Le Flying Circus des Monty Python, pionniers de l’absurde à la télévision

Le Flying Circus des Monty Python, pionniers de l’absurde à la télévision

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La troupe des Monty Python avec, de gauche à droite : Michael Palin, Graham Chapman, John Cleese, Eric Idle et Terry Jones. Ne manque que Terry Gilliam.

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Par Théo Chapuis

Publié le

Insolence en prime time

Stop. Il serait bien trop long d’énumérer l’héritage des Monty Python. D’ailleurs, si le grand public francophone connaît surtout les films de la troupe, Sacré Graal et le biblique La Vie de Brian en tête, les comiques les plus importants de la seconde partie du XXème siècle ont commencé leur carrière à la télévision.
Pendant cinq ans, la BBC diffuse leur irrévérencieux programme Monty Python’s Flying Circus à une heure de grande écoute, de 1969 à 1974. Cinq années durant, la troupe parodie la télé, la politique, les Britanniques, les étrangers, les têtes couronnées, les comptables, la religion, les riches, les pauvres, et tout le reste.
Ce mardi 1er juillet, plus de trente ans après leur dernier tour de piste ensemble, les Monty Python se reforment pour une série de 10 spectacles. Le nom du show : One down, five to go (“Un à terre, cinq prêts à y aller”), soit la meilleure preuve que l’humour des comiques, maintenant sexagénaires, n’a rien perdu de sa fibre corrosive. En effet : si John Cleese, Eric Idle, Michael Palin, Terry Jones et Terry Gilliam sont réunis, il leur manquera le regretté Graham Chapman, emporté par le cancer en octobre 1989.
Qu’à cela ne tienne. Au Cirque Volant des Monty Python, le décès de l’un d’eux, c’est malgré tout le début d’une bonne blague.

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Humour noir et perroquet mort

Et alors ? On ne pourrait pas se poiler de la mort ? Bien avant la faucheuse terriblement agacée dans le film Le Sens de la Vie, bien avant les commandos-suicide inutiles de Sacré Graal, les Monty Python offrent l’un de leurs meilleurs sketches sur la mort avec celui du “Dead parrot” (“perroquet mort”), véritable leçon de rhétorique face à un commerçant de mauvaise foi.

Gumby ou la folie

Symptome du comique de répétition, la troupe des Python affectionnait tout particulièrement l’irruption de personnages récurrents. Pour le public, c’était l’occasion de voir invoquée une myriade de protagonistes hauts en couleur, telle la princesse Windsor, le cheval pantomime, le joueur d’orgue nu joué par Terry Jones au générique de la série…
… Ou encore Gumby. Un personnage complètement fêlé, vêtu d’un mouchoir sur la tête, d’une paire de bretelles et d’une moustache années 30, vociférant qu’il souffre “au cerveau” et roulant des yeux vides. Cette incarnation du fou est une réussite, mais aussi une surprise pour les Python, comme l’explique Ian McNaughton, le producteur du Flying Circus :

Ils ont été très surpris par la réaction positive aux Gumbys, ces types débiles avec des mouchoirs attachés sur leurs têtes. Un jour, en entrant dans le studio, ils se sont aperçus que l’intégralité du premier rang du public avait des mouchoirs noués autour de la tête ! Gumby venait de naître, dans un grand éclat de rire.

Et on ne s’en lasse jamais. Jamais. Jamais. JAMAIS :

Terry Gilliam, l’artiste yankee

Après l’implosion des Monty Python, Terry Gilliam poursuivra la carrière qu’on lui connaît au cinéma, entre succès (LArmée des douze singes) et mésaventures devenues mythiques (Lost In La Mancha, documentaire d’un tournage-fiasco). Mais pendant les cinq années que dureront le Flying Circus, l’Américain de la bande sera avant tout chargé des séquences d’animation en dessin et collage, transitions plus ou moins naturelles entre les sketches du reste de la troupe… et parfois véritables sketches entre les sketches.
Imaginez. En 1969, ce générique passait en prime time à la télévision britannique. De l’autre côté de la Manche, la même année, l’ORTF innovait avec une nouvelle émission, Alain Decaux raconte. Bref. And now, for something completely different…

