Le Japon va rejeter dans l’océan Pacifique, après traitement, plus d’un million de tonnes d’eau provenant de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi, a annoncé mardi 13 avril le gouvernement nippon malgré l’opposition des pays voisins et des pêcheurs locaux.
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Cette décision met fin à sept années de débats sur la manière de se débarrasser de l’eau issue de la pluie, des nappes souterraines ou des injections nécessaires pour refroidir les cœurs des réacteurs nucléaires entrés en fusion après le gigantesque tsunami du 11 mars 2011. Environ 1,25 million de tonnes d’eau contaminée sont actuellement stockées dans plus d’un millier de citernes sur le site de la centrale accidentée.
L’eau sera rejetée “après nous être assurés qu’elle est à un niveau [de substances radioactives, ndlr] nettement en dessous des normes de sécurité”, a déclaré mardi le Premier ministre Yoshihide Suga, ajoutant que le gouvernement japonais prendrait “des mesures” pour empêcher que cela n’entache la réputation de la région. Une décision rapide était nécessaire car l’eau continue de s’accumuler et les limites des capacités de stockage sur place pourraient être atteintes dès l’automne 2022, selon Tepco, l’opérateur de la centrale.
L’eau destinée à être relâchée dans cette opération, qui ne devrait pas commencer avant deux ans et pourrait prendre des décennies, a été filtrée à plusieurs reprises pour être débarrassée de la plupart de ses substances radioactives (radionucléides), mais pas du tritium, lequel ne peut pas être éliminé avec les techniques actuelles.
Une solution très contestée
Cette solution est très contestée par les pêcheurs et agriculteurs de Fukushima, dans le nord-est du pays, ceux-ci redoutant que cela n’affecte encore davantage l’image de leurs produits auprès des consommateurs, même si Tepco s’est engagé mardi à prendre “des mesures pour empêcher que des rumeurs néfastes ne circulent” à l’encontre de l’agriculture, des forêts, de la pêche et du tourisme dans la région.
Le gouvernement “nous a dit qu’il ne rejetterait pas l’eau sans l’adhésion des pêcheurs”, a déclaré Kanji Tachiya, responsable d’une coopérative locale de pêche à Fukushima, mais “maintenant, ils reviennent là-dessus et nous disent qu’ils vont rejeter l’eau, c’est incompréhensible”.
Plus d’une centaine de personnes ont aussi manifesté mardi devant le Kantei, les bureaux et la résidence officielle de M. Suga à Tokyo, portant des pancartes avec des slogans contre la décision. “S’il vous plaît, arrêtez maintenant”, a lancé Ichiro Tanaka, un manifestant sexagénaire, selon des propos recueillis par l’AFP. “Ne pourrissez pas Fukushima et tout le Japon avec la radioactivité […]. Vous avez dû décontaminer la zone après l’accident, n’allez pas répandre à nouveau la contamination.”
“Le gouvernement japonais a, une fois de plus, laissé tomber les gens de Fukushima”, a réagi mardi Greenpeace, fustigeant une “décision complètement injustifiée de contaminer délibérément l’océan Pacifique”. L’organisation environnementale a répété son appel à poursuivre le stockage de l’eau jusqu’à ce que la technologie permette de la décontaminer complètement.
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Les pays voisins réprouvent
Début 2020, des experts commissionnés par le gouvernement avaient recommandé le rejet en mer, une pratique déjà existante au Japon comme à l’étranger sur des installations nucléaires en activité. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a aussi soutenu cette option. Son directeur général Rafael Grossi s’est “réjoui” mardi de la décision du Japon, déclarant que l’AIEA était prête à lui fournir un soutien technique. Cette décision est “une étape importante” dans le démantèlement de la centrale de Fukushima Daiichi, a salué Rafael Grossi dans un communiqué.
Les voisins du Japon, avec qui Tokyo entretient des relations houleuses sur fond de contentieux historiques, ont manifesté leur mécontentement. La Chine a qualifié mardi “d’extrêmement irresponsable” l’approche du Japon, qui “va gravement nuire à la santé et à la sûreté publiques dans le monde, ainsi qu’aux intérêts vitaux des pays voisins”. La Corée du Sud, qui a exprimé de “vifs regrets” après cette décision qui représente “un risque pour l’environnement maritime”, a convoqué l’ambassadeur japonais à Séoul.
Le gouvernement américain, allié de Tokyo, a en revanche exprimé son soutien à l’opération, notant que le Japon avait “pesé les options et les effets, avait été transparent dans sa décision et [semblait] avoir adopté une approche en accord avec les normes de sûreté nucléaire internationalement reconnues”.