Quand Uber traquait les iPhone… même une fois l’application supprimée

Quand Uber traquait les iPhone… même une fois l’application supprimée

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Par Thibault Prévost

Publié le

En 2015, Apple découvrait qu’Uber magouillait dans son dos en créant un système d’identification unique pour reconnaître les téléphones, même sans l’appli.

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La tempête d’emmerdes prendra-t-elle un jour fin pour Travis Kalanick et sa société de taxi low cost ultralibéraux? Pour l’instant, du moins, les vents n’ont pas l’air de faiblir et chaque semaine apporte avec elle sa bourrasque de révélations oscillant entre le moralement condamnable et le légalement répréhensible, entre le présumé vol de brevets chez le constructeur de voitures autonomes Waymo, le soupçon d’espionnage des services concurrents et l’ambiance de travail gangrenée par le sexisme, la firme pâtit désormais d’une image partiellement ruinée aux yeux des consommateurs, tandis que le hashtag-campagne #DeleteUber continue de régner sur les réseaux sociaux.

Cette semaine, c’est par le biais d’une belle enquête du New York Times sur le PDG Travis Kalanick, qui présente l’homme comme un entrepreneur sans scrupules prêt à outrepasser les lois, que l’on apprend, une nouvelle fois, comment Uber et son vénal créateur ont mis en place, courant 2015, un outil permettant d’identifier de manière unique chaque iPhone ayant un jour possédé l’application Uber… et ce même une fois l’application effacée. Le tout au mépris de la firme de Tim Cook, qui n’a que modérément apprécié qu’on tente de lui faire un enfant dans le dos.

Fingerprinting et blocage d’Apple

Résumons : en 2014, Uber est une petite entreprise qui roule, mais qui doit faire face à une menace de taille : le développement d’une pratique de fraude en Chine, où des chauffeurs rachetaient pour une bouchée de pain des iPhone sur lesquels était installée l’application, et ce afin de pouvoir emmagasiner plusieurs courses simultanément (les plus macronistes d’entre vous rétorqueront qu’il s’agit ni plus ni moins d’un Uber Pool avant l’heure). Pour lutter contre cette pratique, Travis Kalanick demande alors à ses ingénieurs de bricoler un code pour “assigner une identité persistante aux iPhone”, écrit le New York Times, ce qui permettait à l’entreprise d’identifier une machine et de réagir.

Le procédé d’identification unique s’appelle le fingerprinting et se retrouve de nos jours dans un certain nombre de services informatiques (comme votre navigateur Internet, par exemple. Si, si, essayez, vous verrez), mais de par sa moralité discutable, certaines entreprises l’interdisent. Et devinez quoi : c’est le cas d’Apple (même si, chez eux, c’est surtout pour s’assurer le monopole de l’exploitation des données de leurs clients). Sachant pertinemment cela, Travis Kalanick a donc fait en sorte, courant 2015, que les analyses de données en provenance d’Apple soient bloquées (on appelle cela le geofencing) pour éviter de se faire griller par l’entreprise.

Manque de pot, Apple s’en est rendu compte, et Kalanick le tricheur s’est donc retrouvé début 2015 dans le bureau du proviseur Tim Cook pour se prendre une soufflante: selon le New York Times, le patron d’Apple a même menacé  de retirer l’application Uber de son App Store – soit l’équivalent de la menace nucléaire dans le monde de l’économie numérique – si l’entreprise ne cessait pas de fliquer les iPhone discrètement. Demande évidemment acceptée en quatrième vitesse par Travis Kalanick… jusqu’à la prochaine bataille ? “Après tout, M. Kalanick venait de faire face à Apple, et avait survécu. Il se battra de nouveau tôt ou tard”, conclut le New York Times. À combien de scandales de ce genre Uber et son créateur peuvent-ils encore résister ?