Test : peut-on jeter son ordinateur et le remplacer par un téléphone portable ?

Test : peut-on jeter son ordinateur et le remplacer par un téléphone portable ?

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Ceci est un smartphone relié à un écran, avec un clavier et une souris filaires. Note sur le matériel utilisé en fin d’article

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Le Samsung Galaxy Note 9 nous offre un avant-goût du potentiel futur des ordinateurs.

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Oh put**, c’est le futur ton truc là, non ?“, “Je pensais pas que c’était possible, chanmé“, “Je comprends pas : il est où ton ordi ?“. Voici quelques-unes des réactions de mes collègues lorsqu’ils passent devant mon installation quasi ZADiste, qui nargue la lisse et grise armée de MacBook Pro occupant l’open space. Le pied de nez en question : un smartphone relié à un écran, une souris et un clavier.

Le téléphone utilisé : le Samsung Galaxy Note 9, commercialisé depuis le 24 août, dont nous avions parlé ici. Outre ses fonctions de smartphone classique, il est doté du Samsung DeX, un dispositif développé par l’entreprise coréenne depuis 2017.

La promesse est la suivante : à l’aide d’un simple câble HDMI et de tous les accessoires supplémentaires que vous voulez (clavier, souris, joystick, etc., en Bluetooth ou pas) votre Samsung fait plus ou moins le taf d’un ordinateur (à propos du matériel utilisé dans le test, se reporter à la note en fin d’article). Ce que vous voyez habituellement à l’écran du téléphone, la version classique d’Android, est adapté pour un grand écran, ce qui nous donne donc un Android “façon bureau”.

Dès que le téléphone est relié à l’écran, on arrive donc sur un bureau qui rappellera, au choix, Windows, MacOS, Linux ou même Chromebook. Les icônes sur le bureau correspondent aux applis qui sont déjà installées sur le téléphone. La disposition de l’ensemble, bien sûr, est configurable. On peut cliquer, changer le fond d’écran ou encore déplacer des fenêtres (#CommeSurUnOrdi).

Après l’extase, le test. Sera-t-il possible de travailler toute une journée dans cette configuration ? Pour cela, il est nécessaire que mon outil #1 de journaliste fonctionne : Chrome (déso Firefox qui, de toute façon, je le découvre par la suite, n’est pas compatible avec DeX). Chrome s’ouvre. Chrome marche. Il y a des vrais onglets, comme c’est beau. J’en ouvre une quinzaine : ça marche encore, sans planter. La souris gambade, le clavier roucoule.

Deuxième moment crucial, l’ouverture de WordPress, l’outil archi répandu que nous utilisons pour écrire nos articles. Wouh, essai transformé ! Toutes les fonctionnalités nécessaires à l’écriture d’un article en bon français qui ne fera pas criser nos secrétaires de rédaction sont respectées. Les deux autres outils de travail utilisés au quotidien, TweetDeck (une interface de Twitter que les journalistes adorent) et Slack (LA messagerie instantanée professionnelle qui vaut 7 milliards) fonctionnent tout aussi bien. Great.

Une autre brise de bonheur vient adoucir ma mini ZAD : tous les raccourcis clavier habituels, devenus nécessaires pour travailler vite et bien, fonctionnent. Ctrl+C, Ctrl+A, Alt+Tab, et même “Impr Ecran”, DeX n’en fait qu’une bouchée (désolé pour les utilisateurs de Mac, je ne sais pas comment se comporterait votre clavier bizarre).

Si DeX, spontanément, fait des étincelles, il va falloir le confronter à un adversaire bien plus titanesque : l’ensemble des petites habitudes (outre les raccourcis claviers), qui constituent le cocon informatique dans lequel nous nous épanouissons au quotidien.

Je pleure une première disparition : mes extensions Chrome. La plus vitale d’entre toutes, AdBlock, est absente à l’appel. Il est possible de télécharger un navigateur spécial AdBlock mais ça ne sera pas pratique. Cependant, le navigateur embarqué de Samsung propose lui aussi une extension AdBlock.

Brève réflexion. Si je switche sur le navigateur de Samsung, ce sera galère : il faudra réenregistrer tous mes mots de passe et mes favoris (qui eux ont pu être synchronisés), toussa toussa.

Ce n’est vraiment que de la flemme, mais cette flemme existentielle est une composante déterminante dès lors qu’il s’agit d’aiguiller nos pratiques numériques. Pour la forme, j’observe ce navigateur concurrent de celui de Google d’un peu plus près : les deux ont l’air de se valoir. Celui de Samsung arrive même à afficher un site Web là celui de Google échoue.

