Quand Joel Schumacher inspirait Disiz la Peste avec “J’pète les plombs”

Quand Joel Schumacher inspirait Disiz la Peste avec “J’pète les plombs”

Image :

©Capture d’écran YouTube / Disiz La Peste – J’pète les plombs

photo de profil

Par Guillaume Narduzzi

Publié le

"Un McMorning ou je tire !"

La triste nouvelle a été annoncée dans la soirée du lundi 22 juin : le réalisateur américain Joel Schumacher est décédé à l’âge de 80 ans. Il laisse derrière lui une riche carrière faite de films clivants (sa version de Batman), mais aussi quelques longs-métrages cultes. Le plus bel exemple est certainement celui de Chute libre (Falling Down en VO et, encore mieux, L’Enragé en québécois), qui a inspiré de nombreux artistes dans son sillage. À commencer par notre Disiz (la Peste) national.

À voir aussi sur Konbini

Pour son premier album Le Poisson rouge paru en 2000, le rappeur français – qui est alors un rookie après avoir fait ses armes dans le groupe Rimeurs à Gages – va dévoiler le titre “J’pète les plombs”. Son texte est directement inspiré du film de Schumacher, sorti sept ans plus tôt (1993). Il narre à la première personne l’histoire d’un mec assez lambda qui craque complètement durant une journée qui aurait pu être comme toutes les autres, se réappropriant ainsi le concept décliné par le cinéaste américain dans son film.

“Au départ, JMDee [le producteur du morceau, ndlr] a fait le beat et m’a dit qu’il verrait bien une histoire de braquage dessus. J’ai tout de suite accroché sur l’ambiance, j’avais l’idée depuis un petit moment d’écrire des lyrics inspirés du film Chute libre, ça collait parfaitement”, confie Disiz à ce sujet.

Mais au-delà des paroles, c’est toute l’esthétique du film qui va être mise à l’honneur dans le clip de l’artiste français. On le retrouve vêtu d’une chemise blanche à manches courtes, d’une cravate noire rayée et d’un pantalon noir, arborant une paire de Ray-Ban Clubmaster tel le personnage – légèrement psychopathe – incarné par un Michael Douglas des grands jours.

Périple frénétique

Comme le personnage, nommé William Foster, campé par l’acteur américain, Disiz est enfermé dans sa voiture et coincé dans les bouchons à cause de travaux sur la voie publique. C’est l’été, il fait chaud. Les klaxons retentissent, la pression monte, et il “pète les plombs”. À l’instar de l’acteur principal, il quitte sa voiture avec son attaché-case et laisse son véhicule en plein milieu de la circulation. Seule différence, les routes de Los Angeles deviennent celles du périphérique parisien.

Mais alors que Michael Douglas commence son périple frénétique dans une supérette coréenne puis se fighte avec un gang mexicain (ce qui lui permet de se procurer moult armes à feu), l’artiste français se rend lui directement au fast-food. Le lieu du film, un Whammy Burger, est devenu un McDonald d’Île-de-France. S’ensuit probablement la scène la plus culte de Chute libre. Tout comme dans le film, la caissière de l’enseigne – jouée par Cécile de France – refuse de lui servir la formule “morning” car il est tout juste midi. C’est bien entendu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. “Un McMorning ou je tire !”

Entre les trois actes du clip, coréalisé par Atisso Médessou et Joyce Edorh, on peut également apercevoir JoeyStarr, Cut Killer et plein d’autres acteurs de la scène rap de l’époque. Tout comme William Foster, Disiz a tout perdu, “sa femme, son gosse, son job”. Fondamentalement, il n’a donc plus grand-chose à perdre. Mais alors que le personnage poursuit dans sa folie son parcours dans les rues de la Cité des anges qui le mènera dans un magasin militaire tenu par un néonazi, un terrain de golf privé ou encore Venice Beach, le rappeur français se permet une fantaisie avec une scène absente du film lors du second couplet.

Il y discute avec une femme qui l’aborde dans la rue. Mais celle-ci, ouvertement vénale, se fait rembarrer par l’homme qui vient de divorcer. Un moyen d’insister sur le rapport désastreux entre le mari et son ex-femme, fil rouge du film de Joël Schumacher qui est le principal responsable de l’aliénation destructrice du personnage.

Un film inspirant

Disiz inverse ensuite le cours des événements, puisque le troisième couplet est consacré à la scène où le personnage joué par Michael Douglas se fait embrouiller par le gang, une des premières du film. Seulement, les Mexicains sont ici remplacés par des banlieusards que l’on peut aisément imaginer d’Évry à en juger le décor, ville d’origine du rappeur. L’audacieux “saltimbanque” est alors remis à sa place par Disiz, qui atteint alors le summum du pétage de plombs. Le rappeur finit par rentrer chez lui, marchant au milieu d’un terrain vague avec son sac rempli d’armes.

En résulte l’un des plus gros succès musicaux de l’année 2000. Ce titre a permis à Disiz la Peste d’éclore à l’échelle nationale, malgré le fait que son clip soit alors en partie censuré sur les grandes chaînes – interdit aux moins de 12 ans, tout comme le film. Mais le titre, qui a fait partie de la bande originale de Taxi 2, connaît tout de même une réussite commerciale énorme avec plus de 500 000 singles écoulés (!). Aujourd’hui encore, il est l’un des titres les plus plébiscités de la vaste discographie de l’artiste de 42 ans.

Disiz n’est cependant pas le seul artiste musical à avoir été inspiré par l’histoire de William Foster. Dès 1995, le légendaire groupe de metal Iron Maiden y fait référence dans le titre “Man on the Edge” de l’album The X Factor. En 2003, c’est le collectif de rappeurs underground CunninLynguists qui s’inspire de Chute libre pour le morceau “Falling Down”, extrait du disque SouthernUnderground.

Même les Allemands de Rammstein, un an plus tard, revendiquent cette influence esthétique pour la promotion de leur album Reise, Reise. Plus récemment, ce sont les Foo Fighters qui ont fait un clin d’œil à cette œuvre dans le clip de leur chanson “Walk” parue au début des années 2010. Et pour tout ça, on peut dire merci à Joel Schumacher.