C’est quoi cette histoire de plagiat de Rohff par Booba ?

C’est quoi cette histoire de plagiat de Rohff par Booba ?

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Par Guillaume Narduzzi

Publié le

Booba a-t-il plagié Rohff avec le clip de "PGP" ?

Depuis que B2O a dévoilé le support visuel de son très bon single “PGP” vendredi dernier, les réactions vont bon train sur les réseaux sociaux. Avec une nouvelle et énième référence au film culte Scarface – la version de 1983 – Booba a voulu marquer le coup avec ce clip choc et symboliquement très reconnaissable. “Pas très original”, on vous l’accorde, mais certains vont carrément jusqu’à lui reprocher d’avoir directement copié son rival de toujours, Rohff.

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Et même le principal concerné, Rohff, y est allé de son petit mot en taclant Booba sur le terrain désormais le plus propice aux clashs : Instagram. Avec en légende : “Arrête la coke Tony tu perds les pédales… #LaRésurrection #Piqure2rapel #TonyLeShlag #15ansdavance”.

Ressusciter pour mieux régner

En 2006, ROH2F avait en effet dévoilé son propre clip inspiré de l’univers du film de Brian De Palma. Pour habiller son titre “La résurrection”, l’ancien membre de la Mafia K’1 Fry avait sorti une vidéo de quatre minutes trente dans laquelle il se retrouvait littéralement dans sa télévision, aux côtés du célèbre personnage interprété brillamment par Al Pacino.

Un clip tout en images de synthèse du jeu Scarface : The World Is Yours (sorti sur PS2), où son avatar venait à la rescousse de Tony Montana lors de l’ultime assaut dans le palais du parrain local. “Qu’est-ce que tu fais ? ! Il y a les Colombiens partout dans ta baraque”, assène l’alter ego d’Housni au personnage principal, lui suggérant au passage de stopper le parmesan pour être plus efficace. Ensemble, ils éliminent les ennemis, ont le temps de donner un concert dans une boîte de la ville, et prennent la fuite par la mer au petit matin, en détruisant au passage quelques bateaux et autres hélicoptères. “Au calme”, diront les mauvaises langues.

Un univers commun

Dans le clip de “PGP”, Booba prend directement la place de Tony Montana, dans son célèbre bureau plein d’armes à feu et de farine d’un boulanger manifestement excellent (probablement de la 0.9, vous me direz). Le Duc ne sort quasiment pas de la demeure, où il est enfermé avec des femmes – un premier élément absent du clip de Rohff – sauf pour faire un tour en ville dans une vieille voiture décapotable, toujours en bonne compagnie.

Tout ça avant de finir avec un mitraillage en règle bien dissimulé dans des plans tellement rapides qu’ils ont failli nous provoquer une crise d’épilepsie, et une référence à la citation la plus impersonnelle du film (et du monde entier, en fait), “The World Is Yours”. Sur les ultimes images de la vidéo, B2O apparaît dans la brume avec une lumière verte et rose qui nous a davantage rappelé la cover du dernier album de Jazzy Bazz que le clip de Rohff. Mais bon.

Mention au passage pour la jeune femme qui tient son arme en dessous de l’épaule. Car comme l’a souligné un internaute qui m’a refait mon week-end, ce n’est a priori pas comme ça qu’on apprend à viser dans les stands de tir si on veut garder son épaule et ses dents intactes.

Si l’univers des deux clips est bien entendu le même – l’inspiration ouvertement assumée étant identique –, ils sont néanmoins très différents sur bien des points. Première différence technique assez criante, le clip de Rohff est en images de synthèse (qui ont pris un sacré coup de vieux d’ailleurs) et celui de Booba est filmé dans un décor.

Second point, le rôle des rappeurs. Alors que Rohff épaule Tony Montana avec son avatar et s’imagine le sauver d’une fin inéluctable, Booba se glisse directement dans la peau du personnage principal. Deux rôles différents qui reflètent deux visions différentes : Rohff est davantage un électron libre qui s’inspire de l’univers mais ne peut se dissocier de sa propre personne, là où Booba est obligé de s’imaginer directement dans la peau du personnage principal, davantage inspiré par son histoire personnelle que par son environnement.

Deux visions bien distinctes

C’est d’ailleurs la différence la plus notable entre les deux : les fins respectives des clips. Rohff veut bousculer l’histoire déjà établie et se projette en sauveur de Tony Montana. Il fantasme sur une fin alternative, presque utopique et enfantine, et souhaite faire perdurer l’histoire singulière du héros/dealos qu’est celle du personnage d’Al Pacino. Comme s’il refusait sa disparition, même s’il est bien conscient des travers de son acolyte. “T’es un mauvais modèle Tony, on se détruit en voulant te ressembler”, avance-t-il vers la moitié de la vidéo.

Booba, toujours dans la peau du premier rôle, accepte quant à lui son sort. Il s’imagine à la place de Tony Montana, sait qu’il vieillit et qu’il est plus proche de la fin que du début. Un parallèle assez évident avec sa carrière, lui qui a déjà annoncé que Trône pourrait être son avant-dernier album. Il semble serein, sûr de ce qu’il fait et de ce qui l’attend face à une mort (artistique) annoncée. Mais dans les deux cas, Tony Montana est pour chacun une idole, de par son parcours et sa mentalité unique.

Scarface, un symbole classique mais toujours aussi efficace

Les sorties de ces clips interviennent d’ailleurs à deux moments bien distincts de leurs carrières respectives. Lorsque Rohff sort ce titre, il est au sommet et s’apprête à dépasser son concurrent d’un point de vue marketing. Booba est aussi au top actuellement, son dernier projet en date étant triple disque de platine, mais il a plus de vingt ans de carrière derrière lui. D’autant plus que le rappeur français, le seul aujourd’hui à être aussi présent sur la scène française et depuis aussi longtemps, s’impose légitimement comme le “roi” du rap céfran.

Donc, qui a copié qui ? Eh bien personne – réponse assez prévisible –, car lorsque Rohff se targue d’avoir quinze ans d’avance, on pourrait lui rétorquer qu’il a quinze ans de retard, puisque les références à ce classique du septième art sont aussi vieilles que le rap lui-même et sont très loin d’être spécifiques aux œuvres des deux rappeurs. CQFD.