Ça y est, Omegle, c’est fini pour de bon

Ça y est, Omegle, c’est fini pour de bon

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© Leif K-Brooks/omegle.com

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Par Julie Morvan

Publié le , modifié le

Son créateur ferme le site et prend enfin la parole.

Finis les rizzes, mais aussi les conversations malaisantes et autres actes pédocriminels. Le site de discussion en ligne Omegle, qui permettait à n’importe qui d’échanger avec quelqu’un d’autre de façon anonyme par écrit ou par vidéo, ferme enfin ses portes après 15 ans de graves dérives.

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C’est son propre créateur, Leif K-Brooks, qui a mis fin au site. Il l’avait créé en 2009 chez ses parents, alors qu’il n’était encore qu’un développeur de 18 ans. Cette année encore, le site cumulait jusqu’à 50 millions de visiteurs par mois, rapporte TechCrunch.

Selon Wired, cette brusque fermeture serait la conséquence directe d’une affaire judiciaire réglée entre Omegle et une plaignante. Cette dernière, qui a déposé une plainte en 2021, avançait avoir été forcée de prendre des photos et vidéos d’elle nue sur Omegle, par un trentenaire, alors qu’elle n’avait que 11 ans. Cet homme détiendrait aujourd’hui des milliers d’images pédopornographiques. L’avocate de la plaignante, Carrie Goldberg, aurait confirmé à Wired : “La fermeture définitive d’Omegle était une condition négociée entre Omegle et notre cliente, en échange de la possibilité pour Omegle d’éviter le verdict imminent d’un procès devant un jury”.

“Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir continuer à me battre pour vous”

Leif, réputé pour refuser toutes les prises de parole médiatiques, s’est expliqué dans un long texte sur la page d’accueil d’Omegle. Dedans, il revient sur sa vision d’Internet, la naissance du site et la lente descente aux enfers de ce dernier. “En tant que survivant d’un viol durant mon enfance, j’étais parfaitement conscient que chaque fois que j’interagissais avec quelqu’un dans le monde physique, je risquais mon corps physique”, confie-t-il. “Internet m’a donné un refuge contre cette peur.”

“Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre quand j’ai lancé Omegle. Quelqu’un s’intéresserait-il à un site web créé par un jeune de 18 ans dans sa chambre dans la maison de ses parents dans le Vermont, sans budget marketing ?” Il explique comment Omegle est devenu populaire “presque instantanément”, atteignant rapidement des millions d’utilisateur·rice·s chaque jour.

Puis, il évoque les “points faibles” – c’est le moins qu’on puisse dire – du site : “Le téléphone peut être utilisé pour souhaiter un ‘joyeux anniversaire’ à votre grand-mère, mais il peut également être utilisé pour déclencher une alerte à la bombe. Il ne peut y avoir de compte rendu honnête d’Omegle sans reconnaître que certaines personnes l’ont utilisé à mauvais escient, notamment pour commettre des crimes indescriptibles et odieux.”

Effectivement, selon la BBC, environ 20 vidéos pédopornographiques issues d’Omegle sont traitées chaque semaine par la Internet Watch Foundation. Rien qu’en 2022, plus de 600 000 contenus pédopornographiques auraient été signalés sur CyberTipline, dépendant de l’association National Center for Missing & Exploited Children. Omegle serait impliqué dans plus d’une cinquantaine d’affaires pédocriminelles.

Des mesures insuffisantes pour endiguer les crimes

Selon Leif, ces graves affaires ne sont pas imputables au site, mais aux criminels qui opèrent sur le site. Il revient néanmoins sur les actions qu’il a menées pour limiter cette vague de crimes : “En plus de la fonction de sécurité de base qu’est l’anonymat, il y avait beaucoup de modération en coulisses, y compris une intelligence artificielle de pointe, fonctionnant de concert avec une merveilleuse équipe de modérateur·rice·s humain·e·s”. Ces derniers mois, il avait effectivement fourni les adresses IP des criminels aux forces de l’ordre… et s’était contenté d’ajouter une case “J’ai plus de 18 ans” à cocher pour entrer sur le site.

Malgré ces mesures, et après avoir fait “de son mieux”, Leif constate une recrudescence des “attaques” dont Omegle serait la “cible directe”. “Faire fonctionner Omegle n’est plus viable, ni financièrement ni psychologiquement”, conclut-il. “Franchement, je ne veux pas avoir de crise cardiaque à 30 ans. […] La bataille pour Omegle a été perdue, mais la guerre contre Internet fait rage.”