Le leader de la France insoumise a depuis longtemps choisi son camp.
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Jean-Luc Mélenchon, sur le stand de la république bolivarienne du Venezuela. (Wikimédia CC)
Depuis jeudi 24 janvier, le Venezuela a deux présidents. Nicolás Maduro qui a prêté serment le 10 janvier dernier pour un second mandat et son opposant Juan Guaido président du Parlement qui s’est autoproclamé hier “président en exercice.”
Très rapidement, les États-Unis ont pris position pour ce dernier. Dans leur sillage, les responsables politiques du monde entier ont pris parti, à l’instar d’Emmanuel Macron qui a désavoué Nicolás Maduro dans un tweet.
Après l’élection illégitime de Nicolás Maduro en mai 2018, l’Europe soutient la restauration de la démocratie. Je salue le courage des centaines de milliers de Vénézuéliens qui marchent pour leur liberté.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 24 janvier 2019
Pour Jean-Luc Mélenchon, c’est l’occasion de réaffirmer son soutien indéfectible au président vénézuélien. Le leader de la France insoumise dénonce un “coup d’État.”
#Venezuela. Une tentative de coup d'État en violation de tous les principes admis jusque là dans le monde après une élection.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 23 janvier 2019
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Pour Mélenchon, les attaques des démocraties occidentales à l’encontre de Nicolás Maduro sont illégitimes. La crise économique que l’on impute au président du Venezuela n’est que le fait de la chute des barils de pétrole. Pire, cette rhétorique visant à jeter le discrédit sur le gouvernement vénézuélien aurait été imaginée par les États-Unis pour – à terme – envahir le pays. On serait face à un bis repetita de l’Irak.
Enfin, l’opposition de plus en plus importante dans le pays ne compterait que de membres de la droite et de l’extrême droite qui en veulent au modèle de social-démocratie mis en place par Hugo Chávez.
Les opposants au Venezuela sont divisés en deux groupes : ceux qui acceptent le résultat des élections et une opposition violente qui ne les accepte pas. #LEmissionPolitique
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 30 novembre 2017
Autant dire que le député des Bouches-du-Rhône ne lésine pas sur les contre-feux pour justifier les agissements du gouvernement en place. Mais pourquoi Jean-Luc Mélenchon soutient-il tant le Venezuela ?
L’explication est complexe. Elle a à voir avec son identité politique, ses convictions et le modèle qu’il défend. Jean-Luc Mélenchon voue un culte à la révolution bolivarienne ; ce mouvement de réformes initié par le prédécesseur de Nicolás Maduro, Hugo Chávez, visant à redistribuer la rente pétrolière au peuple. Pour rappel, le pays dispose des plus importantes réserves de pétrole au monde.
Un programme inspiré de l’expérience sud-américaine
D’aucuns diront que tout a commencé par un tropisme sud-américain hérité de ses années d’élu à Massy à la fin des années 1970. La commune y aurait reçu de nombreux réfugiés chiliens. C’est aussi là qu’il aurait accouché de son concept de “révolution citoyenne”, le leitmotiv de sa campagne de 2012, ramassé dans les discours du président équatorien Rafael Correa.
Conférence de Rafael Correa, ancien président de la République de l’Équateur, le vendredi 25 août 2017, aux AMFiS d’été de la France insoumise à Marseille. (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=PqSrMnLgAWY" target="_blank" rel="noopener">YouTube</a>)
D’autres soutiendront que tout est parti du temps où il était élu du parti socialiste, au début des années 2000. Il observe ce qui se passe au Venezuela avec attention, et y trouve assez rapidement une source d’inspiration. C’est dans le programme d’Hugo Chávez qu’il découvre le référendum révocatoire qu’il inscrira ensuite dans son programme pour la présidentielle.
En cas d’élection, le candidat Jean-Luc Mélenchon avait annoncé qu’il convoquerait une Assemblée constituante pour écrire une nouvelle Constitution. Exactement ce que fit Hugo Chávez, avec cette volonté commune de “politiser les citoyens”. “Chez les deux, il y a la volonté de parler du peuple contre l’oligarchie, plutôt que de la lutte des classes et de faire la promotion d’une démocratie basée sur l’éthique,” comme a déjà pu l’expliquer Olivier Tonneau enseignant-chercheur.
Autre clin d’œil à la révolution bolivarienne : la proposition n° 62 de son programme “L’avenir en commun” où il était question de faire adhérer la France à l’Alliance bolivarienne. Lancé par Hugo Chávez et Fidel Castro en 2005, ce projet régional d’intégration économique et politique rassemble l’Équateur, le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua et plusieurs petits pays des Antilles.
“Chávez ne meurt jamais !”
Jean-Luc Mélenchon a réalisé deux voyages au Venezuela, en 2006 et en 2012. À cette occasion, il rencontre officiellement Chávez lors du Forum de São Paulo regroupant des partis de gauche. Dès la campagne présidentielle vénézuélienne d’octobre 2012, le leader de la France insoumise avait signé dans Le Monde une tribune prenant la défense du leader “Hugo Chávez, un homme diffamé.”
Le jour de sa mort, il était apparu très ému lors d’une conférence de presse : “Ce qu’est Chávez ne meurt jamais ! C’est l’idéal inépuisable de l’espérance humaniste, de la révolution.” Au moment de l’élection de Nicolás Maduro, il avait également tweeté que le “Venezuela bolivarien est une source d’inspiration” et avait salué sa victoire.
Venezuela bolivarien est une source d'inspiration pour nous, nous saluons la victoire de #Maduro !
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 19 avril 2013
En un mot le leader de la France insoumise s’est tellement inspiré du modèle chaviste, que le renier aujourd’hui reviendrait à se désavouer. Dénoncer le système mis en place par Hugo Chávez ouvrirait la porte aux critiques sur son propre projet, qui vise à proposer une alternative au schéma économique libéral actuel.
Sauf qu’aujourd’hui, le modèle social d’Hugo Chávez n’est plus. Ruiné par la chute des prix du pétrole, le gouvernement de son successeur, Nicolás Maduro, réprime dans la violence toute forme de contestation. Quelque 130 manifestants ont péri au printemps 2017, tués par la Garde nationale ou par les “collectifs”, des milices à la solde du pouvoir. Face à la crise humanitaire sans précédent qui frappe leur pays, des milliers de Vénézuéliens se réfugient au Brésil.
L’élection de Juan Guaido à la tête du Parlement, le 5 janvier dernier, pourrait bien rebattre les cartes. Si l’opposition dispose de la majorité depuis 2015, le jeune homme de 35 ans a finalement réussi à mobiliser les adversaires du président, jusque-là divisés.
Lundi 21 janvier, plusieurs militaires ont répondu à l’appel lancé par ce leader de l’opposition et ont tenté de prendre une caserne. Hier, opposants et soutiens du régime se sont affrontés dans de grandes manifestations, durant lesquelles au moins 13 personnes ont péri.
Publié le 31 janvier 2018 et mis à jour le 24 janvier 2019