Rencontre : pendant un an il ne vit qu’avec du Made in France

Rencontre : pendant un an il ne vit qu’avec du Made in France

photo de profil

Par Sarah Barbier

Publié le

Le “Made in France”, c’est quoi en fait ?

Mais qu’est-ce qu’est vraiment le “Made in France” ? Car ce n’est pas parce que la marque est française que le produit ou la fabrication l’est. Comme nous l’explique Benjamin Carle, “un vrai produit made in France est un produit qui prend la plupart de sa valeur ajoutée en France”. Selon le label Origine France Garantie, un vrai produit français, c’est quand au moins 50% de son prix de revient unitaire est acquis en France.
Ainsi, au début de l’expérience, et à l’aide d’un expert du label, Benjamin Carle a réalisé un état des lieux de son appartement afin de ne garder que des meubles et des objets bien de chez nous. Il se retrouve alors avec seulement 4,5 % de la valeur des biens qu’il possède chez lui, les autres 95% provenant d’ailleurs.
Une moyenne chez les jeunes selon lui :

À voir aussi sur Konbini

Je ne suis pas différent des autres jeunes, j’achète mes meubles chez Ikea, l’électroménager en grande surface, et j’ai pas mal d’objets technologiques.

Après cet expertise, il se fixe trois règles pour son année à venir :

  1. Consommer uniquement des biens produits en France;
  2. Faire disparaître le moindre produit étranger – musique et cinéma compris;
  3. Réaliser ce défi avec 1 800 euros net par mois, soit le salaire moyen d’un parisien.

L’unique tablette française parle… cuisine

Se remeubler entièrement avec du 100% français n’est pas une chose aisée, comme nous le raconte Benjamin Carle :

Il n’y a pas de frigo, pas de télévisions, pas d’ordinateurs, par de smartphones. J’ai été obligé d’utiliser un vieux Sagem d’il y a douze ans. D’ailleurs, la France ne fait pas un seul élément qui va dans un smartphone ! La plupart des objets technologiques sont assemblés en Chine.

Le jeune homme a tout de même trouvé une tablette numérique d’origine française : la tablette QOOQ qui aide à… cuisiner ! Un peu cliché non ?
Deuxième chose à faire : changer ses vêtements. Et pour ce faire, Benjamin a trouvé la seule boutique parisienne qui propose des fringues fabriquées dans l’Hexagone, le magasin Bleu de Paname. Le plus drôle dans tout ça, c’est que le journaliste s’est souvent fait arrêter dans la rue par des gens qui voulaient savoir d’où provenaient ces vêtements.
Ce qui lui fait dire :

Le made in France, je croyais que c’était ringard mais en fait c’est limite hipster.

Ainsi, pour 900 euros, il est arrivé à se constituer une petite garde robe composée d’une doudoune, d’un manteau, de deux pantalons, d’un short, de deux tee-shirts, d’une chemise et d’un sweat. Un certain budget qui s’explique notamment par le coût du travail horaire en France. En effet, la main d’oeuvre est plutôt chère dans l’hexagone.
Par exemple pour fabriquer un tee-shirt en France, il faut en moyenne débourser une quinzaine d’euros, tandis qu’au Bangladesh, un euro suffit. Des produits plus chers oui, mais de meilleure qualité. “Avec le coût du travail qu’on a, ce serait un peu dommage de faire de la merde“, ironise Benjamin. Surtout qu’au final, le prix est presque le même en boutique.
Résultat : on se fait moins arnaquer quand on achète français.

“Le matin, pas de café, ni de thé”

En ce qui concerne son quotidien, Benjamin a dû s’adapter :

C’est ma meuf qui me réveillait le matin. Pas de café, ni de thé, je buvais que de la chicorée. Pour m’informer, j’écoutais la radio sur un vieux transistor ou j’achetais des journaux.
Pas de grille-pain, pas de bouilloire, pas de frigo. Je me suis brossé les dents avec la seule brosse à dent française, et pris ma douche avec du savon de Marseille. J’étais obligé de me couper les ongles avec un couteau Opinel. Et pour me déplacer, j’utilisais une Motobécane à l’ancienne que j’ai achetée d’occasion.

Comme il l’explique dans son documentaire, vivre français c’est prendre le temps. Prendre le temps de passer un coup de fil ou d’écrire un SMS, prendre le temps de cuisiner et de se déplacer. “J’étais obligé de changer mon rapport à la consommation et au temps“. Et avec le peu de technologies que la France fabrique, c’est un véritable retour en arrière qu’il a vécu – il n’y qu’à voir le téléphone fixe qu’il possède.

Un an de films… français

Benjamin Carle a même poussé l’expérience jusqu’à changer ses habitudes culturelles. Ainsi, il se tient à la définition de la Sacem et n’écoute que des chansons chantées en français.

J’ai redécouvert la musique française, c’était pas aussi chiant que ce que je pensais. On pense que c’est ringard parce que ça fait partie de la génération de nos parents, mais la musique française des années 80 c’est vachement bien. Rita Mitsouko ou Jacno – une espèce de David Bowie français – par exemple, c’est une tuerie.

[iframe width=”807″ height=”454″ src=”//www.youtube.com/embed/6QJH3wzcQ54?rel=0″ frameborder=”0″ allowfullscreen ]
Des anciens artistes donc mais aussi des nouveaux comme La Femme ou Lescop qui sont “très français dans leur manière de penser leur musique“.
Au niveau du cinéma, exit les grosses productions américaines de cette année comme Gravity, mais bonjour La Vie D’Adèle ou Grand Central. De cette expérience spéciale, se détachent deux particularités du cinéma français :

Dans un film français, il y a toujours un repas ou quelqu’un qui se réveille. À la fin, ça finit tout le temps par un regard au loin. C’est quelque chose qu’on aime nous les Français : affirmer nos spécificités.

Un acte politique ?

Comme il l’affirme dans son reportage, Benjamin s’est senti au fur et à mesure devenir une sorte de patriote économique – il ira même jusqu’à se faire tatouer un coq dans un hexagone sur le bras.
Consommer serait-il un acte politique ? “Oui, parce qu’aujourd’hui l’économie c’est ce qui fait que ton pays a du pouvoir ou non” répond-il. Il faudrait donc acheter français pour soutenir notre économie afin de “sauver”, tout simplement, notre pays. Comme le dit Arnaud Montebourg à la fin du documentaire “un pays qui ne produit pas devient l’esclave de ceux qui produisent“.
A la fin de l’aventure, son appartement est de nouveau expertisé. Les biens qu’ils possèdent sont alors à 96,9 % français. Sa conscience citoyenne reste éveillée, et même si l’expérience est aujourd’hui terminée, Benjamin compte bien continuer à se renseigner sur l’origine des produits qu’il achète :

Ça nous dérange de savoir qu’il y a du cheval dans nos lasagnes mais ça nous dérange pas de ne pas savoir comment est fabriquée la brosse à dent qu’on utilise et qu’on met aussi dans notre bouche. Je pense qu’il est important de savoir comment les produits sont fabriqués.