35 victimes de Bill Cosby sur la couverture choc du New York Magazine

35 victimes de Bill Cosby sur la couverture choc du New York Magazine

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Par Fanny Hubert

Publié le

“Je n’oublierai jamais le son de la boucle de sa ceinture”

Bill Cosby est actuellement accusé d’avoir agressé 46 femmes des années 70 à la fin des années 90 et continue pour le moment de clamer son innocence. Âgées de 44 à 80 ans, c’est la première fois que 35 de ses victimes ont l’occasion d’apporter des détails à leur version des faits.
Parmi les témoignages, on retrouve celui de Barbara Bowman. Elle avait 17 ans et voulait devenir actrice quand Bill Cosby est devenu pour elle une sorte de mentor. Son récit fait froid dans le dos :

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J’ai été invitée à Atlantic City pour voir sa série et j’ai passé une nuit très étrange où j’étais complètement droguée et mes bagages avaient disparu. Quand j’ai appelé le concierge de l’hôtel pour savoir où étaient mes bagages, Cosby a pété les plombs. Il m’a arraché le téléphone et a dit : “Qu’est-ce que tu es en train de faire, tu veux que tout l’hôtel sache qu’il y a une fille de 19 ans dans ma chambre ?”.
Le matin suivant, il m’a fait venir dans sa chambre et a hurlé que je devais rester discrète. Il m’a jetée sur le lit et a placé son avant-bras sur ma gorge. Il s’est mis à cheval sur moi et a enlevé sa ceinture. Je n’oublierai jamais le son de la boucle de sa ceinture.

Lili Bernard, qui a joué dans le Cosby Show, raconte également que Bill Cosby l’avait prise sous son aile : 

Au début des années 1990, j’avais dans les 20 ans et Bill Cosby est devenu mon mentor. Il a totalement gagné ma confiance et il m’a droguée sans que je le sache. Il m’a violée. Je ne dirais pas qu’il est fou… J’avais l’impression qu’il contrôlait totalement son comportement.

Premières accusations en 2005

Pourquoi ces victimes ont-elles mis autant de temps à accuser l’acteur ? Revenons au tout début de l’affaire. En 2005, une femme accusait déjà Bill Cosby d’agression sexuelle. Il s’agit d’Andrea Constand, actrice en devenir elle aussi qui a révélé avoir été droguée et violée par l’acteur. Elle est alors la seule à l’assigner en justice mais Cosby n’est pas condamné puisqu’un accord à l’amiable est trouvé quelques mois après.
Mais la parole se délie car une autre femme témoigne dans le Today ShowTamara Green, avocate, décrit le même mode opératoire. Elle aurait été droguée puis violée par Bill Cosby. L’affaire ne va cependant pas plus loin puisque la victime ne porte pas plainte.
Quasiment dix ans plus tard, en novembre 2014, les accusations reviennent sous le feu des projecteurs grâce à un sketch d’Hannibal Buress, un humoriste américain qui accuse clairement Bill Cosby d’être un violeur. À partir de là, les témoignages affluent. Barbara Bowman, Joan Tarshis, Janice Dickinson, Lili Bernard… Et la même façon de faire revient toujours. Droguée puis violée. Bill Cosby change alors radicalement de visage. Il passe du statut d’acteur iconique d’un des plus célèbres shows familiaux américains à celui de véritable monstre, violeur en série.

Un silence imposé

Et si les victimes ont mis autant de temps à témoigner, c’est qu’elles ne pouvaient pas faire autrement. Personne ne les aurait crues. C’est ce qu’explique P.J. Masten, l’une des femmes agressées à qui l’on a sommé à l’époque de se taire :

J’ai raconté à ma responsable au Playboy Club ce qu’il m’avait fait et vous savez ce qu’elle m’a dit ? Elle m’a dit : “Tu sais que [Bill Cosby] est le meilleur ami de Hugh Hefner [fondateur du magazine Playboy, ndlr] ?” J’ai répondu “Oui”. Et elle m’a alors dit : “Personne ne va te croire. Je te conseille de la fermer.

Barbara Bowman partage le même sentiment: “J’aurais pu marcher dans tout Manhattan et dire “j’ai été droguée et violée par Bill Cosby” mais qui m’aurait cru ? Personne, personne.” Tamara Green explique également qu’elle n’a pas porté plainte en 2005 car à ce moment-là, Bill Cosby “avait encore le contrôle sur les médias.” 
Les autres femmes parlent de honte, de sentiment d’impuissance et de peur. Mais aujourd’hui, ce n’est plus Bill Cosby qui a le contrôle, ce sont ces femmes. Les réseaux sociaux, la viralité de la vidéo d’Hannibal Buress et l’importance d’Internet ont convaincu ces victimes de ne plus se taire. Noreen Malone, journaliste du New York Magazine, l’explique dans l’essai qui accompagne les témoignages :

Dans les années 60, quand le premier viol supposé de Cosby a eu lieu, le viol était considéré comme un acte violent commis par un étranger… Mais maintenant, parmi les jeunes femmes, et particulièrement sur le net, il y a le fort sentiment que parler est la seule chose à faire, qu’une femme qui révèle son statut de victime la rend plus forte que n’importe quelle arme dans le combat contre le viol.

Pour l’instant, Bill Cosby nie toutes ces accusations. Pourtant, dans une déposition datant de 2005 et rendue publique il y a quelques semaines, l’acteur révélait avoir délibérément drogué des jeunes femmes pour avoir des relations sexuelles avec elles. L’affaire est donc loin d’être terminée et la une du New York Magazine prouve encore fois la nécessité de mettre en lumière ces femmes et de libérer coûte que coûte la parole.