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Trace-moi un cercle, je te dirai d’où tu viens

Trace-moi un cercle, je te dirai d’où tu viens

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(© Paramount Pictures)

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Le tracé d’un cercle n’aurait rien d’anodin : pour les linguistes, les scientifiques, les pédagogues et les simples curieux, il recèle quantité d’informations à décortiquer et analyser.

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Les deux sens

Avant d’aller plus loin dans la lecture et tant que votre esprit est encore vierge, faites le test. Après, il sera trop tard et vous serez un peu tristes de ne pas l’avoir fait. C’est ici, chez Quartz, en haut de l’article. Respirez un bon coup et dessinez un cercle.

À moins que vous ne défiiez les lois de la logique, il y a deux possibilités : soit vous l’avez dessiné dans le sens horaire (clockwise), soit dans le sens antihoraire (counterclockwise). Dans le second cas, vous faites partie des 90 % de Français à faire de la sorte. Autrement, félicitations, vous êtes un original !

Un Américain, un Tchèque, un Australien, un Finnois, un Allemand, un Vietnamien ou encore un Philippin l’auraient tracé, avec plus de 85 % de probabilité, dans le même sens que vous. Un Japonais (81 %) ou un Taïwanais (56 %) en revanche auraient eu davantage de chances de le tracer dans l’autre sens. Il est fort probable qu’un Chinois aurait fait la même chose, mais nous n’avons pas de statistiques, Google n’étant pas le bienvenu sur le territoire. Car oui, c’est grâce à Google que cette investigation a pu être menée.

119 000 cercles ont en effet été analysés par des journalistes de Quartz. Les dessins proviennent tous de Quick, Draw!, un jeu lancé par Google en novembre dernier avec pour but d’apprendre à une intelligence artificielle à reconnaître des dessins.

Le sens de l’écriture

Le cercle est une figure géométrique universelle, nichée au plus profond de nos cerveaux, et nos manières de le tracer produisent de un ensemble de données qu’il est fascinant de comparer pour comprendre ce qu’elles disent de nous, de notre esprit, de notre psychologie.

On observe ainsi un premier contraste entre les langues “occidentales” (les linguistes hurleraient devant la dénomination, mais on essaie de faire simple) et les langues issues du chinois. La raison ? La manière d’écrire. Pour tracer des caractères japonais ou chinois, on commence en haut à gauche pour finir en bas à droite, en allant de la droite vers la gauche. Tracer un cercle dans le sens horaire est donc plus intuitif. Chez nous, c’est le contraire, on privilégie le sens allant de la gauche vers la droite.

Ceci dit, la graphie n’explique pas tout : de manière générale, les caractères arabes sont eux aussi tracés de la droite vers la gauche. Pourtant, les arabophones ont majoritairement tendance à tracer les cercles dans le sens antihoraire. Autre mystère : pourquoi existe-t-il autant de d’écarts de proportions entre des pays de langues “occidentales” ? On ne sait l’expliquer.

En dehors des pays arabophones, le travail de recherche ne fournit aucun résultat sur les tracés de cercles du continent africain.

Psys, scientifiques et pédagogues s’en mêlent

Pour finir, Quartz revient sur l’histoire passionnante de l’utilisation du cercle en psychologie. En 1977, un psychologue américain, Theodore H. Blau, publiait une étude affirmant que les enfants dessinant des cercles dans le sens horaire présenteraient des troubles comportementaux et de l’apprentissage, ainsi que des risques accrus de schizophrénie. Cette affirmation a été depuis réfutée par la communauté scientifique. Ouf.

La pédagogique contemporaine accorde également de l’importance au tracé des cercles. Quartz mentionne notamment une méthode d’apprentissage de l’écriture relativement répandue dans les écoles américaines : Apprendre à écrire sans larmes (Handwriting without Tears). On y apprend, entre autres, à écrire les lettres “c”, “g”, “q” et “o” dans le sens antihoraire pour faciliter la maîtrise de l’écriture manuscrite.