YBN Cordae s’invite dans la cour des grands avec son album The Lost Boy

YBN Cordae s’invite dans la cour des grands avec son album The Lost Boy

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©Instagram/YBN Cordae

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Par Guillaume Narduzzi

Publié le

Avec son univers à la fois mélodieux et introspectif, le jeune espoir du rap US signe un premier effort abouti et touchant.

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Cordae Dunston est un mec un peu paumé. Que ce soit dans le monde de la musique, avec la gent féminine, face à un succès aux multiples facettes ou face aux drames du quotidien, le garçon est globalement duper dans la vie au sens large, dépassé par les événements et une société malade. C’est donc tout logiquement que pour son premier projet sous le pseudonyme d’YBN Cordae, le jeune artiste ait choisi d’intituler son album, paru en ce vendredi 26 juillet, The Lost Boy

Pourtant, rien dans la carrière du bonhomme ne laissait présager un tel manque de repères. Rappeur depuis son plus jeune âge, YBN lâchait sa première mixtape en 2014 alors qu’il n’avait que 17 ans (“J’baisais le game j’étais même pas majeur”, pourrait-il se targuer tel Josman). S’ensuivront deux autres tout aussi précoces, sous le pseudo de Entender, avant de rejoindre le groupe Young Boss N*ggaz – d’où le YBN de son nom de scène – en 2018. Un collectif qui lui apportera une visibilité certaine, notamment grâce au disque YBN: The Mixtape, au point de faire de lui l’un des rookies les plus attendus outre-Atlantique… mais aussi en France.

Le jeune Américain n’est en effet pas un inconnu pour les rapophiles tricolores. YBN Cordae a fait une apparition remarquée en fin d’année dernière sur l’épilogue de La fête est finie d’Orelsan (sur le titre “Tout ce que je sais”) avec à la clé un passage dans un Bercy plein à craquer, et même un clip avec l’artiste français. 

Mais après avoir suscité tant de curiosité et d’espoir, encore faut-il confirmer les attentes. Pour cela, YBN Cordae a mis tous les moyens à sa disposition pour y parvenir, et s’émanciper de la plus belle des façons de son collectif. Pour son premier disque, ce véritable diamant brut de la scène américaine s’offre des collaborations avec Anderson .Paak, Meek Mill, Chance The Rapper ou encore Pusha T. Rien que ça. Des profils impressionnants certes, mais surtout expérimentés. Sûrement le meilleur moyen de répondre aux interrogations existentielles que se pose un garçon de son âge, avec cet album introspectif qui va presque prendre la forme d’une thérapie.

Tout débute en douceur avec l’introduction “Wintertime”, très mélodieuse et parfaite pour s’immiscer dans l’univers de YBN Cordae. Un titre, produit par Cardiak (Drake, J. Cole, Meek Mill, Rick Ross…), auquel a activement participé la légende Quincy Jones. Preuve que la hype autour du rappeur est grande. Mais Cordae Dunston n’est-il qu’un rappeur ? Son discours assez éloigné des codes du milieu, ses mélodies instrumentales et même les interludes de gospel tendent à dire le contraire. Un petit tacle les deux pieds décollés à ses homologues de sa génération (“Rappers is jokes, I’m a musician”) sur l’outro viendra même confirmer cette impression.

Même si l’on connaissait déjà “Have Mercy” et son clip, le single est incontestablement l’une des plus belles réussites de l’album, notamment grâce à Kid Culture, à la prod’ sur une grosse partie du disque. Un titre si fort, qu’on retrouve le refrain du morceau sur la piste suivante, l’interlude “Sweet Lawd – Skit”. Sur l’autre interlude du disque, “Grandma’s House – Skit”, il se lance dans un gospel touchant avec sa grand-mère en reprenant le morceau “Trouble in my Way” de Luther Barnes.

Un membre important de sa famille à ses yeux, décédé il y a peu. Endeuillé, il lui rend d’ailleurs hommage dans “Broke as Fuck”, sûrement le titre le plus sombre et le plus violent de ce premier effort. Une sorte de track exutoire scindée en deux parties, sur laquelle il évoque également le meurtre de son cousin. Des “Rich N*gga Problems”, diront certains, à commencer par Anderson .Paak qui lui donne la réplique sur cet excellent morceau produit par le grand J. Cole.

Sur “We Gon Make It”, il délivre en compagnie de Meek Mill un message résolument optimiste (“If you got a dream, keep chasin’ it”), tout en dépeignant un quotidien morose fait de drames et de souffrance. Avec “Nightmares Are Real”, YBN Cordae s’offre une nouvelle occasion de profiter de l’expérience de l’un des tout meilleurs artificiers du game, Pusha T. Autre exemple, avec Chance The Rapper sur le morceau “Bad Idea”, où les deux artistes échangent sur le sens de la vie et de ses aléas. Autant de rencontres qui nourrissent la musique et l’esprit d’YBN Cordae.

À l’image de cet autre feat, “When Back Home” avec le chanteur Ty Dolla $ign. Sur une prod’ toujours aussi envoûtante, les deux hommes discutent de l’industrie musicale et du succès. Des conseils précieux, qui permettent à YBN Cordae de livrer ses propres réflexions.

Sur le doux morceau “Thanksgiving”, il échoue à ramener une fille chez lui et se questionne sur le sens de cette relation, tandis que sur “Thousand Words” il analyse les mondes parallèles que sont les réseaux sociaux, et tente d’établir une frontière entre réel et virtuel. Avec “Been Around”, où il adresse un clin d’œil à Chance The Rapper au début de la track, il n’en oublie pas de remercier ceux qui l’ont toujours soutenu, en narrant son succès et cette ascension brutale dans le rap game. Une réflexion large, qui lui permet sur l’outro “Lost & Found” de ressortir avec les idées claires : “Oui, j’étais un garçon perdu, mais maintenant je me suis trouvé”, chante-t-il.

En résulte un disque touchant, joliment calibré (15 titres pour 45 minutes d’écoute) et cohérent tout en offrant une proposition musicale variée, qui laisse un peu plus entrevoir le potentiel d’artiste polyvalent de Cordae Dunston. Désormais installé à Los Angeles, le jeune rappeur peut regarder l’avenir sereinement. YBN Cordae a bel et bien trouvé sa voie et a priori, il ne s’est pas perdu en chemin.