Ces 10 films se sont attaqués aux violences racistes aux États-Unis

Ces 10 films se sont attaqués aux violences racistes aux États-Unis

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Par Arthur Cios

Publié le

D'un film culte de Spike Lee à l'adaptation récente d'un roman à succès. 

Le lundi 25 mai, George Floyd, 46 ans, est mort des suites d’une arrestation d’une rare violence à Minneapolis, dans le Minnesota. Les images de ces instants ont été largement diffusées, reprises et commentées aux États-Unis, entraînant des répercussions à travers tout le pays, notamment des manifestations dans de nombreuses villes, de New York à Los Angeles.

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Alors que Michael Jordan évoque dans un communiqué un “racisme enraciné”, voici 10 films qui, ces dernières décennies, décrivaient déjà des violences policières à l’égard de la communauté afro-américaine. D’un film culte de Spike Lee à l’adaptation récente d’un roman à succès. 

BlacKkKlansman

Près de 30 ans après Do The Right Thing, Spike Lee est de retour. Avec BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan, le cinéaste américain s’approprie l’histoire vraie d’une infiltration policière du Ku Klux Klan effectuée par Ron Stallworth, un flic noir qui opérait à l’époque à Colorado Springs.

Celui-ci exprimait ainsi les débuts de son enquête dans son livre Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan (2014) :

“Je suis tombé sur une annonce du Ku Klux Klan, qui incluait une adresse postale. J’ai écrit une petite lettre en me faisant passer pour un raciste blanc : j’expliquais que je détestais les nègres, les youpins, les latinos, les jaunes et les ritals. […] Une semaine plus tard, on m’a appelé sur le téléphone du service […]. Il m’a répondu que j’étais exactement le profil qu’il recherchait, et m’a demandé quand il pouvait me rencontrer. C’est comme ça que mon enquête a débuté.”

Le résultat est une folle enquête, entre l’absurdité des situations et la débilité profonde des membres du Ku Klux Klan, conduite avec brio par un duo de flics incarné par John David Washington et Adam Driver. Si BlacKkKlansman est une comédie prenant place au début des années 1970, sa fin rappelle que l’histoire a encore un bout de chemin à faire.

Blindspotting

Passé inaperçu, Blindspotting est, en plus d’être un excellent film sur l’amitié, la gentrification et les nombreuses problématiques que se pose la jeunesse américaine actuelle, une démonstration de comment les bavures policières peuvent traumatiser et vous marquer au fer rouge ad vitam eternam.

Car l’assassinat par un policier blanc d’un Noir innocent n’est pas vraiment le cœur du récit en tant que tel comme pour d’autres films cités ici, mais il hante le personnage de Collin du début à la fin, et toutes ses actions sont liées de près ou de loin à ce souvenir traumatisant. À sa haine grandissante contre les forces de l’ordre, à son ras-le-bol envers le racisme omniprésent, à sa peur de sortir. Jusqu’au grand final.

Blindspotting répond à tout un tas de questions avec beaucoup d’intelligence, et pose la question : comment vivre en étant témoin de ces violences, quand on est soi-même une potentielle future victime ? Une autre approche de cette question des violences racistes, qui mérite d’être soulignée – d’autant plus que vraiment, ce film n’a pas eu le succès qu’il méritait en salles !

Detroit

Le film de Kathryn Bigelow a fait beaucoup de bruit chez l’Oncle Sam. Déjà parce que peu de films se sont concentrés sur des éléments de leur histoire aussi sombres, et que la cinéaste américaine le fait avec beaucoup de réalisme, de manière très crue, entre le faux documentaire et le film de guerre.

Detroit est l’histoire vraie des policiers zélés et racistes qui ont malmené et torturé des Afro-Américains dans un hôtel de Detroit pendant les fameuses émeutes de 1967. Une histoire affreuse, sans doute trop méconnue à travers le monde, et qui traduit parfaitement l’immunité de la police américaine pour tuer des concitoyens pour leur couleur de peau.

Car plus que de montrer la cruauté de ces officiers des forces de l’ordre, et l’horreur des violences subies par ces personnes noires, la réalisatrice démontre avec brio que ce qui pourrait paraître être une bavure est bien plus que cela. Elle montre comment ces actions sont le fruit et le produit d’un système gangrené par le racisme, et comment ce fait divers est la parfaite illustration de l’histoire avec un H de la ségrégation subie par les Noirs américains. 