Au fil de l’utilisation, d’autres petits désagréments surviennent : quand trop d’onglets sont ouverts, il est difficile de naviguer entre eux ; les barres de scroll manquent parfois à l’appel ; la correction automatique a disparu ; l’appli Gmail est beaucoup moins bien que le Gmail classique ; sélectionner un petit morceau de texte relève parfois du travail d’orfèvre. Tout ça est contournable, mais ça demande un peu de temps.

Arrive le premier vrai écueil, où je dois ressortir mon PC de l’ancien monde. Chaque article de Konbini est illustré par une image (une “feat”, comme on dit), tout en haut du “papier”, aux dimensions bien précises : 820 x 430 pixels. Sur ordinateur, un petit logiciel pourri fait très bien l’affaire pour obtenir la taille souhaitée.

Là, c’est impossible. La plus simple des opérations de l’histoire du design, le redimensionnement d’une image, m’est refusée. J’ai beau regarder les applis de graphisme sur le Play Store, aucune n’est faite pour ça. Elles sont toutes pensées pour retravailler les photos, pas des illustrations. Et le joker des jokers, l’éditeur graphique en ligne Pixlr, ne fonctionne pas sur Chrome mobile. Dur.

On touche là le cœur de la problématique de DeX. Certaines applis sont compatibles et faites pour fonctionner en harmonie avec cette interface (comme Chrome ou Microsoft Word, parfaitement adaptées), d’autres, en revanche, restent orientées smartphone et rechignent à s’adapter au grand écran.

De loin, ça ressemble à la loterie. Pour tout ce qui est vidéo, par exemple, DeX rendra ses utilisateurs heureux : VLC, Netflix et YouTube fonctionnent parfaitement. Côté gaming, cela semble plus compliqué. Fortnite, disponible depuis peu sur Android, ne fonctionne pas avec DeX. Pour le lancer, il faut repasser sur son petit écran de smartphone.

Fin de journée, heure du bilan. DeX fonctionne bien, nul ne le contestera. Cet article, rédigé entièrement sur un smartphone, en est la preuve. Vous ne serez pas déçus si votre journée ou votre session informatique se décompose en tâches de bureautique simples : naviguer, écrire, regarder des vidéos de chatons, envoyer des mails. Pour les tâches plus abouties, Dex ne sera vraiment pas le compagnon idéal. Oubliez design, montage vidéo, gaming avancé, etc.

Par ailleurs, si vous êtes ultra-sollicités par SMS, sur WhatsApp, Messenger ou Instagram, il est possible d’utiliser son téléphone en parallèle, sans aucune incidence sur ce qu’il se passe sur le grand écran.

DeX est-il le futur de l’informatique ? Nos vieux ordis tels qu’on les connaît risquent-ils d’être supplantés ? Dans l’immédiat, évidemment, non. DeX fait plutôt office de couteau suisse utile entre le boulot et la maison ou dans le cadre d’un voyage quand on ne veut pas se trimbaler un ordi. Ou pour impressionner ses collègues.

Un facteur sera déterminant : si les éditeurs de logiciels jouent le jeu ou non. Si par exemple Photoshop développe une version DeX (gros boulot en perspective), ce sera une énorme avancée. Idem pour un Firefox ou un Fortnite.

Nous avons demandé à Samsung plus de détails sur les négociations ou collaborations avec les éditeurs tiers. Nous sommes en attente de réponse et mettrons l’article à jour dès que nous en saurons plus.

Un dernier test s’impose, celui du futur du futur. Car dans nos usages informatiques, une autre révolution capable de trucider nos ordinateurs portables est en marche, celle du cloud-computing pour tous, dont nous avions parlé ici. L’idée est la suivante : est-il possible d’ouvrir Windows dans DeX en utilisant l’appli Android de Shadow ?

Suspense. Shadow est compatible et s’ouvre. La session Windows s’ouvre. Le navigateur (Edge, en l’occurrence, pour varier les plaisirs) aussi. Impressionnant. Malheureusement, des petits bugs d’affichage récurrents nous font déchanter. Les fenêtres valdinguent. Mais on sent qu’on y est presque.

NOTE : pour relier son Samsung à un écran, un simple câble USB-C/HDMI suffit désormais. Comme il me manquait un convertisseur, le test a été réalisé avec le DeX Pad, ancien sésame obligatoire conçu par Samsung et valant une centaine d’euros. Le câble USB-C/HDMI, quant à lui, vaut une dizaine d’euros sur Amazon. C’est plus pratique et moins cher mais il y a un inconvénient : sans Dex Pad, le téléphone ne charge pas. D’après nos estimations, le Galaxy Note 9 en mode DeX tient à peu près une journée – s’il n’est pas sur-sollicité et ne chauffe pas !