La philo, c’est rigolo

Pour la plupart, les Monty Python ont étudié aux prestigieuses Oxford et Cambridge. Ils sont diplômés de droit, de médecine ou d’anglais et font peu de mystère de leur parcours savant au cours de leurs sketches. Aujourd’hui encore, il n’y a que les Monty Python pour avoir réussi avec succès à tendre ce pont entre blagues potaches et références intellectuelles de haut vol. Les exemples ne manquent pas, comme avec la chanson des philosophes ou bien ce sketch avec Jean-Paul Sartre himself.
Mais s’il ne devait rester qu’un exemple, il s’agirait du match de football des philosophes (en plus, c’est de saison), épique rencontre entre la crème des cerveaux athéniens et l’élite de la pensée allemande. Rigolo ergo sum.

Quand “comique de situation” rime avec “danse du poisson”

Pour autant, il faut aussi se souvenir que s’ils se plaisent à fourrer des références savantes au milieu de sketches scatophiles, les Monty Python sont avant tout de grands fans d’humour. Leurs influences, parmi lesquelles l’immense Peter Sellers, n’ont jamais fait l’erreur de négliger le comique de situation et les six compères ont bien appris la leçon.
Donnez une paire de costumes coloniaux, quelques poissons, une bande-son de course de chevaux et trente secondes à la troupe : voilà le grand classique de l’arroseur arrosé mitonné à la sauce Python. Ça donne à peu près ça :

John Cleese, père du “Silly Walk”

Si la troupe des Monty Python a toujours pris soin d’agir comme un collectif, elle est avant tout le résultat de l’écriture de deux couples. Le premier, celui fondé par Terry Jones et Michael Palin, prend ses racines à Oxford. Le second, ce sont Graham Chapman et John Cleese qui le forment. Et très vite, ce dernier s’impose comme la figure la plus emblématique de la troupe, le véritable Monsieur Loyal du Circus.
John Cleese, immortel ambassadeur du Flying Circus et de son célèbre aphorisme “And now for something completely different…”, restera à jamais dans les annales de l’humour. Et si ce n’est pas pour sa haute taille (1,96m), son jeu protéiforme et ses grimaces dingues, ce sera sans doute grâce à son rôle du Ministre des Démarches Ridicules (“Ministry of Silly Walks” en version originale). D’ailleurs, pour apprendre à marcher de la sorte, reportez-vous s’il vous plaît à cette brochure ministérielle qui vous expliquera comment améliorer votre démarche ridicule.
Ça et là, on lit sur le net que les Python considèrent le “silly walk” comme de la pure idiotie. Que ce sketch ne veut rien dire. Que John Cleese ne peut plus faire aucun “silly walk” à cause de son âge vénérable et qu’il ne comprend pas pourquoi ce gag a eu (et a encore) autant de succès. Peu importe.  Raillerie du pouvoir, de l’administration et de l’impassibilité britannique, les déhanchements élancés du ministre de la couronne sont l’un des éléments distinctifs les plus attachants des Monty Python. Après les gifs, les détournements de gifsle générateur, les parodies, découvrez l’original :

Les comiques les plus drôles du monde

Quittons les Python avec ce qui pourrait être leur épitaphe. Depuis leurs débuts dans des troupes de campus, jusqu’au bout de l’humour avec le Flying Circus et ses chutes absurdes, les six comédiens n’ont eu de cesse d’expérimenter.
C’est donc tout naturellement à eux de lever le voile sur ce pan de l’Histoire méconnu. Dans ce sketch du Flying Circus, les Python divulguent en exclusivité l’une des armes secrètes employées par les Alliés pour défaire l’Allemagne nazie : la blague la plus drôle du monde. Tellement drôle que personne ne peut y survivre.
Plus efficace qu’un escadron de chasseurs Spitfire. Pas vrai, Biggles ?