D’un côté, Alliance appelle à “fermer les commissariats”, de l’autre, SGP-FO organise une manifestation le 23 janvier. Dans les deux cas, on évoque un trop-plein.
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Manifestation à Paris, en 2017. (© François Guillot/AFP)
Après les gilets jaunes, c’est au tour des policiers de se mobiliser. “Il est hors de question que les policiers acceptent un quelconque saupoudrage ou vendent leur âme pour une prime au rabais” : le syndicat Alliance Police Nationale a appelé lundi 17 décembre à un “acte I” de protestation pour les commissariats de France.
Dans un communiqué de presse, Alliance souhaite que mercredi 19 décembre soit une “journée noire”. Pas de policiers en intervention, sauf en cas d’urgence, en somme. L’organisation syndicale a indiqué qu’elle exigeait “qu’un budget type ‘plan Marshall’ soit présenté par le gouvernement”.
Alors que l’Assemblée débat et s’apprête à voter le budget 2019 alloué aux forces de sécurité, le principal motif de protestation d’Alliance réside dans les baisses des budgets d’investissements, au sujet desquelles le syndicat souhaite interpeller les députés.
“Comme personne ne réagit, ni le président de la République, ni le ministère de l’Intérieur, ni le Premier ministre, on a décidé de passer à l’attaque avec ce mercredi noir”, explique Loïc Travers, le secrétaire général adjoint du syndicat Alliance, joint par téléphone.
“On n’interviendra que sur réquisition, s’il y a danger”, poursuit-il. Et de détailler : “sinon, il n’y aura aucune initiative, ni pour verbaliser, ni pour interpeller”. Leurs revendications principales sont les suivantes : le paiement des heures supplémentaires, celui des astreintes, la revalorisation des heures de nuit, ainsi que la mise en place du PPCR, Plan parcours professionnel, carrières et rémunération.
“Il y a un énorme ras-le-bol”
“Stop, il faut arrêter l’éboulement” avertit Loïc Travers. Ce dernier explique que leurs revendications “font suite à plusieurs années de sacrifice” : “on n’est pas mobilisés depuis seulement quatre semaines, mais depuis quatre années de dur labeur”. Évoquant un taux de présence “accru” des policiers, le syndicat dénonce des “situations absolument ubuesques devenues insupportables” :
“On a 23 millions d’heures supplémentaires cumulées qui n’ont pas été payées. C’est colossal. Il n’existe aucune catégorie socioprofessionnelle se trouvant dans une telle situation.
Il y a également des astreintes non payées ainsi que des heures de nuit rétribuées à un prix dérisoire et ridicule quand on connaît les difficultés de travailler la nuit.”
M. Travers ajoute également parmi les revendications la mise en place d’un plan suicide “annoncé mais jamais abouti”, avant de lister les événements exceptionnels qui ont justifié un temps de travail important : Euro 2016, COP21, plan Vigipirate, mission gilets jaunes… “Si on prend toutes ces missions qui se sont superposées les quatre dernières années, il y a un énorme ras-le-bol”, assure ce dernier.
“Ce n’est pas possible”, conclut-il enfin pour justifier la mise en place d’un plan Marshall : “c’est un plan d’urgence pour éviter l’écœurement des collègues”. Si le gouvernement ne répond pas à leurs attentes, Alliance n’a pas l’intention de faiblir :
“Nous avons nombre d’autres opérations envisageables dans notre besace, que nous mettrons en place jusqu’à ce que le gouvernement nous prenne au sérieux et qu’on arrête d’être les dindons de la farce.”
Manifestation à Rennes, en 2016. (© DAMIEN MEYER / AFP)
“Sans ça, le gouvernement ne pliera pas”
Le syndicat UNSA instaure pour sa part une politique similaire de “service minimum”. “Les ronds-points ne sont pas réservés qu’aux seuls gilets jaunes”, a-t-il averti dans un message publié sur Facebook ce jour.
Du côté du syndicat SGP-FO (Syndicat Général de Police-Force ouvrière), les revendications sont sensiblement les mêmes qu’à Alliance, mais le mode opératoire est différent. Contacté par Konbini news, le secrétaire général Yves Lefevbre a expliqué qu’un calendrier avait été établi. Le premier point résidait en la reconnaissance du travail des policiers par le gouvernement.
Le second était la remise d’un courrier ce lundi au président de la République, qui listait les revendications “immédiates” suivantes :
- le paiement des “dizaines de millions” d’heures supplémentaires,
- une augmentation “immédiate” pour tous les gradés et gardiens de la paix de 110 euros par mois,
- le renforcement des compagnies républicaines de sécurité à hauteur de 1 000 fonctionnaires,
- la conciliation des vies professionnelle et familiale du policier avec la mise en place de régimes de travail permettant la “re-sociabilisation” du policier,
- ainsi que la création d’une indemnité spécifique pour les personnels administratifs
Mais pour les obtenir, pas question d’organiser une “journée morte”, comme Alliance. “Alliance rentre dans le bal avec un format qui est le sien, chacun a sa méthodologie”, justifie-t-il.
Yves Lefebvre nous a fait savoir qu’une réunion intersyndicale aurait lieu mercredi. Enfin, le syndicat a fixé la date butoir du 11 janvier : “à cette date, nous voulons des actes précis et positifs de la part du gouvernement”. Enfin, il qualifie d’acte V le 26 janvier 2019, date à laquelle le syndicat appelle à une grande manifestation nationale dans la capitale.
Selon lui, l’union et la solidarité des syndicats lors d’une manifestation nationale est indispensable : “sans ça, le gouvernement ne pliera pas”, assure-t-il.
Il y a quelques mois, Yves Lefebvre avait témoigné face caméra pour Konbini de son métier, une “strate”, selon lui, “entre le marteau et l’enclume”. Il évoquait déjà la problématique des suicides dans la police.