Do The Right Thing

Porte-parole du cinéma afro-américain dès 1986 avec Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, Spike Lee imagine un été caniculaire à Brooklyn trois ans plus tard, avec Do The Right Thing. Désormais culte, ce film, qui confronte différentes communautés de quartiers, a beaucoup divisé lors de sa sortie. À l’époque, les critiques n’hésitaient pas à écrire que Do The Right Thing était pensé comme une protestation, pour inciter notamment les spectateurs noirs à lancer des émeutes.

Dans Do The Right Thing, Spike Lee se glisse dans la peau de Mookie, un jeune livreur de pizzas qui travaille pour Sal et ses fils, Vito et Pino, ouvertement racistes. Sur les murs de la pizzeria figurent de nombreuses vedettes italo-américaines, ce qui interpelle les clients Raheem et Buggin qui leur font remarquer que leur restaurant se situe dans un quartier où vivent majoritairement des Afro-Américains.

À la suite de ce petit accroc et tout au long de la journée, la chaleur écrasante attise les tensions entre les habitants du quartier et les insultes racistes commencent à fuser. Plus tard, une violente bagarre éclate entre Sal et Raheem, attirant la foule du quartier et les policiers. Au cours de cette rixe, Raheem est tué par l’un des policiers.

En plus d’une fiction très esthétique, Spike Lee filme la société et ses oubliés qui souffrent dans l’indifférence générale. Et si Do the Right Thing a marqué au fer rouge les années 1980 et s’est lentement imposé dans la culture cinématographique comme un film historique, il fait aujourd’hui écho à la mort de George Floyd, victime lui aussi des abus d’un policier de Minneapolis. Spike Lee a d’ailleurs réalisé un (très) court-métrage, 3 Brothers dans lequel il diffuse les images de George Floyd, écrasé par le genou du flic, mises en parallèle avec cette fameuse séquence du film.

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Get Out

Ce chef-d’œuvre de Jordan Peele, sur lequel tout le monde a déjà son avis suit un jeune afro-américain (Daniel Kaluuya), invité à passer le week-end chez sa belle-famille, des Blancs en apparence charmants. Il s’avère que tout ce beau monde est de mèche pour kidnapper des Noirs afin de les utiliser comme objets.

Entre la comédie et le film d’horreur, Get Out est un cauchemar improbable, pour mieux explorer les peurs contemporaines de la communauté afro-américaine, en jouant notamment avec de nombreux stéréotypes.

D’un aspect purement divertissant, il est vrai que le héros manipulé par cette famille dérangée peut faire autant flipper que sourire mais il faut aussi comprendre que le réalisateur pose la question essentielle, censée (r)éveiller nos consciences à la peur que l’on peut ressentir lorsqu’on est Afro-Américain aux États-Unis. Hasard du calendrier, Get Out était sorti au cinéma un mois après l’investiture de Donald Trump.

The Hate U Give

C’est par le prisme du teen-movie que le cinéaste George Tillman Jr. souhaite sensibiliser aux bavures policières. Après son biopic Notorious B.I.G, il porte à l’écran Starr, le personnage phare de l’autrice Angie Thomas, créé à l’ère du mouvement #BlackLivesMatter.

L’actrice et activiste Amandla Stenberg a donc la lourde responsabilité de se glisser dans la peau de cette lycéenne issue des “mauvais quartiers”, mais qui reçoit une éducation privilégiée dans un lycée aisé de blancs.

En menant une double vie entre ces deux milieux sociaux, l’adolescente va devenir une figure du militantisme lorsqu’un de ses amis sera abattu par un policier à la sortie d’une soirée. Brisée par cette énième injustice, Starr décide de prendre la parole à la télévision et de rejoindre les manifestations pour faire avancer sa cause. En impliquant tous ses proches dans l’affaire, la jeune femme dépeint un sombre tableau de notre époque à travers ses aventures.

Très contemporain, ce drame émouvant souligne la cruauté des forces de l’ordre qui agissent sans réfléchir et semblent programmées pour tuer, sans jamais analyser la situation. Le film est très intéressant aussi lorsqu’il dépeint avec justesse le fossé entre les minorités, de même génération. The Hate U Give s’inspire malheureusement d’un fait divers remontant à 2010, le meurtre d’Oscar Grant par deux policiers.

