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Escape Game, ou quand le spectateur veut aussi se barrer

Escape Game, ou quand le spectateur veut aussi se barrer

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

En salles le 27 février prochain, Escape Game d’Adam Robitel met six inconnus au cœur de situations extrêmes. À la croisée de “Fort Boyard” et des franchises Destination Finale et Saw, sa recette a hélas le goût de la cuisine industrielle. Compte rendu en terres gérômoises.

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(© Sony Pictures Releasing France)

Mercredi soir, la 26e édition du Festival international du film fantastique de Gérardmer s’est ouverte avec la projection, en avant-première, du long-métrage Escape Game. Aux manettes ? Le réalisateur Adam Robitel, à qui l’on doit notamment le quatrième opus de la saga Insidious, baptisé “La Dernière Clé”.

Pour ce projet, inspiré de l’envahissante mode des escape games – existe-t-il encore un adolescent qui, ces derniers mois, n’a pas bassiné la terre entière pour en faire un ? –, il fallait en effet un cinéaste “faiseur”, capable de mettre sa technique au profit du mercantilisme, et non de l’art. Car oui, la volonté consiste ici, de manière claire, à convertir cette production en franchise juteuse, à l’instar de ses grandes sœurs Saw et Destination Finale, dont les ombres en écrasent chaque encoignure.

Le point de départ ? Six inconnus, qu’a priori tout oppose, reçoivent une invitation. Ils sont tenus de se rendre dans un lieu secret pour s’adonner à un jeu étrange avec, à la clé, la somme de 10 000 dollars pour le gagnant. Il y a l’adolescent geek, féru d’escape game, excité comme une puce à l’idée d’en découdre ; le chauffeur routier, au passé trouble ; l’étudiante surdouée qui manipule les chiffres avec la dextérité d’un prestidigitateur ; l’ex-soldate, revenue du front irakien le dos mutilé ; le carriériste en costume-cravate, façon Patrick Bateman ; et un jeune homme lambda, employé dans une épicerie.

C’est lui qui semble être le dernier à survivre à l’épopée, comme en témoigne une scène d’ouverture très bien usinée, dans laquelle il est prisonnier d’une pièce dont les murs rétrécissent à grands fracas. On a cherché le père Fouras, mais on ne l’a pas trouvé.

Coucou le concept marketing

Rembobinons. L’escape game, ou jeu d’évasion grandeur nature, a conquis le monde entier en une dizaine d’années. Depuis, on ne compte plus le nombre de lieux, aux quatre coins de la planète, qui ont servi de toile de fond à un après-midi fun entre amis. Un concept fort, initialement né dans le gaming grâce notamment au japonais Toshimitsu Takagi (créateur en 2005 de Crimson Room) et aujourd’hui décliné en jeux de société ou en livres.

Il fallait bien que le cinéma s’y mette et vienne picorer dans ce bon gros gâteau pécuniaire. Et quoi de mieux que le genre, finalement, pour repousser encore plus loin les limites d’un jeu supposément fédérateur ? C’est en tout cas l’idée de départ d’Escape Game : faire croire à ses six héros que la partie est exempte d’accrocs et les placer, en un rien de temps, en situation de danger immédiat, comme dans cette première salle remplie de panneaux chauffants à désactiver sous peine de mourir carbonisés.

Il serait quelque peu malhonnête de nier l’efficacité de chacune des pièces dans lesquelles basculent les personnages au fur et à mesure de l’intrigue, certes résumable sur un timbre-poste. Du paysage enneigé à la salle de jeu à l’envers, le spectateur découvre à chaque fois les situations avec un mélange de frétillement et d’appréhension. Où est la clé ? Comment vont-ils s’en sortir ?

(© Sony Pictures Releasing France)

Si, lors des premiers tours de pistes, on est partie prenante de l’aventure, l’intérêt se délite à mesure que le scénario tente d’apporter une épaisseur psychologique aux joueurs. En guise de transition d’un univers à l’autre, le scénario propose en effet des dialogues niais, lesquels sont débités par des comédiens aussi crédibles qu’une team de téléréalité sous les tropiques. Avec ses scènes d’action sous cloche, lyophilisées jusqu’à la moelle pour que rien ne tâche (et pour rester PG13), Escape Game s’apparente à un grand huit sans loopings. Ou à une Formule 1 avec un moteur de Twingo.

C’est d’autant plus problématique que les mystérieux organisateurs de cette partie terrifiante semblent vouloir mettre leurs cobayes aux prises avec la vraie peur, la vraie douleur, le vrai mal, jetant précisément l’anathème sur une société où tout est aseptisé. Adam Robitel s’échine ainsi à bâtir une mise en scène où rien ne vient entraver le confort du spectateur qui, pour le coup, était bien plus malmené par le postulat puissant de Saw.

Pis, jusqu’aux dernières secondes, toute l’entreprise filmique paraît totalement incapable d’apporter une conclusion plausible à son idée caduque. Les dernières minutes de cafouillage s’apparentent d’ailleurs à une tentative d’enfumage dont le seul message final, et phosphorescent, consiste à dire au public : « Vous avez compris, les gugus ? Il y aura une suite ! » Perso, si c’est pour chercher des clés, autant regarder “Fort Boyard” avec des candidats qui côtoient des serpents, des mygales et qui, eux, prennent la boue et mouillent le maillot.