J’ai été adopté par un couple homoparental dans les années 1980

J’ai été adopté par un couple homoparental dans les années 1980

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Par Lisa Drian

Publié le , modifié le

L’humoriste Inno JP revient sur son parcours, de sa naissance au Rwanda à son arrivée à Bruxelles, en passant par ses retrouvailles avec sa famille biologique.

Mai 1983, Kigali, Rwanda. C’est ici que naît Inno JP avant d’être adopté lorsqu’il avait 14 mois. Ses mères adoptives, Josée et Hélène, avaient 50 et 56 ans. “La législation belge à l’époque disait qu’il fallait se conformer à la loi du pays dans lequel l’enfant est adopté. La loi rwandaise stipulait qu’une femme pouvait adopter un enfant à partir de 50 ans.”

À l’époque, impossible d’adopter un enfant pour un couple homoparental, même en Belgique. “Elles-mêmes n’étaient pas vraiment ‘déclarées’. Moi, je les appelais “maman” et “marraine”, c’était comme ça que l’on s’était arrangé légalement. L’une des deux m’avait adopté en tant que mère célibataire et l’autre, officiellement, était ma marraine.”

L’homoparentalité encore taboue dans les années 1980

“Les choses étaient très tues. Les gens comprenaient, ne disaient rien. C’était comme si on vivait dans un placard transparent.” Les mères adoptives d’Inno JP (ou plutôt Jean-Pierre, à son grand regret) disaient parfois qu’elles étaient sœurs. “Elles-mêmes n’avaient jamais fait de coming out officiel, ni même à leurs propres parents.” Mais pour l’humoriste, la différence d’âge “a eu des milliards de fois plus d’impact sur notre rapport que leur orientation sexuelle.”

Il se souvient de ses deux mères, jeunes retraitées, comme d’un couple “posé”, à la différence des jeunes parents actifs. Il se souvient des anecdotes bien rodées, de la possibilité de prendre le temps sans être dans le “rush” permanent. Inno JP prend conscience de la relation de ses mères à l’adolescence, où la question de l’homosexualité “commençait un peu à se fluidifier dans la société”.

“Il y a un truc dont je me souviendrai toujours, c’est que ma marraine, Hélène, la plus âgée, qui voyait la Gay Pride par exemple au JT, à chaque fois elle se retournait, et elle disait : ‘Josée, tu te rends compte ? On s’est cachées toute notre vie et maintenant c’est à la mode.”

Retour au Rwanda

En 2004, alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années, Inno JP décide de se rendre au Rwanda pour retrouver le pays où il est né. “Très naïvement je voulais voir à qui je ressemblais, parce que je n’avais jamais été dans une situation où je ressemblais à quelqu’un. […] C’était la première fois que personne ne me regardait et ne me dévisageait. Et ça, c’était dingue, ce sentiment d’appartenance, alors que je suis entouré d’inconnus. Donc je me dis : ‘Ah, mais c’est ça que les Blancs ressentent tout le temps ?'”

L’humoriste a retrouvé une partie de sa famille biologique et surtout sa mère… qui était finalement à Bruxelles depuis 10 ans. Elle avait fui le génocide du Rwanda avec sa famille dans les années 1990. Impossible de savoir qu’ils étaient dans la même ville, la mère d’Inno ne pouvait pas le recontacter “pour le bien-être de l’enfant”. L’humoriste a donc pris les devants. Après un coup de fil inattendu et une longue discussion, Inno JP rencontre d’abord son frère, qui lui propose d’aller voir sa mère biologique. Un moment “suspendu” que décrit l’humoriste, ému.

Une histoire, deux visions

Sa famille biologique lui raconte alors son histoire, d’un point de vue différent de ce qu’il avait toujours entendu. “Je n’en veux pas à mes parents adoptifs, qui elles-mêmes pouvaient avoir une vision réductrice de l’Afrique. Elles venaient d’une autre génération. Ce n’était pas quelque chose qui était le reflet exact de la réalité. Il y a un côté ‘sauvé de la misère tiers-mondiste'”. Inno JP a donc grandi avec cette image de la chance et avec ce modèle. “J’avais intégré cette notion, et surtout, que j’avais beaucoup d’efforts à faire pour être à la hauteur de la chance que j’avais eue.”

Inno JP revient sur toute son histoire dans son spectacle La Vie Quoi à La Petite Loge Théâtre jusqu’au 27 mars 2022.