Algérie : un internaute écope de trois ans de prison pour des “mèmes” anti-pouvoir

Algérie : un internaute écope de trois ans de prison pour des “mèmes” anti-pouvoir

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Abdelmadjid Tebboune, le 24 novembre 2019. © RYAD KRAMDI / AFP

Walid Kechida était notamment jugé pour "offense au président". En cause : des publications humoristiques sur les réseaux sociaux.

Lundi, un jeune internaute algérien a été condamné à une lourde peine de prison pour avoir publié sur Facebook des “mèmes” moquant les autorités et la religion, dans un climat de répression accrue de la liberté d’expression sur le Net en Algérie.

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“Walid Kechida est condamné malheureusement à trois ans de prison ferme assortis d’une amende”, a déclaré à l’AFP Kaci Tansaout, coordinateur du Comité national de libération des détenus (CNLD), une association qui vient en aide aux prisonniers d’opinion en Algérie.

“L’heure est très grave au moment où on s’attendait à sa libération aujourd’hui, voire même une relaxe”, a-t-il poursuivi. Et d’ajouter : “maintenant on doit se mobiliser tous aux côtés des avocats au procès en appel”.

Cette lourde sentence a été confirmée à l’AFP par l’un des avocats, Me Moumen Chadi. Le parquet de Sétif, dans le nord-est du pays, avait requis cinq ans de prison contre Walid Kechida, 25 ans, accusé d’“offense au président”, “aux préceptes de l’islam” et d’“outrage à corps constitué”.

Le militant, connu de la jeunesse de Sétif, est en détention provisoire depuis plus de huit mois. Il lui est reproché d’avoir publié des “mèmes”, c’est-à-dire des images détournées de façon humoristique sur les réseaux sociaux, touchant aux autorités, notamment au président Abdelmadjid Tebboune, et à la religion.

Ses illustrations virales, moquant de nombreux sujets, étaient diffusées sur le groupe Facebook “Hirak Memes”, dont Walid Kechida était l’administrateur. “Le pouvoir maintient sa feuille de route autoritaire et décide un autre coup de force en prévision des législatives, le durcissement des peines en est le signal”, a réagi sur Twitter Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH).

Des élections législatives sont prévues courant 2021 en Algérie, et le président Tebboune, en convalescence après avoir été soigné du coronavirus pendant deux mois en Allemagne, a fait de l’élaboration de la nouvelle loi électorale en vue de ce scrutin une de ses priorités.

“Le mème n’est pas un crime”

Plus de 90 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec le mouvement de contestation populaire “Hirak” et/ou les libertés individuelles. Des poursuites fondées, pour beaucoup, sur des publications Facebook critiquant les autorités, d’après le CNLD.

Selon le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, “il n’existe pas de prisonniers d’opinion en Algérie”. Le cas de Walid Kechida est devenu emblématique des limites à la liberté d’expression et de sa répression sur le Net algérien.

De nombreux internautes réclament sa libération, relayant son portrait cheveux mi-longs avec des lunettes de soleil, ou les slogans “Free Kechida” (Kechida libre) et “Le mème n’est pas un crime”, sur Facebook et Twitter. Des affaires en justice similaires à celle de Walid Kechida se sont multipliées en 2020.

Mustapha Bendjama, rédacteur en chef d’un quotidien d’Annaba, dans le nord-est du pays, est actuellement poursuivi dans quatre affaires, toutes en lien avec ses publications sur Facebook. Il est notamment accusé “d’atteinte à l’intérêt national”. Les autorités “multiplient les affaires en justice pour augmenter les chances de condamnation”, a-t-il déclaré.

À Alger, trois détenus sont en grève de la faim depuis plus d’une semaine pour dénoncer la prolongation de leur mandat de dépôt. Mohamed Tadjadit, Noureddine Khimoud et Abdelhak Ben Rahmani, poursuivis dans la même affaire, sont en détention provisoire à la prison d’El-Harrach depuis plus de quatre mois.

Dix accusations pèsent sur eux, dont atteinte à l’unité nationale, incitation à attroupement non armé, offense au président de la République ou encore diffusion de fausses nouvelles, selon le CNLD. Leurs messages et vidéos relayés sur les réseaux sociaux sont là encore en cause.

Surveillance du contenu diffusé sur les réseaux sociaux, poursuites judiciaires contre des internautes et censure des médias électroniques, l’étau se resserre sur la liberté d’expression sur Internet, dénoncent les organisations de défense des droits humains.

Konbini news avec AFP