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Borderlands 3 : un des mondes les plus vastes et complexes jamais créés dans un jeu

Borderlands 3 : un des mondes les plus vastes et complexes jamais créés dans un jeu

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Par Pierre Bazin

Publié le

À l'occasion d'une première prise en main de Borderlands 3, nous avons rencontré des responsables du studio Gearbox Software.

Borderlands 3, qui sortira le 13 septembre prochain, est annoncé comme le plus grand titre en termes de taille de carte, de contenus et d’intrigues divers que la franchise ait jamais connu. Quand on sait que le deuxième épisode était particulièrement fourni et permettait une folle liberté d’exploration et une myriade de quêtes principales ou secondaires à se mettre sous la dent, le pari a de quoi séduire. Pourtant, si les joueurs savent facilement reconnaître un travail de direction artistique par exemple, les efforts de développement (informatique) et de codage sont plus difficiles à reconnaître pour un profane.

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Derrière une cinquantaine d’heures d’aventure solo et/ou co-op, il y a en effet des dizaines et des dizaines de “petites mains” qui s’affairent à développer de multiples mécanismes ou à les améliorer, et ces différentes tâches finissent parfois par être des détails aux yeux des joueurs et joueuses. Chaque partie du développement d’un ou plusieurs studios est pourtant essentielle à la réussite d’un jeu, car un bug critique ou une mauvaise maniabilité seraient fatals pour l’immersion.

Nous avons pu discuter avec Maxime Babin, Game Director et Gabriel Richard, Lead Director aux studios de Gearbox Québec, qui nous on fait part des coulisses, dessous et aboutissants du développement d’un jeu massif comme Borderlands :

Maxime Babin, Game Director

Konbini | Comment expliquerais-tu ton métier à un ou une profane ?

Maxime Babin | Je suis directeur de jeu ou Game Director à Gearbox Québec. Je m’occupe de diriger les équipes créatives dans une même direction, je m’assure que la vision du jeu est respectée et que la qualité du contenu créé est au niveau attendu à l’échelle globale du titre.

Qu’est-ce qui plaît le plus aux fans dans l’expérience de Borderlands ?

Je pense que c’est avant tout le côté social, qui est du coup renforcé dans le troisième opus avec le level-sync. On parle souvent de l’humour, mais je pense que c’est surtout de pouvoir partager cet humour avec des ami·e·s, rire ensemble. J’aime aussi beaucoup la mécanique de progression, il y a toujours une courbe progressive et on a jamais l’impression de perdre son temps, tu peux vivre pour l’histoire mais aussi pour toutes les quêtes secondaires très développées sur le plan narratif. Enfin il y a toujours cette attente et ces préférences qu’ont les joueurs pour faire des choix dans leurs spécialités de personnages, les points de talents à distribuer, et bien sûr toutes ces armes à choisir, ces différentes “marques” qu’on va préférer à d’autres. C’est découvrir le tout au fil de l’aventure Borderlands qui est grisant. Il y a tellement de choses et de progression, on a toujours son intérêt qui est piqué.

Je vais prendre mon exemple personnel, je suis un gros joueur de la franchise, mais par exemple je joue beaucoup plus en jeu solo/offline. Comment on concilie toutes ces approches et attentes variées ?

D’abord ça passe par le fait qu’il n’y ait pas de “requis” pour jouer à Borderlands, on est jamais obligé de participer à une expérience qu’on ne souhaite pas. L’équilibre est fait pour que le jeu en solo soit agréable mais il y a également une forte gratification d’y jouer en co-op. Il ne faut jamais forcer les gamers dans un style dans lequel ils ne seront pas à l’aise, leur laisser le plus de choix possible. C’est d’ailleurs l’essence du jeu vidéo : le choix.

Avec un jeu aussi massif, est-ce qu’il n’y a pas un risque qu’on s’y perde, que ça devienne un peu “Bordel-ands” ?

[rires] Évidemment, c’est un jeu qui a énormément de systèmes, et de variations de mécaniques, donc d’apparence bordélique, pour reprendre l’expression. Cependant, il y a un soin apporté pour que chaque élément soit bien séparé, par exemple que deux doublages audio ne se superposent jamais même si on va vite. Les niveaux sont faits de manière à ce qu’un joueur qui s’y enfonce soit dans une voie particulière, son choix est respecté et cette activité, qu’elle soit principale ou secondaire est parfaitement délimitée par le Level Design. Il y a beaucoup de travail pour ne pas que les joueurs se sentent débordés et que les systèmes s’enchevêtrent.

