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“Dead name” sur la plaque funéraire d’une étudiante : un maire de Haute-Savoie accusé de transphobie

“Dead name” sur la plaque funéraire d’une étudiante : un maire de Haute-Savoie accusé de transphobie

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© Godong / Getty Images

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Par Clothilde Bru

Publié le

La mairie de Thonon-les-Bains refuse d’inscrire le prénom d’une jeune femme transgenre décédée en 2020 sur sa plaque funéraire.

L’entêtement de l’édile de Thonon-les-Bains, raconté par Mediapart mercredi 26 janvier, laisse pantois. Selon le site d’informations en ligne, le maire divers droite de cette commune de Haute-Savoie, Christophe Arminjon refuse depuis des mois d’apposer le nom d’une jeune femme transgenre sur sa plaque funéraire.

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Manon (prénom utilisé par Mediapart pour conserver son anonymat), une étudiante de 28 ans en situation de handicap, s’est suicidée le 20 juin 2020. Selon un courrier de sa mère adressé au maire de Thonon-les-Bains et consulté par Mediapart, Manon “est morte de chagrin après le décès de son amie”, qui s’est aussi suicidée trois semaines plus tôt.

Elle affirme aussi que si Manon est née dans un corps de garçon, elle savait depuis longtemps qu’elle était une femme. La maman évoque l’année 2014 comme moment de cette prise de conscience, avant de préciser qu’en 2016, Manon commençait des traitements pour modifier son apparence.

Selon Mediapart, c’est bien le prénom qu’elle a choisi dès lors qui figurait sur sa carte étudiante. La jeune femme était élève en sociologie à Paris 8. Pour autant, Manon n’avait pas encore pu officialiser ce changement à l’état civil.

“Avec le confinement et le handicap dont souffrait Manon, la procédure de changement de prénom avait été considérablement retardée”, précise le site d’informations en ligne.

Lorsque Manon meurt, ses parents constatent que c’est son “dead name” (son prénom de naissance – qui est inscrit à l’état civil) sur l’urne cinéraire et dans le registre de la mairie. Une décision avec laquelle ils s’accordent, selon leur avocate Me Magaly Lhotel interrogée par Mediapart.

“Mes clients ont tout à fait accepté que l’ancien prénom soit inscrit sur le registre et sur l’urne car ils savent que le changement d’état civil n’avait pas encore pu être officialisé”, explique-t-elle.

Ils n’ont alors qu’un seul souhait : que son nouveau prénom puisse être inscrit sur la plaque du columbarium devant laquelle ils viendront se recueillir. Ce qu’on leur refuse.

“Je vous en supplie”

“Aucune inscription ne peut être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à l’approbation du maire”, leur explique-t-on dans un courrier.

“Le nom d’usage ‘Manon’ ne (peut) être, à notre sens, substitué aux éléments constitutifs de l’état civil (nom et prénom)”, explique le directeur de cabinet du maire de Thonon-les-Bains, joint par Konbini news.

Pour justifier la décision du maire, on invoque l’“atteinte à l’ordre public” et “la dignité du défunt” dans les colonnes de Mediapart

“Prenant en compte la demande de la famille Monsieur le Maire a suggéré d’ajouter aux nom et prénom la mention ‘dit Manon’, proposition que la famille a refusée”, précise le cabinet du maire. 

Pour les parents de la jeune femme, c’est insupportable.

“Je vous en prie, je vous en supplie, pour nous, sa famille, ses amis qui allons nous recueillir au columbarium, elle était Manon sans ambiguïté ni provocation. Juste par caprice de la nature. Et elle en est morte ! Autorisez “Manon” sur sa tombe, s’il vous plaît”, écrit sa maman dans un courrier adressé à l’édile.

Rien n’y fait. Interrogés par Mediapart, les services de la mairie persistent et signent. “On applique la réglementation. Seule la justice peut nous demander d’agir”, explique-t-on et ce malgré le soutien apporté par la préfecture à la famille de Manon.

Comme le rappelle l’association, OUTrans joint par Mediapart, rappeler le dead name d’une personne constitue une “violence contre elle et de la diffamation.” Elle dénonce, comme beaucoup d’autres internautes, une décision transphobe.

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De son côté, l’association Stop homophobie a annoncé déposer plainte contre le maire de Thonon-les-Bains.

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Article modifié le 28 janvier à 15h27 : rajout des propos du directeur de cabinet du maire de Thonon-les-Bains.