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Chasse à courre : des veneurs accusés d’avoir plongé un militant dans le coma

Chasse à courre : des veneurs accusés d’avoir plongé un militant dans le coma

Par Clothilde Bru

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(c) Lionel BONAVENTURE / AFP)

Un homme est dans le coma depuis près de 7 jours. Chasseurs et militants de la cause animale s'accusent mutuellement.

(c) Lionel BONAVENTURE / AFP)

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L’incident s’est déroulé samedi 16 février dans une forêt de Bretagne. L’association Abolissons la Vénerie Aujourd’hui (AVA) accuse un veneur d’avoir plongé un militant de la cause animale dans le coma, après l’avoir frappé plusieurs fois au visage. Côté chasseurs, c’est une tout autre version.

“Contrairement aux intox communiquées par AVA Bretagne et relayées, sans vérification, par des associations animalistes nationales, la rixe qui a plongé Frédéric H. dans le coma n’a pas de rapport avec la chasse à courre”, a démenti la Société de Vénerie dans un communiqué.

Pour rappel la vénerie, c’est l’autre nom de la chasse à courre. Dans ce “sport”, seuls les chiens chassent grâce à leur odorat et leur instinct de prédateur. L’homme, généralement cavalier pour la circonstance, contrôle et suit la meute. On l’appelle le veneur.

L’incident s’est produit samedi dernier dans la forêt du Gâvre au nord de Nantes, comme le raconte dans le détail l’antenne bretonne de l’association de défense des animaux sur sa page Facebook. Sur ce point, les deux versions concordent.

Jimmy Nédellec, l’un des porte-parole d’AVA, était sur les lieux de l’incident. Tout est allé très vite selon le jeune homme de 28 ans interrogé par Konbini news.

“On était une dizaine de personnes en stationnement au rond-point de l’Étoile qui est une grande place au milieu de la forêt. Un véhicule de veneurs est arrivé juste derrière nous. Un veneur est sorti de ce véhicule furieux, il a arraché l’essuie-glace arrière et il a ouvert la portière arrière en invectivant.”

L’agresseur s’en serait ensuite pris à Frédéric, 50 ans, militant d’AVA. Selon Jimmy Nédellec, il lui distribue alors plusieurs coups de poing au visage qui le font reculer puis chuter.

Deux versions radicalement différentes

“Quand j’ai voulu m’interposer, il m’a agressé aussi, mais rien à voir avec Frédéric, c’est lui la victime”, s’empresse d’ajouter Jimmy Nédellec. Voilà pour la version de l’association.

Côté Société de Vénerie, le déroulé des événements diffère radicalement. Ce sont Frédéric et Jimmy Nédellec qui auraient agressé Mickaël Perennez, délégué régional de la vénerie qui aurait depuis porté plainte.

“J’ai tambouriné sur la porte arrière droite du véhicule pour qu’il libère le passage, lorsque la portière s’est ouverte, j’ai pris deux coups de poing dans la tête” raconte Mickaël Perennez joint par Konbini news. Selon lui, la scène a été filmée par un veneur. On voit bien Frédéric tomber, toutefois le veneur dément l’avoir frappé. “Ce sont des menteurs”, assure-t-il. “Je n’ai jamais frappé personne.”

L’incident a eu lieu en fin de matinée et ce n’est que plus tard dans la journée que Frédéric fait un malaise à la suite duquel il est conduit en urgence à l’hôpital où il est plongé dans le coma.

Pour AVA, cela fait suite à la rixe du matin, et aux coups qu’aurait reçus Frédéric. “Il voulait simplement protéger la forêt et ses habitants en dénonçant une pratique qu’il juge barbare et faire entendre la voix des citoyens”, raconte sur Facebook les militants, choqués.

La société de Vénerie dénonce de son côté une “affirmation particulièrement grave, malhonnête et diffamatoire” :

“Selon nos informations, en toute fin de journée, à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où s’est déroulée la chasse, Fréderic H. aurait participé à une rixe avec un individu n’ayant aucun lien, de près ou de loin, avec la chasse à courre.”

Selon Mickaël Perennez, ce serait suite à cette rixe avec un Anglais que Frédéric aurait été blessé à la tête.

Deux camps irréconciliables

Comment en est-on arrivé à un tel degré de violence ? Là aussi, deux versions s’opposent.

“On vient pour filmer, et ça les dérange beaucoup, ils sont souvent dans l’illégalité”, avance le porte-parole d’AVA.

Les membres d’AVA sont très actifs. Ils interviennent deux fois par semaine depuis le début de la saison qui a débuté le 15 septembre dernier. L’année dernière des militants de la cause animale qui avaient infiltré et filmé une partie de chasse à courre en Vendée nous partageait leurs images.

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Lorsqu’on lui demande si les agressions sont courantes, Jimmy Nédellec rit jaune. En effet, le jeune homme témoignait déjà dans Ouest-France il y a quelques jours : “Il nous arrive de tomber dans des guets-apens. On a même déposé une quarantaine de plaintes pour agressions physiques.”

Côté veneurs, c’est l’attitude des militants qui pose souci : “Les actions de sabotage des militants animalistes ne cessent de mettre en danger chevaux, chiens et cavaliers. Les AVA avaient déjà provoqué un grave accident en Bretagne en octobre dernier. Quelques semaines plus tôt, leur irruption, au milieu d’une chasse à tir, alors qu’ils croyaient perturber une chasse à courre avait également déjà failli provoquer un accident mortel.”

Mickaël Perennez ajoute : “La saison touche à sa fin et AVA n’a toujours pas ramené d’images croustillantes, parce qu’on a mis fin à certaines pratiques qui étaient choquantes. On fait plus attention. Je comprends leur démarche mais là ça va trop loin”.

En sous-texte, il accuse les militants de faire monter la pression pendant la chasse, pour faire de l’image. Croche-pattes, bousculades, provocations verbales… “c’est la cour d’école” admet le veneur au grand dam des gendarmes, excédés.

Les affrontements entre militants de la cause animale et chasseurs font de plus en plus souvent la une de la presse régionale en Bretagne comme ailleurs, poussant régulièrement les forces de l’ordre à intervenir. En octobre dernier, plusieurs policiers nationaux de l’Oise avaient pris la parole pour s’en plaindre.

“Les policiers sont détournés de leur cœur de métier pour renforcer les équipages des ‘véneries’ de quelques aristocrates !”, dénonçait alors dans un tract le syndicat policier Alliance.

Une enquête est en cours.