Qu’est-ce que tu répondrais à la question un peu bête : est-ce que Borderlands ne fait pas la promotion de la violence stupide et décomplexée ?

Je pense qu’au contraire la franchise est plutôt connue pour son inclusivité, avec la représentation de tous ces personnages. Il y a une énorme diversité pour que les gens qui jouent à Borderlands prennent le temps de voir cet univers, et tout le monde peut s’y retrouver, s’y reconnaître via différents personnages. La violence, c’est juste la couche supérieure. C’est tellement intense et caricatural, ça fait rire, le côté Looney Tunes est très présent. La dimension théâtrale des antagonistes et des combats permet aussi de relativiser cette violence, et d’enlever le sérieux des affrontements.

Gabriel Richard, Lead Director

Konbini | En quelques mots, c’est quoi un Lead Director ?

Gabriel Richard | Je suis concepteur en chef ou Lead Designer à Gearbox Québec. J’ai un rôle d’encadrement, je suis entouré de Level Designers, des concepteurs de missions et tous les Game Designers de manière générale. Ma responsabilité, c’est que chacun travaille dans la même direction artistique, que tout le monde partage les mêmes informations et puisse travailler en synergie.

Est-ce que tu vois ton métier plus comme du management, ou est-ce qu’il y a toujours une notion créative ?

Avant d’être concepteur en chef chez Gearbox, j’ai été programmeur, Level Designer, j’ai porté de nombreux casquettes dans ma carrière. Aujourd’hui, je ne peux pas être juste un gestionnaire, j’ai toujours cette envie de créer, donc il y a vraiment deux facettes dans ce job. Tout cela va dépendre du timing, du moment où on en est dans le processus de production. Là, le jeu va sortir dans quelques mois, on finalise donc les derniers détails, évidemment mon rôle créatif est amoindri vers la fin. Mon objectif principal en ce moment, c’est que les équipes investissent temps et énergie sur les bonnes choses, ce qui va le plus bénéficier aux joueurs à la sortie.

Que penses-tu de toutes ces affaires de crunch dans l’industrie vidéoludique ? [période de travail intensive avant une échéance, où les heures supplémentaires des développeurs ne sont que rarement comptées]

Au Québec, je remarque qu’avec une équipe mature, avec beaucoup de seniors du milieu, il est bien plus aisé de leur donner des responsabilités. On donne souvent un délai d’un mois pour chaque objectif, ce sont eux qui doivent gérer temps et travail dans cette fenêtre qu’on leur donne. Il peut évidemment arriver qu’il y ait des heures et des jours supplémentaires, mais l’employé s’y était engagé préalablement, ça ne tombe pas comme ça. Je trouve ça plus sain comme approche, cela permet un meilleur dialogue entre artistes/développeurs et l’équipe de gestion. Surtout on les implique en amont, ce qui permet de mieux gérer le travail. Je pense que l’overtime est complètement contre-productif, je l’ai vécu personnellement, quand j’étais plus jeune, j’ai des semaines de 110 heures et clairement la 80e heure de la semaine ne sera jamais aussi productive que la 20e. C’est d’ailleurs pour ça qu’on parle plus en “mois” et non en “semaine”, pour éviter d’accumuler des quantités monstres de travail sur des temps trop courts.

Pourquoi y a-t-il autant de studios et d’éditeurs de jeux vidéo au Québec ?

Ça remonte à un effort gouvernemental du premier ministre Bernard Landry qui a décidé de miser sur ces nouvelles technologies avec de vraies aides financières déjà [crédit d’impôt en 1996, ndlr] mais aussi une vraie sensibilisation dans les programmes d’éducation pour cibler ce milieu. Ubisoft a été un pionnier, par exemple, ils ont installé à Montréal un studio de plus de 3 000 personnes. Depuis il s’est construit une véritable expertise au Québec, ça a nécessairement attiré d’autres studios et éditeurs, dont Gearbox évidemment.

Il y a un environnement économique favorable au Québec, et beaucoup de développeurs expérimentés déjà sur place. Montréal a vu ces 10 dernières années de gros investisseurs venir comme Warner, Electronic Arts mais également un énorme marché “indie” [studios indépendants, ndlr]. À Québec, c’est la même chose, et c’est en plus une ville qui est extrêmement “relax”, le cadre de vie y est excellent. Le secteur vidéoludique par exemple est notamment concentré dans le quartier Saint-Roch. On y retrouve de nombreux éditeurs, studios et également des entreprises de tech (CGI, modélisation 3D, etc.). C’est un quartier très dynamique et les différents “experts” du milieu peuvent facilement s’y retrouver et travailler ensemble.