AccueilArchive

Avec Neil Peart disparaît le plus grand batteur rock de tous les temps

Avec Neil Peart disparaît le plus grand batteur rock de tous les temps

avatar

Par Aurélien Chapuis

Publié le

Le décès du membre de Rush a été annoncé ce week-end. Le monde de la musique perd l'un de ses plus grands génies.

La famille de Neil Peart a annoncé sa disparition le 7 janvier 2020 des suites d’une longue bataille, à l’abri des regards, contre un cancer du cerveau. Depuis, de nombreux artistes lui rendent hommage, de Geezer Butler (Black Sabbath) à Lars Ulrich (Metallica) en passant par Gene Simmons (Kiss) ou Scott Travis (Judas Priest). La plupart le considèrent comme une influence première, un modèle immuable. Neil a pratiquement inventé la structure des parties de batterie dans le rock moderne. Ils lui doivent tous quelque chose et ils le savent. Taylor Hawkins, batteur des Foo Fighters, résume simplement : “Il a les mains de Dieu.”

À voir aussi sur Konbini

© Rush

Neil Peart est devenu le batteur du groupe canadien Rush en 1974. Le groupe est alors composé du chanteur Geddy Lee et du guitariste Alex Lifeson, qui ont déjà une bonne cote à Toronto. Le batteur d’origine, John Rutsey, vient alors de quitter le groupe parce qu’il n’aime pas trop les tournées. Pendant les auditions, Lee et Lifeson sont subjugués par le talent naturel de Neil.

Il a passé son adolescence à s’entraîner comme un dingue : il faut dire que dans l’Ontario, c’est la campagne, il n’y a pas grand-chose à faire. Neil se focalise uniquement sur son jeu de batterie et sa technique est hors norme. Il est assez introverti et travaille alors dans le magasin de matériel agricole de son père. Les autres membres de Rush le trouvent un peu “rural”, mais son talent est tel qu’ils vont lui donner un rôle de plus en plus grand dans la conception musicale.

En effet, à l’époque, Neil Peart a deux passions : la batterie et la lecture. Geddy et Alex vont alors découvrir sa culture littéraire incroyable, surtout dans les genres grandissants de la science-fiction, de l’heroic fantasy et du fantastique. Au fur et à mesure, Neil Peart va écrire les paroles de nombreuses chansons du groupe, surtout à partir de l’album Fly by Night, avec sa superbe chouette sur la cover.

Neil y évoque Tolkien, Coleridge ainsi que la philosophe russe Ayn Rand dans les paroles new age et libérales. Le rock était alors très influencé par le blues et la voie metal progressif dans laquelle se lançait Rush n’était pas vraiment populaire. Mais le public découvre une richesse musicale incroyable qui va devenir l’identité du groupe. Et surtout, il entrevoit le talent pur de Neil Peart sur des solos de batterie incroyables.

Leur quatrième album, 2112, sort en 1976 et va définir la quintessence de cette musique progressive, montée comme une symphonie en plusieurs mouvements, avec l’introduction des premiers synthétiseurs. Ce sera le plus gros succès du groupe. En 1978, Rush sort Hemispheres, un album qui raconte une aventure galactique au centre d’un trou noir. Intense, métaphysique et mythologique, la musique du groupe est toujours portée par les paroles éclairées de Neil, y compris “Circumstances”, un morceau qu’il a écrit pour parler de son expérience de vie en Angleterre. Le tout avec un refrain en français dans le texte : “Plus ça change, plus c’est la même chose.”

Et c’est un peu la ligne directrice de Rush, toujours en avance musicalement mais très sous-estimé par le grand public. Dans les années 1980, le groupe change de direction jusqu’au Moving Pictures de 1981 et son tube absolu “Tom Sawyer”. Neil y joue une partition virtuose, un modèle du genre que n’aurait pas renié Buddy Rich. Le style et la mode changent mais la musique reste plus ou moins la même, moins perchée mais toujours aussi foisonnante.

Le groupe aborde les années 1990 avec le statut de groupe culte. Mais Neil va vivre l’horreur : en 1997, sa fille meurt dans un accident de voiture. Quelques mois après, sa femme est emportée par le cancer. Neil Peart fait une pause, il prend sa retraite et part sur la route pour sillonner les États-Unis à moto. Il lui faudra du temps avant d’accepter son rôle de batteur légendaire invité sur tous les plateaux et événements pour gratifier le monde de ses solos indéfinissables.

Alors que le jazz est souvent considéré comme le genre musical le plus élitiste quand on parle de jeu de batterie, Neil Peart a su redéfinir la batterie rock pour la rendre aussi exigeante et technique que dans le travail de Buddy Rich. En gros, sans Neil Peart, il n’y a pas Whiplash. Le batteur de Rush expliquera d’ailleurs dans son film Anatomy of a Drum Solo en 2005 que la structure de ses solos et leur intégration dans les compositions du groupe représentaient pour lui une recherche constante de nouveaux horizons. En 1994, il joue avec le groupe de Buddy Rich, reprenant le fameux “Cotton Tail”. On entrevoit ainsi toutes les passerelles musicales qu’il a créées. “Il a les mains de Dieu.”