Le Vision Pro d’Apple peut être aussi performant qu’il veut, à 3 500 dollars, ce n’est pas une “révolution”

iPrivilège

Le Vision Pro d’Apple peut être aussi performant qu’il veut, à 3 500 dollars, ce n’est pas une “révolution”

photo de profil

Par Pierre Bazin

Publié le

Ou la stratégie d’un produit réservé à l’élite.

Depuis la dernière keynote d’Apple, tout le monde ne parle que de lui : le Vision Pro. Le casque de réalité virtuelle haut de gamme de la marque à la pomme a fait couler beaucoup d’encre. Sur le papier, ce casque qui devrait arriver l’année prochaine semble cumuler le nec plus ultra de la technologie civile pour pouvoir expérimenter la réalité virtuelle et la réalité augmentée (aussi appelées réalité mixte) dans les conditions les plus optimales.

À voir aussi sur Konbini

Douze caméras, une esthétique affinée, une légèreté innovante, une reconnaissance de mouvements réglée au millimètre, le Vision Pro a déjà commencé à faire ses preuves, et en grande pompe.

Chargement du twitt...

Parmi la myriade de médias conviés par Apple pour tester le casque, la grande majorité semble être dithyrambique quant à la qualité de l’expérience VR/AR proposée par Apple. Toutefois, notons tout de même que beaucoup de ces journalistes de la presse spécialisée ont précisé que les sessions de test, assez courtes, avaient été aussi soigneusement préparées et contrôlées par les représentants d’Apple – ce qui les a donc éloignées d’une expérience qui se rapprocherait d’une utilisation “quotidienne”.

La fin des téléphones et des ordinateurs n’est pas arrivée

Des nombreux tests de la presse, qu’elle soit française ou américaine, ressortent des avis très impressionnés de cette nouvelle expérience de réalité mixte. Les comparaisons techniques avec l’Oculus de Meta semblent mettre à l’amende la firme de Zuckerberg. Beaucoup de journalistes semblent être ainsi étonnés par le naturel d’utilisation que le casque propose.

Les fonctionnalités, directement liées à l’écosystème Apple (iPhone, iPad, Macintosh), sont intuitives, parfaitement calibrées. La question est donc : est-ce qu’Apple donne déjà un aperçu du futur, aussi dystopique soit-il, sans ordinateur, voire sans téléphone ?

Cela dépend. Avez-vous plus de 3 500 euros à débourser dans le Vision Pro ? Car oui, c’est le prix, et sûrement même plus cher que ça en Europe.

On parle donc du double du salaire médian mensuel en France en 2023 (1 850 euros selon l’Insee) et il y a donc de grandes chances que vous passiez à côté de cette révolution… qui n’en est donc pas une, de fait.

Si le Vision Pro d’Apple met une claque technique à tous les concurrents, il ne règle pas le problème majeur de la réalité virtuelle : son accessibilité. La VR est encore et toujours trop chère, j’en veux pour preuve le démarrage récent très poussif du PSVR2 de Sony. Or, une révolution des usages ne passera jamais par l’utilisation de quelques privilégiés.

Sur cette question, Meta fait encore un meilleur travail en proposant son casque autonome Oculus Quest 2 à 350 euros. C’est bien moins beau, moins puissant, mais on peut décemment se “faire plaisir” en investissant dedans. À une époque où encore beaucoup de gens ne savent même pas s’ils supportent bien la VR (la motion sickness est courant), les portefeuilles restent timides – et je ne parle même pas d’inflation et de crise de pouvoir d’achat.

Lorsque le tout premier iPhone a été lancé en 2007, ç’a été un carton, parce que c’était un objet jamais vu auparavant et qu’il allait profondément bouleverser nos habitudes de téléphonie et de communications et aussi (et presque surtout) parce qu’il ne coûtait “que” 500 dollars à son lancement.

Mais Apple semble ici avoir une autre stratégie.

Une stratégie plus long terme pour Apple ?

En 2007, Bill Gates, alors PDG de Microsoft, présente la Surface, une immense table de salon tactile sur laquelle on retrouve une interface Windows simplifiée qu’on connaîtra plus tard sur les tablettes de la marque américaine.

À l’époque, cette “Surface 1.0” n’est qu’une démonstration de force. Envoyée seulement à quelques entreprises à travers le monde pour la modique somme de 10 000 dollars, la table ne trouvera jamais sa place dans les salons des particuliers.

Ce n’était pas le but. Cinq ans plus tard, Windows lance ses tablettes Surface mais c’est seulement après avoir finalement taillé dans ses prix de vente que ces dernières trouveront une place dans les foyers.

La stratégie d’Apple de proposer son Vision Pro à 3 500 dollars est volontairement excluante. La nuance est justement dans le “Pro” de l’outil : Apple ne compte pas proposer ce seul casque pour expérimenter la VR/AR à l’avenir.

La marque à la pomme est en réalité dans une phase de test, mais à sa sauce, c’est-à-dire : pour les plus riches. Apple est passée par de nombreuses images de marque dans son histoire et celle du luxe semble vouloir retourner sur le devant de la scène. La société ne veut pas rivaliser avec les Oculus de Meta, c’est “autre chose”, du pur marketing ostentatoire.

Déjà, nul doute que les premiers acheteurs (les early adopters) dépenseront les yeux fermés. Puis, passées les premières phases à potentiellement peu de ventes (mais aux bénéfices nets énormes), les prix pourraient baisser ou Apple pourrait proposer une version plus accessible du Vision Pro.

Dans tous les cas, ce n’est pas le Vision Pro qui est une révolution, c’est juste le privilège à venir de quelques aisés qui pourrait semer le vent de la révolte.