On vous dit tout sur Helmut Lang, cette marque que vous avez probablement oubliée (sauf les vrai·e·s)

On vous dit tout sur Helmut Lang, cette marque que vous avez probablement oubliée (sauf les vrai·e·s)

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Photo by Fairchild Archive/Penske Media via Getty Images

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Par Cheynnes Tlili

Publié le

On va se replonger dans une époque où, avec DKNY et Calvin Klein, il régnait sur New York.

Petit come-back dans la fin des années 1990 et 2000. On sort à peine des années 1980 où le flow se mesurait à la largeur de nos épaulettes, à la quantité de glitter sur nos combinaisons pattes d’eph ou à la surdose de plumes, de couleur et de volume sur nos outfits. Une era qui nous a tant fait rêver grâce aux catwalks de Claude Montana, Christian Lacroix et Thierry Mugler mais qui, avouons-le, à la longue, donnait le tournis. Alors on a eu ce gars, un Autrichien qui commençait à faire son trou à Paris et qui, après une première présentation au Centre Pompidou en 1986, débarque à New York, 11 ans plus tard. Sa vision de la mode vient briser les codes. En rupture avec l’opulence des collections qu’on nous servait jusqu’ici, il prouve un peu plus qu’un vêtement se suffit à lui-même dès lors qu’il est bien coupé.

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Il fait du minimalisme, son mantra. On le situe souvent au croisement de l’anti-fashion – un mouvement lancé par les Japonais Rei Kawakubo (Comme des Garçons) et Yohji Yamamoto – et des Six d’Anvers – une clique de créateurs belges qui compte Martin Margiela, Ann Demeulemeester ou encore Dries Van Noten. Aujourd’hui, on pourrait dire qu’il est le père spirituel de Phoebe Philo. Coupes droites et efficaces, du noir, du blanc, de la simplicité et du discret. Très vite, il provoque un raz-de-marée. Tout le monde s’arrache ses jeans tachés de peinture, ses parkas ou ses tops translucides. Il fait même de l’œil au groupe Prada à qui il vend petit à petit ses parts, jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus rien et qu’il se retire du monde de la mode en 2005 pour mener une vie d’artiste. Quelle star.

Ce mec avait trop d’avance

Chef de file de l’avant-garde, il impose son style comme personne. Il est le premier à poser son nom sur la bande publicitaire installée sur les toits des taxis new-yorkais. Aucun créateur n’y avait pensé avant lui. On y lisait simplement un “Helmut Lang”, ni plus, ni moins. Cela témoigne de sa vision de la publicité, domaine dans lequel il était aussi précurseur et toujours minimaliste car il ne montrait pas ses vêtements mais reprenait des œuvres existantes ou collaborait avec des artistes (et même avec une actrice porno). D’ailleurs, il était l’un des premiers à faire des collabs avec des sculpteur·rice·s, des poète·esse·s ou tout autre personnage du milieu artistique. Il a sorti un parfum qui sentait un mélange de “chemises propres, de linge sale, de sueur et de sperme” bien avant la bougie “smell like my vagina” de Gwyneth Paltrow.

Il proposait des défilés non genrés et mêlait aussi des tops comme Kate Moss, Linda Evangelista et Christy Turlington à des no one ou des artistes, tout âge et toute silhouette confondus. En 1998, il a organisé le tout premier défilé virtuel, plus de 20 ans avant le Covid-19. Il avait invité tout le monde à se rendre sur son site Internet et avait gravé son défilé sur des CD-ROM (objet que les moins de 20 ans ne peuvent connaître). Mais le plus fou, c’est qu’il a réussi à inverser l’ordre des Fashion Week. Au départ, Londres ouvrait le bal des défilés, et New York le fermait. Mais notre Autrichien avait décidé de montrer ses collections hors calendrier et en premier. Puis, Donna Karan et Calvin Klein ont suivi le pas jusqu’à ce que la grosse pomme passe officiellement en first durant ce fashion month. C’est toujours le cas aujourd’hui. Quel boss.

L’era Peter Do

Nombreux étaient impatients de voir le travail du créateur vietnamien au sein de la maison qu’on peinait à réveiller. Helmut Lang aurait bien pu être son père spirituel à lui aussi. Sa vision du tailoring est presque chirurgicale et donne des coupes parfaites, des jeux de matières sobres mais percutants, une allure soignée, élégante mais efficace. Fier héritier de la maxime si chère à son prédécesseur, “Less is more”, il a fait défiler ses modèles dans le Lower East Side à Manhattan. Ils marchaient sur des phrases écrites au sol qui sont en réalité un poème de l’autrice vietnamienne Ocean Vuong et qui font évidemment référence à la collaboration qui s’était tenue entre Helmut Lang et l’artiste conceptuelle Jenny Holzer dans les années 1990. À l’époque, le sol de sa boutique était recouvert d’un des poèmes de l’artiste et l’initiative s’était poursuivie à la Biennale de Florence.

Autre clin d’œil de Peter Do à Helmut Lang : les taxis, ces objets publicitaires évoqués plus haut, dont on ne retrouve que les ceintures de sécurité posées ici et là. Les écritures du sol sont aussi visibles sur une chemise qui se porte à l’envers. L’iconique parka se laisse tomber sur l’épaule. La photo du taxi publicitaire de 1998 devient un imprimé et la collection compte beaucoup (beaucoup) de bottes.

On est clairement dans le vestiaire d’une New-Yorkaise bon chic, bon genre qui a fui les soirées mondaines pour s’encanailler dans les adresses branchées de Williamsburg. Côté mec, on a affaire à un trader accro aux rave-parties dans des hangars un peu crados. Mais ça marche. Peter Do est allé à l’essentiel et c’est ce qu’on veut quand on est face à un show Lang. Quel hommage.