Queen and Slim

Dans un genre beaucoup plus clipesque, la réalisatrice Melina Matsoukas, connue pour ses collaborations avec Rihanna et Beyoncé, imagine un récit en cavale avec Daniel Kaluuya (encore lui) et Jodie Turner-Smith. Le duo, une avocate brillante et un jeune homme sans ambitions réelles, se rencontre au début du film, lors d’un date un peu pitoyable devant lequel on s’emmerde autant qu’eux.

Sur le chemin du retour, les deux inconnus se font contrôler par un flic à la suite d’une infraction mineure du Code de la route. Le simple contrôle se déroule dans l’agressivité et la situation dégénère. Le couple abat le policier par légitimé défense et s’enfuit. Ils sont persuadés qu’il n’ont aucune chance en tant que Noirs dans ce cas de figure face à la justice de l’Ohio. Recherchés partout, ils sont présentés comme des dangers publics à la télévision où leurs photos tournent en boucle.

À travers un road trip rythmé et semé d’embûches, entre alliés et traîtres, Melina Matsoukas ajoute sa pierre à l’édifice de ce cinéma engagé qui dénonce le racisme institutionnel où l’on retrouve évidemment tout ce qui nous révolte, du délit de faciès aux inégalités subies par les Afro-Américains.

Si Beale Street pouvait parler

Après un Moonlight récompensé aux Oscars, Barry Jenkins a continué avec la même délicatesse à s’intéresser à la communauté afro-américaine. Son Si Beale Street pouvait parler est beaucoup moins populaire mais se trouve bien plus poignant. Cette romance, tirée du roman éponyme de James Baldwin, écrivain des minorités en proie aux pressions sociales et psychologiques, illustre à son tour les abus des policiers blancs et de la justice sur un jeune homme noir.

Nous sommes dans les années 1970. Fonny, la victime de ce film, vit une merveilleuse histoire d’amour avec Tish, qui vient de tomber enceinte. Le couple veut simplement vivre ensemble, élever cet enfant, trouver un emploi et un appartement à Harlem. À travers de nombreux flash-back, on fantasme la belle vie familiale qu’ils étaient en train de construire, jusqu’à ce que Fonny soit accusé à tort d’un viol, et ne soit envoyé en prison où il verra, à travers une vitre, sa femme et son enfant vieillir.

Des combats perdus d’avance, une société raciste, une passion brûlante et éternelle… Barry Jenkins semble avoir trouvé les armes pour mener une révolution du cinéma noir américain.

La Voie de la justice

Le 19 janvier dernier, La Voie de la justice sortait en France. Ce film de Destin Daniel Cretton raconte l’histoire inspirée de la vie d’un brillant avocat, Bryan Stevenson. Tout juste sorti de l’école de Harvard, idéaliste quand il s’agit de régler les inégalités sociales, il entend venir en aide aux personnes qui n’ont pas les moyens de se défendre devant un tribunal. Son premier cas sera celui de Walter McMillian, un Afro-Américain accusé d’avoir tué en 1986 une jeune fille de 18 ans. Après un travail de recherches, il se rend compte que sa condamnation à mort ne repose que sur le témoignage d’un prisonnier incarcéré.

Pour la seconde fois de sa carrière après Fruitvale Station, Michael B. Jordan joue dans un film dont le propos est de souligner les injustices que subissent les Afro-Américains. Mais cette fois-ci, il n’est plus la victime mais celui par lequel justice est faite. Aussi, il n’est ici plus seulement un acteur, mais aussi le coproducteur d’un film ayant mis en œuvre, dans le processus de création d’un film, le principe de “l’inclusion rider”, une clause pour “permettre aux personnes des groupes sous-représentés, les Noirs, les minorités, la communauté LGBTQ, les femmes, les handicapés, de jouer un rôle important et de travailler dans l’équipe de réalisation d’un film”.

La Voie de la justice a ainsi été le premier long-métrage américain à respecter cette clause dont Frances McDormand avait fait la promotion aux Oscars en 2018.

Article écrit par Lucille Bion, Arthur Cios et Louis Lepron.