Les États américains déterrent la hache de guerre contre Facebook et Google

Les États américains déterrent la hache de guerre contre Facebook et Google

En deux jours, deux enquêtes pour pratiques anticoncurentielles ont été ouvertes contres les géants de la tech.

Déjà dans le viseur des députés du Congrès et des régulateurs, Google et Facebook viennent de se découvrir un nouvel ennemi : les procureurs des États américains. Le 6 septembre, huit d’entre eux (New York, Colorado, Iowa, Nebraska, Caroline du Nord, Ohio, Tennessee et Washington), républicains comme conservateurs, représentés par la procureure générale de New York Letitia James, annonçaient avec gravité l’ouverture d’une enquête contre le réseau social, accusé d’“étouffer la concurrence” en profitant de sa situation de monopole sur le secteur.

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L’enquête cherche à déterminer particulièrement si les rachats consécutifs d’Instagram (en 2012, contre 1 milliard de dollars) puis de WhatsApp (en 2014, contre 19 milliards de dollars) “ont pu mettre en danger les données personnelles des consommateurs, réduire la qualité des choix qui leur sont proposés ou augmenter le prix des publicités”, selon Letitia James.

Mardi 10 septembre, c’est cette fois-ci une coalition de 50 procureurs (48 États, plus Washington DC et Porto Rico), menés par le magistrat texan Ken Paxton, qui annonce l’ouverture d’une enquête antitrust contre Google. Seuls la Californie et l’Alabama manquent à l’appel.

Il est reproché à l’entreprise de profiter de sa position dominante sur le marché du moteur de recherche (Google concentre environ 90 % des recherches sur le Web mondial) pour favoriser ses propres produits ou les entreprises qui la paie pour figurer en bonne place dans les résultats de recherche. Ashley Moody, procureure générale de Floride, a résumé l’affaire en ces termes :

“Quand il n’existe plus de libre marché ou de compétition, les prix augmentent, même lorsqu’un produit est proposé gratuitement, et qu’il met en danger les consommateurs. Un produit est-il réellement gratuit si nous abandonnons de plus en plus de vie privée [en échange] ?”

Les griefs retenus par cette coalition bipartisane de magistrats font écho à l’amende de 1,49 milliard d’euros infligée à Google par l’Union européenne, le 20 mars dernier, pour “abus illégal de position dominante sur le marché du courtage publicitaire lié aux recherches en ligne”. La troisième en trois ans, selon la Commissaire européenne à la concurrence de l’époque, Margrethe Vestager, après 2017 et 2018.

“Il est bien évidemment normal que les gouvernements aient un pouvoir de supervision pour s’assurer que toutes les entreprises à succès, y compris la nôtre, sont en accord avec la loi, a réagi laconiquement Google sur son blogNous avons déjà répondu à de nombreuses questions à ce sujet les années passées ; aux États-Unis comme à l’étranger, sur plusieurs aspects de notre business, donc ceci n’est pas nouveau pour nous.”

Offensive généralisée contre les GAFA

Outre ces enquêtes contre Google et Facebook, les magistrats américains ont lancé une offensive inédite contre les quatre géants nationaux de la technologie. Le département de la Justice, de son côté, enquêterait depuis juillet sur les pratiques anticoncurrentielles d’Amazon, accusé de pister les données de navigation des internautes pour analyser leurs comportements de consommation et leur proposer ensuite ses produits.

Les magistrats n’ont pour l’instant pas nommé la ou les cibles de leur enquête, mais Google et Facebook pourraient également être visés. Enfin, Apple et son App Store pourraient également être inquiétés : une enquête du New York Times, publiée le 8 septembre, démontre que les applications siglées du logo à la pomme trustaient le haut des résultats de recherche sur la plateforme d’applications, au détriment de la concurrence. L’algorithme de recommandation a depuis été modifié.

Alors, certes, les procureurs généraux n’ont pas le pouvoir de faire exploser les plateformes, comme le rappelle The Verge, car les lois antitrust devront être appliquées par des tribunaux fédéraux. Néanmoins, leur pouvoir est bien réel, rappelle Wired, et leur influence s’est fait sentir dans l’histoire américaine récente.

En 1998, 20 procureurs généraux se rangeaient derrière le département de la Justice lors de l’immense enquête antitrust contre Microsoft, l’un des événements déterminants de l’histoire de la Silicon Valley. Au total, selon l’outil interactif développé par le New York Times, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) cumulent désormais 16 enquêtes de la justice américaine : 8 au niveau fédéral, 6 au niveau local, et 2 du Congrès. La guerre est déclarée.