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À écouter : Ce monde est cruel, où Vald livre un discours ultra-lucide sur sa vie

À écouter : Ce monde est cruel, où Vald livre un discours ultra-lucide sur sa vie

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©Cover Ce monde est cruel

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Par Guillaume Narduzzi

Publié le

Le rappeur vient de dévoiler son troisième album, et renforce un peu plus son statut de tête d'affiche de la scène française.

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Seulement un an et demi après le carton monumental (critique et commercial) de Xeu, porté notamment par le tube “Désaccordé” qui comptabilise plus de 120 millions de vues sur YouTube, Vald est déjà de retour avec un nouveau projet. Ce monde est cruel est le troisième album du rappeur de 27 ans. Et à l’image de sa pochette, celui-ci se révèle bien plus sombre que ses précédentes parutions, grâce un discours finement réfléchi et des instrumentales qui ancrent une atmosphère tendue, propices à la réflexion qu’a décidé de mener le rappeur.

Derrière une communication ambitieuse mais précipitée, qui a plus ou moins fonctionné (des différentes versions physiques des CD écoulés en pré-commande à une promotion aux quatre coins du monde bien plus anecdotique), Vald évolue. Et s’il n’avait jamais été aussi sérieux ? Fini le temps du troll permanent et des bons mots absurdes, place à la pleine conscience. Un virage que l’artiste avait déjà en partie entamé sur son précédent projet, avec les excellents titres “Gris” et “Deviens génial”, entre autres.

Le fait de choisir l’étonnant piano-voix “Journal Perso II” comme premier single traduisait déjà la volonté de s’affranchir de cette image de rappeur “loufoque”, pour avancer vers quelque chose de bien plus sérieux, bien plus grave. Si l’humour caractéristique de Vald n’est jamais très loin, il tend à s’en éloigner de plus en plus pour se révéler plus lucide et pertinent que jamais. 

Peut-être a-t-il également davantage de choses à raconter que sur ses précédents projets. S’il s’offre un retour en arrière avec la deuxième piste du projet, “NQNTMQMQMB” (le nom de sa première mixtape) en compagnie de son acolyte de toujours Suik’on Blaz AD, l’ensemble de ce nouvel effort s’avère très homogène. À tel point que, comme nous le confiait Vald himself, il est aujourd’hui compliqué de savoir quels seront les titres porteurs de cet album.

Son écriture, toujours aussi sophistiquée, se met au service de quelques causes. La plus marquante étant probablement le droit des pères, comme il le revendique habilement dans “Pensionman”. Sur “Pourquoi”, il chante les relations toxiques avec quelques phrases choquantes mais toujours justifiées – il y remplace la violence des émotions par la violence des mots.

“Royal Bacon” montre parfaitement le contraste entre le succès et la vie qui ne change finalement pas. Vald va toujours au McDo, et débat régulièrement de “l’algorithme de la vie” (“No Friends”). “J’pourrai” est un morceau triste qui relate toutes les possibilités de Vald, qui reste comme coincé dans la fatalité d’un destin déjà tout tracé. L’outro “Rappel” est la parfaite conclusion de cet album, et résume avec brio l’état d’esprit dans lequel Vald a abordé ce projet. Une réflexion nouvelle, qui coïncide avec des nouvelles étapes dans sa vie. Un tournant tant musical que stratégique, puisqu’il lance désormais son propre label, en quête d’indépendance.

Notons tout de même que le V retrouve le S, grâce à un double featuring de haute volée avec SCH sur “Halloween” et “Dernier retrait”, même si le rappeur marseillais n’apparaît pas dans les crédits de la première track. “L’invité surprise”, sûrement. Pas de Booba donc, comme le Web en rêvait ces derniers jours avec des théories plus ou moins farfelues. Mais ce n’est pas la seule collaboration du projet pour Vald, qui s’offre également un featuring avec le sevranais Maes sur l’explosif “ASB”, en référence à la ville où Valentin Le Du, de son vrai nom, a grandi. Des titres qui se distinguent quelque peu des autres morceaux, et donnent parfois l’impression d’affaiblir la tracklist et la narration en fil rouge de Ce monde est cruel.

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Mais nul doute qu’au vu de l’immense attente qui a accompagné la sortie de ce nouvel album, Ce monde est cruel sera un énorme succès commercial. “Keskivonfer” devrait être le titre le plus à même de tourner sur les radios et de faire chanter les fans en tournée, alors que le mélodieux “Ma star” pourrait permettre de promouvoir au mieux ce disque dans les semaines et mois à venir. Le test grandeur nature se fera très prochainement, puisque son premier concert après la sortie de cet album aura lieu à Bercy le 16 novembre.

En résulte donc un disque moins déroutant que les précédents projets, ce qui le rend finalement tout aussi… déroutant. Produit quasi entièrement par le jeune et talentueux Seezy, Vald, plus complexe que jamais, s’assume totalement et se livre de plus en plus. Le tout avec une aisance toujours aussi conséquente lorsqu’il s’agit de débiter des rimes bien à lui. Plus frontal, moins énigmatique que les précédentes parutions aux dizaines de détails cachés dans les pochettes et clips ou les indices dissimulés dans les textes, Ce monde est cruel dépeint un monde fou, qui se perd dans ses incohérences et ses contradictions. Plus sincère, plus touchant, Vald s’autorise quelques couplets sur sa nouvelle vie et sur l’aberration que peut représenter la réussite d’un homme “solitaire comme Akon”. Les “poches pleines”, mais le cœur meurtri.