La fois où Tyler, the Creator m’a vendu un pin’s

La fois où Tyler, the Creator m’a vendu un pin’s

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© Allen J. Schaben / Los Angeles Times via Getty Images

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Par Pharrell Arot

Publié

Cette semaine, on fait la queue devant le Supreme de Fairfax une dernière fois.

Cet article a d’abord été publié dans notre newsletter Fast Forward le 6 mars 2025.

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Mercredi dernier, Bobby Hundreds envoyait un épisode de son excellente newsletter titré “We don’t build stores. We build stories” pour annoncer la fermeture du mythique shop The Hundreds de Fairfax, à Los Angeles. Dans une interview pour GQ, il annonçait aussi lâcher son poste de directeur artistique de la marque de streetwear née en 2002. Avec ces choix, une partie de mon Los Angeles, celui fantasmé comme une maison loin de la maison, ferme ses portes aussi.

Le tronçon de Fairfax Avenue, au croisement de Melrose, a, pendant 20 ans, été l’épicentre de la culture streetwear, et le pèlerinage obligatoire de mes voyages à Los Angeles des années 2000. Pour dire au revoir à un endroit qui n’existe plus que dans nos cœurs, j’ai retrouvé quelques archives perso sous la forme de bonnes anecdotes.

J’ai posé la première fois les pieds à L.A. à l’été 2007, et j’ai évidemment commencé ma petite aventure par une visite du shop Supreme, alors que la marque n’était toujours pas distribuée en Europe. Le vendeur a vu ma ganache de touriste qui a fait plus de roller que de skate et m’a dit qu’il n’avait plus rien en stock. Revenu 20 minutes après avec mes amies DJ du shop Turntable Lab basé sur le trottoir d’en face, je suis tout à coup devenu un client respectable et j’ai pu acheter ce que je voulais. De retour quelques semaines l’hiver de la même année, je passe mes journées assis sur les bancs devant les boutiques, avec l’impression d’être au cœur de l’effervescence culturelle de la nouvelle scène streetwear et clubbing.

De retour au printemps en 2011, Supreme est à son apogée, et alors que je fais la queue pour pouvoir rentrer dans la boutique, chez Diamond, à la porte à côté, le collectif Odd Future squatte toute la journée et tourne ces vidéos de potes qui ont cimenté le début de leur gloire. Quelques centaines de mètres plus haut, The Hundreds ouvre sa galerie avec une expo photo de Scott Caan, quand le fils de James Caan shootait des filles dénudées avant de devenir le gars du reboot d’Hawaï 5’0. J’ai acheté un t-shirt avec une dame toute nue, je crois que je ne l’ai jamais porté.

Automne 2017, Tyler, the Creator vient d’ouvrir le premier flagship Golf Wang juste en face de Supreme, et je fais la queue deux bonnes heures pour acheter quelques accessoires. Alors que je passe à la caisse, Tyler débarque, comme une mascotte de parc d’attractions et m’oblige à acheter des pin’s. Je n’ai pas su dire non. Passage obligé ensuite chez Supreme où la queue est bien moins longue déjà qu’aux grandes années pré-webshop, pour acheter le porte-clé “Fuck The President – I pledge allegiance to shit” dans l’air du temps quelques mois après la première élection de Trump. Chez Hundreds, j’ai sans doute déjà lâché les t-shirts imprimés, mais j’achète un cendrier en céramique, alors que je n’ai jamais fumé.

© Konbini

Un peu plus haut sur Melrose, à 10 minutes à pied, je découvre les peintures d’Ines Longevial chez HVW8 avant d’aller dîner chez Animal, le premier restaurant de “petites assiettes” de la bande de Jon & Vinny. Pour moi, Fairfax s’est arrêté là, mais Bobby Hundreds a tenu les murs 8 ans de plus, alors que Los Angeles n’a cessé de se transformer et le streetwear de devenir une monnaie d’échange globale, bien loin du chill sur des bancs en bois à attendre des copains. C’était peut-être pas mieux avant, mais dans mon cœur, et sans aucun doute dans celui de Bobby Hundreds, ce trottoir qui n’attire plus grand monde restera l’endroit le plus cool du monde.