Un biohacker australien empêché d’utiliser son titre de transport implanté dans son poignet

Un biohacker australien empêché d’utiliser son titre de transport implanté dans son poignet

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Par Thibault Prévost

Publié le

Un gouvernement local australien a désactivé le titre de transport d’un biohacker, lequel se l’était fait implanter sous la peau de son poignet gauche.

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Un jour, dans l’un de nos futurs les plus probables, on franchira les portiques de métro à coups de scan rétinien, en un battement de cils, et excepté quelques historiens et deux trois hipsters du XXIIe siècle, plus personne ne se souviendra de l’existence des cartes à puces RFID que l’on perdait à longueur d’année.

Bientôt, très bientôt, notre empreinte biométrique sera notre carte d’identité… mais pas tout de suite. En 2018, les proto-cyborgs qui font mumuse avec des puces sous-cutanées sont encore des parias, inlassablement traqués, marginalisés et mis au ban de la société. Surtout quand ils essaient de s’implanter leur passe Navigo dans le bras. Non mais.

De l’autre côté du monde, dans la région des South Wales australienne, un biohacker au nom parfaitement légal de Meow-Ludo Disco Gamma Meow-Meow, cofondateur du hacking space BioFoundry de Sydney, vient de se faire désactiver son titre de transport par les autorités compétentes après avoir retiré la puce NFC (pour “near-field communication”, une technologie de communication sans fil qui regroupe les puces RFID utilisées dans les transports en commun français) de sa carte en plastique et l’avoir fait implanter dans son poignet gauche.

Le tout histoire de gagner du temps au portique, de sonder les limites légales du bio-hacking et d’affirmer sa singularité techno-anarchiste vis-à-vis des autorités du transport public. Sauf que, comme aurait pu le hurler Joe Strummer en 1979, il a défié la loi, et la loi a gagné.

Jurisprudence potentielle

Cela dit, Meow-Meow, ce héros, aura quand même tenu plusieurs mois avec son titre de transport implanté dans le poignet : comme le rappelle le Syndey Morning Herald, l’intervention du biohacker remonte à avril, et la désactivation de la puce n’est effective que depuis cette semaine, alors que ce dernier revenait… d’une convention de bio-hacking, justement.

Pourtant, à l’époque des faits, l’autorité du transport locale avait immédiatement annoncé des sanctions, expliquant que la procédure contrevenait aux règles d’utilisation du titre de transport. Raison du délai ? Meow-Meow, pas bête, n’avait pas enregistré l’abonnement sous son nom – sinon, on se doute bien que son identification légale aurait été bien plus rapide, les chances de tomber sur un homonyme étant plutôt minces.

Pas découragé, le biohacker a déjà annoncé qu’il utiliserait tous les ressorts légaux à son service pour faire réactiver sa puce. “C’est une jurisprudence potentielle et c’est drôle de se trouver au centre, a-t-il déclaré au Herald. C’est un scénario si peu plausible que [les avocats de l’entreprise] ne l’ont jamais anticipé – s’ils l’avaient fait, ce serait écrit quelque part.” Le 16 mars, Meow-Meow se présentera devant un tribunal de Sydney pour contester une amende de 200 dollars pour absence de titre valide. Il plaidera évidemment non coupable.

Vers un cadre légal du biohacking

Si vous vous posez la question de savoir comment fonctionne son système de transport, Meow-Meow l’a aimablement détaillé dans les colonnes du Huffington Post en juin dernier : il rechargeait sa puce via son smartphone, en utilisant les propriétés de la technologie NFC. Et comme avec toute bonne carte de transport, il lui arrivait parfois de devoir passer son poignet plusieurs fois au-dessus de la borne avant qu’elle ne fonctionne. Comme quoi, les cyborgs de 2018 sont finalement des usagers de transport comme les autres.

On ne peut néanmoins pas résister à l’envie d’essayer de se mettre à sa place et d’imaginer la merveilleuse sensation de supériorité ressentie par le cyborg chaque matin, en allant au boulot, lorsqu’il passait négligemment la main gauche au-dessus de la borne de lecture pour ouvrir le portique automatique du métro sous les regards interrogateurs de ses homologues de chair.

Meow-Meow, qui possède deux autres implants, dont l’un qu’il utilise pour stocker des documents importants – après tout, on ne sait jamais quand on va devoir fournir ses fiches d’imposition – est le premier de sa génération. D’autres suivront. Les querelles judiciaires ne font que commencer, et ce genre de fait divers ne fera qu’intensifier les nombreux appels pour la création d’un cadre légal autour du biohacking. Si le monde de demain doit se peupler de cyborgs, la société doit leur laisser le droit de prendre les transports en commun.