG). L’annonce est intervenue au lendemain d’une manifestation de dizaines d’employés d’Hachette, qui sont sortis de leurs bureaux à New York pour dénoncer la publication du livre du cinéaste.
“Ces derniers jours, la direction de HGB a eu de longues discussions avec le personnel et d’autres. Après avoir écouté, nous sommes arrivés à la conclusion que maintenir la publication n’était pas faisable pour HBG”, a ajouté Sophie Cottrell, précisant qu’Hachette rendrait “tous les droits” achetés au réalisateur.
Peu après l’annonce de la décision d’Hachette, l’autobiographie du réalisateur, intitulée Apropos of Nothing, figurait toujours sur le site de vente en ligne Amazon. Elle était étiquetée “best-seller”, ce qui laisse entendre que le site avait reçu un volume important de précommandes. Interrogé, Hachette n’a pas immédiatement précisé s’il annulait également la sortie du livre dans d’autres pays. Les mémoires de Woody Allen devaient notamment sortir le 29 avril en France.
“Reconnaissance” de Dylan Farrow
L’action des employés d’Hachette était intervenue après les critiques émises par le journaliste du New Yorker Ronan Farrow, frère de Dylan et un des lauréats du prix Pulitzer 2018 pour son enquête sur les agressions sexuelles commises par le producteur de cinéma Harvey Weinstein.
Lui qui a toujours défendu sa sœur avait indiqué avoir appris par la presse que le groupe Hachette, également éditeur via une autre filiale de son propre livre Catch and Kill (Les faire taire dans l’édition française) sur les dessous de l’affaire Weinstein, allait publier le livre de son père. Il avait alors déclaré qu’il ne travaillerait plus avec le groupe Hachette.
Les accusations de Dylan Farrow ne sont pas nouvelles. Woody Allen les a toujours réfutées, rappelant qu’après deux enquêtes de plusieurs mois dans les années 1990, le procureur du Connecticut chargé du dossier avait décidé de ne pas l’inculper.
Mais soutenue par son frère et sa mère, Mia Farrow, Dylan Farrow les a relancées début 2018, dans la foulée du mouvement #MeToo. Après avoir déjà salué les employés d’Hachette jeudi, Dylan Farrow leur a témoigné sa “reconnaissance” vendredi. “Pour quelqu’un qui s’est longtemps senti seul avec son histoire, la journée d’hier rappelle qu’on peut faire une différence quand les gens s’unissent pour ce qui est juste”, a-t-elle indiqué dans une déclaration sur Twitter.
Woody Allen n’a pas immédiatement réagi. Mais sur les réseaux sociaux, certains ont critiqué Hachette, comme l’écrivain Stephen King. “La décision d’Hachette de laisser tomber Woody Allen me met très mal à l’aise. Ce n’est pas lui, je me fiche de M. Allen. Ce qui m’inquiète, c’est qui sera muselé au prochain coup”, a tweeté l’auteur de nombreux best-sellers adaptés au cinéma.
C’est la deuxième fois depuis le début du mouvement #MeToo en octobre 2017 que Woody Allen voit un contrat annulé. En 2018, Amazon avait annulé la sortie prévue de son film Un jour de pluie à New York, avec Timothée Chalamet, Selena Gomez et Jude Law.
Le cinéaste avait attaqué le géant de l’Internet devant la justice américaine pour rupture abusive de contrat, lui réclamant 68 millions de dollars. Avant d’abandonner les poursuites après avoir trouvé un accord avec Amazon, dont les termes n’ont pas été dévoilés.
Le mouvement #MeToo a fait chuter des dizaines d’hommes de pouvoir, surtout aux États-Unis. En France, les César se sont montrés plus cléments, comme l’a illustré récemment encore l’affaire Roman Polanski, lauréat fin février de la statuette la Meilleure réalisation pour son film J’accuse, malgré de nouvelles accusations d’agressions sexuelles à son encontre et un torrent de critiques.