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#Tatouées : plongez dans l’univers occulte de Tati Compton

#Tatouées : plongez dans l’univers occulte de Tati Compton

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Par Naomi Clément

Publié le

Chaque mois, #Tatouées vous entraîne à la rencontre d’une artiste-tatoueuse. L’idée ? Mettre en lumière les femmes évoluant dans le domaine du tatouage, un monde encore largement considéré comme masculin. Aujourd’hui, cap sur la cité des anges, où travaille la fascinante Tati Compton.

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Il y a quelque chose de mystique et d’envoûtant dans les tatouages de Tati Compton. Originaire de Bay Area à San Francisco mais depuis peu installée à Los Angeles, cette jeune femme, dont les mains, parées d’innombrables pierres turquoise et de motifs couleur ébène, rappellent à certains égards celles des femmes berbères, s’est construit un univers unique et magique, dont elle s’est fait la grande prêtresse.

Sur Instagram, où elle est suivie par quelque 160 000 dévots, elle partage quotidiennement ses nouvelles créations : des boules de cristal scintillantes, des femmes nues flirtant avec l’ange de la mort, des serpents évoquant le péché originel, des scorpions au venin menaçant… autant de motifs qui matérialisent sa passion invétérée pour la magie noire, pour l’occulte. “Le premier ‘vrai’ tatouage que je me suis fait faire, dans un salon professionnel, était une image tirée d’un livre de Papus l’occultiste [un médecin et occultiste français, plus connu sous le nom de Gérard Anaclet Vincent Encausse, ndlr]. À partir du moment où j’ai commencé à me renseigner sur les arts occultes, j’ai commencé à croire à un nouveau mode de croyance et de pensée, notamment grâce à l’imagerie. J’ai été stupéfaite par cette découverte, et je crois que toute mon esthétique découle de cela.”

Telle une chaman des temps modernes, Tati Compton compose ainsi des potions magiques à même la peau, des filtres d’amour et des amulettes protectrices qu’elle grave dans la chair de ses clients. Ses dessins exclusivement noirs, qu’elle expose en ce moment même dans un grimoire de près de 200 pages, font état d’une superbe finesse dans le trait, d’une grande précision dans la maîtrise, qu’elle opère avec pour seules armes un peu d’encre et une aiguille. Car, contrairement à nombre de ses contemporains, Tati Compton a délaissé la modernité des dermographes pour s’inscrire dans la lignée des adeptes du stick and poke.

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“Les stick and poke incarnent la liberté, la spontanéité, le fun”

Cette technique, qui consiste à dessiner un motif à l’aide d’une simple aiguille trempée dans une petite quantité d’encre, est celle qui a initié notre Américaine au tatouage. “C’est mon ami Moses qui m’a donné mon tout premier tatouage. On s’est chacun fait tatouer des points sur les doigts et les poignets, relate l’artiste. À cette époque, je traversais pas mal de changements dans ma vie. J’avais le cœur brisé, j’étais en train d’apprendre à subvenir à mes propres besoins, de trouver ma place dans ce monde (j’étais “on the road to becoming an adult,” comme qui dirait). Et puis aussi : j’en avais un peu rien à foutre.”

Longtemps considérée comme une pratique de taulards, de voyous, le tatouage DIY est pour certains un véritable art de vivre qui permet, aux yeux de Tati Compton, de cristalliser un moment particulier, une période marquante de l’existence. “Avec mes potes, on avait l’habitude de s’en faire entre nous en soirée, en buvant des bières, en déconnant, poursuit-elle. Je me suis toujours foutu de ce à quoi ressemblait mes tatouages, ou même de ce qu’ils représentaient : pour moi, il s’agit surtout d’un acte inscrit dans un espace-temps bien précis. Les tattoos auxquels je tiens le plus sont ceux qui m’ont été faits par mes amis. Ils sont des souvenirs. Les stick and poke incarnent la liberté, la spontanéité, le fun. Pour moi, les machines à tatouer sont juste ‘too much’. Je ne sais d’ailleurs toujours pas comment on les utilise…”

Elle poursuit :

“Dans les sociétés occidentales modernes, les tatouages stick and poke ont parfois été critiqués. […] Mais à mon sens, ils ont toujours été légitimes : après tout, c’est la technique utilisée par les tout premiers tatoueurs de notre histoire.”

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“Je n’essaie pas de séparer les sexes”

Moderne et à la fois ancestrale, Tati Compton captive aussi par son motif de prédilection : la femme. Sur les quelque 700 posts qui peuplent son compte Instagram, sorte de portfolio virtuel, les figures féminines s’exposent sous toutes leurs coutures, tantôt enfantines, tantôt fatales, mais toujours enchanteresses. “J’ai toujours tatoué des femmes, affirme Tati Compton. Je les ai toujours dessinées, depuis que je suis gosse.”

Et lorsqu’on lui demande si le fait de tatouer des corps féminins est un moyen pour elle d’affirmer la puissance des femmes dans le monde du tatouage (et par extension, dans la société tout entière), notre artiste, humble et avec ce brin de “je-m’en-foutisme” qui la caractérise tant, répond :

“Si le fait d’acquérir l’un de mes tatouages permet aux gens de comprendre à quel point nous vivons dans une société déséquilibrée, c’est génial ! Mais je n’essaie pas de séparer les sexes, ou de montrer que la femme est meilleure que l’homme. Affirmer cela, ce serait reproduire ce mode de pensée merdique que nous trainons depuis des années, et duquel nous devons aujourd’hui nous éloigner (ce mode de pensée qui dit : œil pour œil, et dent pour dent).”

Et de conclure :

“Ma ligne de conduite, c’est de s’élever contre toute personne, homme ou femme, qui ne croit pas en l’égalité. Je suis au courant du passé, du caractère injuste qui a marqué notre histoire ; mais je ne veux pas le reproduire, et le laisser dicter notre futur.”

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Retrouvez le travail de Tati Compton sur Instagram. Son livre, Tati Compton, est disponible sur l’e-shop de Sang Bleu, le salon de tatouage où elle a été formée.