Le 10 janvier 2018, je m’en souviendrai toute ma vie : c’est le jour où j’ai rencontré Nadim. Il habite à Bastia, en Corse. Alors, comment je l’ai rencontré ? En jouant à un jeu vidéo qui s’appelle Call of Duty. Ce n’est pas vraiment le premier endroit auquel on pense pour rencontrer un garçon, puisque l’objectif est de survivre après avoir tué un maximum d’adversaires.
À voir aussi sur Konbini
On a joué une première partie, on a bien accroché puis on a échangé nos Snaps pour pouvoir rejouer plus tard. Au fil des parties et des heures passées ensemble, il a réussi à percer ma coquille. Nadim est arrivé dans ma vie à un moment où je n’étais pas très sociable, où je n’étais pas très bien psychologiquement.
Il m’a montré que je pouvais avoir confiance en lui. J’ai pu sortir de ma phase sombre. On habite à des kilomètres l’un de l’autre et, pourtant, on passait de plus en plus de temps à discuter, à se faire des visios. Nadim a la peau un peu bronzée, il est grand, il a les yeux marron et les cheveux courts bruns avec des boucles.
Presque deux ans pour se mettre ensemble
On devenait de plus en plus proches. On s’est rendu compte qu’on avait beaucoup de délires et de points communs : les jeux vidéo comme Call of Duty ou FIFA, les animés comme Naruto, Fairy Tail et plein d’autres… Un jour, il a fini par m’avouer : “Alicia, j’ai des sentiments pour toi.” Je lui ai répondu que même si c’était réciproque, je ne voulais pas sortir avec lui parce que j’avais peur de l’amour. J’avais eu une mauvaise expérience avec un autre garçon : il m’avait fait croire qu’il m’aimait alors qu’il me trompait.
On est tout de même restés amis. Nadim me disait tout et moi aussi. Cela nous a encore plus rapprochés, on se parlait sur Call of Duty et on s’appelait tous les jours. J’ai été obligée de l’admettre : j’étais tombée amoureuse de ce garçon. Le 21 décembre 2019, je lui ai enfin avoué mes sentiments et on s’est mis en couple.
Malheureusement, quelques mois plus tard, on a dû se séparer car sa famille n’était pas favorable à cette relation à distance. Ça leur a valu beaucoup de disputes. De mon côté, mes parents ne me prenaient pas au sérieux et ne considéraient pas cette relation comme tenable, car elle est virtuelle. Pour eux, à distance, ça ne pouvait pas marcher. On était tristes de se quitter. Malgré tout, on a continué à se parler même si sa mère n’était pas d’accord. Deux mois plus tard, on s’est remis ensemble car j’ai pu discuter avec sa mère et j’ai réussi à la convaincre qu’on était sincères.
Ça reste virtuel mais c’est du sérieux
Vivre une relation amoureuse à distance, c’est très compliqué car tu ne sais pas toujours ce que fait l’autre. Quand il ne répond pas à tes appels, tu te poses plein de questions. Des fois, ça te casse le moral de ne pas avoir la personne que tu aimes à tes côtés, de ne pas pouvoir la serrer dans tes bras, de ne pas pouvoir lui faire des câlins.
Et puis, on ne s’est encore jamais vus en vrai. On s’appelle, on fait des visios tous les jours. Ça reste virtuel mais ça ne veut pas dire que ça n’est pas sérieux ! On ne peut pas se voir car financièrement ça ne va pas trop, ni pour lui, ni pour moi. Je n’ose pas demander à mes parents de me prêter de l’argent, vu qu’ils ne prennent pas au sérieux cette relation.
Avec Nadim, notre relation dure toujours à l’heure actuelle. Je suis heureuse grâce à lui. Il a réussi à me permettre de faire à nouveau confiance aux gens. Il m’a aussi aidée à aimer mon corps et à l’accepter. Ça fait deux ans qu’on est ensemble. Je me projette avec lui.
En attendant de pouvoir se voir en vrai, on ne se lâche pas, virtuellement parlant. On a le projet de vivre ensemble dans deux ans lorsqu’il viendra continuer ses études de commerce dans le Nord. Et sinon, on continue à jouer à Call of Duty. On est tous les deux forts, même s’il tue un peu plus de personnages que moi !
Alicia, 16 ans, lycéenne, Fort-Mardyck
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.