Nouveau rebondissement dans l’affaire Ghosn : l’ex-patron de Renault-Nissan, ainsi que quatre responsables du distributeur automobile omanais Suhail Bahwan Automobiles (SBA), font l’objet de mandats d’arrêts de la justice française, pour “blanchiment en bande organisée” et “corruption”, deux chefs d’accusation soutenus par les enquêteurs.
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Carlos Ghosn vit au Liban depuis sa fuite rocambolesque du Japon fin 2019, où il devait être jugé pour malversations financières, au détriment de Nissan. En France, il est visé par deux instructions, à Paris et à Nanterre. Le mandat d’arrêt à son encontre a été délivré par un juge d’instruction nanterrois pour “abus de biens sociaux”, “abus de confiance”, “blanchiment en bande organisée”, et “corruption passive” de 2012 à 2017.
Depuis le début de l’enquête, le milliardaire conteste fermement tous les faits reprochés.
Des primes à 15 millions d’euros, un prêt à 25 millions…
Dans le schéma soutenu par les enquêteurs, le fondateur de SBA, Suhail Bahwan, ses deux fils, et un ex-directeur général sont soupçonnés de “blanchiment en bande organisée”. Trois d’entre eux sont mis en cause pour “abus de biens sociaux” et “corruption active” : le milliardaire Suhail Bahwan, son fils Ahmed, et Divyendu Kumar, directeur général de 2008 à 2018. Le bénéficiaire serait Carlos Ghosn.
Suhail Bahwan “conteste formellement avoir pris part […] aux infractions visées par le mandat d’arrêt”, a déclaré à l’AFP son avocat Christophe Ingrain.
D’après une source proche de l’enquête, des indices graves ou concordants permettent de soupçonner que Carlos Ghosn ordonnait le versement de primes de Renault au distributeur SBA, “maquillées par un certain nombre d’écritures comptables tels que des bonus, des reprises sur stock” et dont une partie était ensuite envoyée sur des sociétés écrans appartenant à l’entourage de Carlos Ghosn. L’enquête évalue ces flux suspects à, au moins, 15 millions d’euros.
La relation entre Carlos Ghosn et Suhail Bahwan est au cœur de l’affaire. Le sheikh a notamment prêté “25 millions d’euros” à Carlos Ghosn dans le contexte de “la crise financière de 2008”, un prêt dont le remboursement n’est “pas demandé”, relatent deux sources proches du dossier. Me Tamalet n’a pas confirmé l’existence de ce prêt.
Parmi les achats considérés comme fruits du blanchiment, les enquêteurs ont identifié un yacht de 37 mètres.
SBA, partenaire privilégié de Renault
De son côté, Me Talamet a rétorqué que tout versement depuis Renault était “scrupuleusement audité par des commissaires aux comptes”. Carlos Ghosn a répété dans les médias que SBA était, encore aujourd’hui, le distributeur automobile de Renault. “À la lumière des éléments progressivement réunis à travers l’enquête pénale, Renault a engagé une revue stratégique de sa relation avec SBA”, a répondu à l’AFP Kami Haeri, avocat du groupe automobile, partie civile dans ce dossier.
Au fil des années, SBA, qui a obtenu le marché d’Oman en 2005, a étendu son périmètre de distribution — l’Arabie saoudite en 2010, l’Iran en 2013 — pour devenir un partenaire important de Renault.
Les enquêteurs s’appuient notamment sur des mails échangés entre les responsables de SBA et du conseil libanais de Carlos Ghosn (décédé en 2017) et récupérés sur le disque dur de l’ordinateur de cet avocat. Ce disque dur avait été remis par la justice japonaise dans des conditions dénoncées par la défense de Ghosn. Un voyage des magistrats de Nanterre à Beyrouth en février a permis d’éclairer et valider les conditions de saisie de ce disque dur, a confirmé le parquet de Nanterre.
Ghosn, lui, dénonce “un complot” du Japon, comparant le juge d’instruction de Nanterre à un “procureur japonais”. Un de ses avocats, François Zimeray, rappelle aussi qu’en novembre 2020, la procédure japonaise a été jugée “fondamentalement inéquitable” par le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire. Ces “manquements imputables à la justice japonaise” finiront “tôt ou tard” par avoir des conséquences sur le dossier, a-t-il prédit.
Le mandat d’arrêt “s’appuie sur un ensemble d’indices” qui vont “au-delà des éléments fournis par la justice japonaise”, a souligné le parquet de Nanterre.
Outre SBA, l’enquête porte également sur des dépenses jugées suspectes depuis la filiale néerlandaise RNBV, et sur une convention de mécénat entre Renault et l’établissement gérant le Château de Versailles, dont Ghosn aurait tiré un bénéfice personnel. Des faits que le milliardaire conteste encore aujourd’hui…
Konbini news avec AFP.