Australie : les enfants aborigènes volés attaquent le gouvernement en justice

Australie : les enfants aborigènes volés attaquent le gouvernement en justice

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Rita Wright, membre des “Stolen Generations”, est photographiée enfant après avoir été enlevée à sa famille, sur une photo à son domicile à Sydney, en Australie, le 19 janvier 2021. © REUTERS / Loren Elliott

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Par Astrid Van Laer

Publié le

Des milliers d’enfants retirés de force à leurs proches pour être placés dans des familles blanches à des fins d’assimilation.

Mercredi, des centaines d’Aborigènes de la “génération volée” d’Australie, ces enfants enlevés de force à leur famille au nom de l’assimilation, ont attaqué le gouvernement en justice pour exiger des dédommagements pour le préjudice subi.

Le terme “génération volée” désigne des milliers d’enfants autochtones retirés de force à leurs proches, de 1910 jusqu’aux années 1970, pour être placés dans des institutions ou des familles blanches à des fins d’assimilation. Nombre d’entre eux n’ont plus jamais revu leurs parents ou leurs frères et sœurs.

Tristan Gaven, du cabinet d’avocats Shine Lawyers, a annoncé que celui-ci avait engagé mercredi un recours collectif au nom de près de 800 habitants du Territoire du Nord, estimant que des milliers d’autres seraient légitimes pour rejoindre ce combat.

Dans d’autres États d’Australie, des mécanismes d’indemnisations ont été mis en place. Mais le gouvernement fédéral, qui administrait le Territoire du Nord au moment où ces enlèvements ont eu lieu, n’a jamais fait de même. “Il est responsable d’avoir déchiré des familles aborigènes du Territoire et c’est à lui de faire amende honorable”, a dit Tristan Gaven, ajoutant : “On ne peut améliorer l’avenir si on ne reconnaît pas le passé.”

C’est le premier recours collectif du genre dans le Territoire du Nord, où vivent 250 000 personnes, dont un tiers d’Aborigènes. Heather Alley, 84 ans, avait neuf ans quand elle fut enlevée à sa mère. Elle affirme que ce traumatisme l’a poursuivie de nombreuses années. “Ils ont effacé des générations entières, comme si elles n’avaient jamais existé”, dit-elle. Et de poursuivre : “Je participe à ce recours car je crois que notre histoire doit être racontée.”

La population la plus pauvre et marginalisée du pays

En 1997, un rapport intitulé “Ramenez-les à la maison” et résultant d’une enquête nationale avait reconnu que les droits de ces enfants avaient été violés et préconisait une série de mesures de soutien. Une des propositions clés de ce rapport, le fait que l’Australie présente des excuses nationales, fut réalisée en 2008.

Mais un quart de siècle plus tard, les victimes dénoncent le racisme institutionnel toujours d’actualité et l’échec des autorités à affronter les problèmes de santé mentale des personnes touchées, même si des financements ont bien été attribués à ces programmes de conseils et au soutien des familles.

Il n’existe pas de chiffres précis sur le nombre de personnes concernées, mais le rapport de 1997 estimait qu’au minimum un Aborigène et un indigène du détroit de Torrès sur dix avaient été enlevés à leur famille.

Les Aborigènes et indigènes du détroit de Torrès vivent en Australie depuis plus de 40 000 ans et forment la population la plus pauvre et la plus marginalisée du pays. Lors de l’arrivée des colons européens en Australie en 1788, les Aborigènes étaient environ un million. Ils ne représentent plus aujourd’hui que 3 % des 25 millions d’Australiens.

En France, une histoire similaire a eu lieu à la Réunion, où des milliers d’enfants avaient été arrachés à leurs familles pour “repeupler les campagnes françaises” dans les années 1960 à 1980. La semaine dernière, l’une de ces victimes, Sylvie, s’était confiée à Konbini news sur ce traumatisme.

Konbini news avec AFP