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Témoignages : 87 000 bacheliers ne savent toujours pas où ils seront l’année prochaine

Témoignages : 87 000 bacheliers ne savent toujours pas où ils seront l’année prochaine

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Par Théo Mercadier

Publié le

Laissés pour compte et confrontés à la froideur d’un système informatique défaillant, ils témoignent.

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“Sur liste d’attente en 1502e position.” Ah chouette ! Pour de trop nombreux bacheliers du cru 2017, c’est encore l’incertitude qui règne quant à la formation qu’ils poursuivront l’année prochaine. Si tant est qu’ils soient pris quelque part in fine… Sur les 117 000 jeunes scotchés devant leur écran le 14 juillet pour la troisième phase de sélection APB, ils sont environ 87 000 à n’avoir toujours pas trouvé de place. Pour eux, ce sont donc les listes d’attente, les formations complètement inadaptées à leurs espérances, voire les refus purs et simples.

“Ma situation n’a pas évolué depuis le 8 juin”, déplore Astrid (les prénoms ont été changés). Appartenant à l’académie de Grenoble, elle a été affectée dans une licence arts du spectacle… à Strasbourg, son 9e choix. Pas facile pour elle de se faire à l’idée de débarquer “toute seule dans une ville totalement inconnue”. Alors elle croise les doigts et espère qu’une place se libérera dans ses autres choix avant le 19 juillet, jour du 4e round de sélection.

Car avec le chrono des admissions tourne celui de la CAF, du marché du logement… “Le fait de ne pas savoir où je vais l’année prochaine ralentit considérablement les démarches”, déplore-t-elle, sans trop savoir si elle aura le temps de faire ses demandes de bourse et d’aide au logement avant la rentrée. Elle en aurait pourtant bien besoin en cas d’études à Paris : “je serai peut-être obligée de faire une année sabbatique si je ne trouve pas de colocation.” Aujourd’hui, elle ne peut que croiser les doigts et attendre d’hypothétiques désistements.

“Tirage au sort”, le mot est sur toutes les lèvres, dans les colonnes de tous les journaux. Revu l’année dernière, APB oblige désormais les filières les plus demandées, comme les STAPS, le droit ou la psycho, à lancer la grande loterie pour déterminer les étudiants qui viendront suivre leurs cours. Et ça coince. “Le tirage au sort fait que des étudiants dont a priori on pense qu’ils auraient toutes les chances de réussir dans une filière n’y ont pas accès et que d’autres dont on sait qu’ils ont très peu de chances de réussir y ont accès”, déplore la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal sur France Inter.

“Énorme gâchis”

Et pourtant, certains passe-droits devaient faire rentrer un peu de méritocratie dans ce système devenu aléatoire. Par exemple, les bacheliers récompensés d’une mention ou ceux spécialement recommandés par leurs établissements auraient en principe dû accéder plus facilement au cursus de leur choix. Mais ça, c’est sur le papier, en réalité…

“J’ai eu mon bac avec mention assez bien et j’ai l’avis favorable de l’équipe éducative de mon lycée, ce qui normalement me promet une place directement dans mon 1er vœux, c’est ce qu’a certifié l’académie de Dijon à mes profs.”

Dans tes rêves, Marilou. Cette bachelière n’est pas des plus à plaindre : elle dit être aujourd’hui certaine d’accéder à son second choix. Mais comme tant d’autres, il ne correspond que peu à son choix d’orientation professionnelle, plus axée sur le management que sur l’informatique. D’après Le Monde, “10 000 candidats qui avaient choisi une licence en 1er vœu dans leur académie y sont toujours ‘en attente de place’ “. Point positif : 63 % d’entre eux ont une place sur leurs autres choix. Pour les autres, c’est l’attente.

C’est notamment le cas de Lisa, qui vit à côté de Toulouse. “Je suis toujours sur liste d’attente pour les classes prépa que j’avais demandées, j’ai ‘réussi’ à avoir une place en licence de maths”. Une licence pas vraiment à la hauteur de ses espérances, mais dans laquelle elle dit vouloir se donner ses chances avec peut-être l’idée de retenter les prépas l’année prochaine. Même si “j’avoue que cette année, ça m’a bien dégoûté du système d’APB”. Tu m’étonnes. À partir de cette année, les 150 000 étudiants souhaitant se réorienter ont été invités à reprendre toute la démarche avec les bacheliers, contribuant un peu plus à l’engorgement du système.

C’est un énorme gâchis”, assène sans détours Frédérique Vidal, confrontée à une “situation injuste et qui n’a aucun sens”. Avec les critiques viennent également les promesses de réforme. “Le tirage au sort, c’est fini en 2018, je m’y suis engagée”, promet ainsi la ministre, qui met tant bien que mal en avant les “200 000 places disponibles” dans l’enseignement supérieur. Les bacheliers sont certains d’y être acceptés. Mais est-ce que cela correspondra à leurs attentes ? Rien n’est moins sûr.