Stérilet hormonal et effets secondaires : le combat des victimes françaises s’organise

Stérilet hormonal et effets secondaires : le combat des victimes françaises s’organise

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© Sarahmirk/Wikimedia/CC

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

“Au bout de douze à dix-huit mois de port du stérilet, j’ai commencé à avoir des vertiges importants, des crises de panique, et un état d’anxiété quasi permanent, à la limite de l’état dépressif. Le tout s’est accompagné d’une perte de libido significative, et je n’ai pas fait le lien avec le stérilet tout de suite. J’en ai parlé à une visite de contrôle chez la gynécologue, dix-huit mois après l’apparition des symptômes, ça faisait donc trois ans que j’avais le Mirena. Ma gynécologue a complètement nié le phénomène et s’est quasiment moquée de moi.”

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Quand la contraception cause des dépressions

Comme elle, des femmes du groupe Facebook racontent leur prise de poids, les sautes d’humeur, l’irritabilité, les crises d’angoisse… et parfois la dépression. Elles font état d’un quotidien marqué par des maux de ventre et de seins, des ballonnements, des migraines, des troubles du sommeil et beaucoup de fatigue. Sans compter la libido très en berne, les infections vaginales, les pertes malodorantes… Certaines expliquent que cela leur a coûté leur couple. De quoi nourrir un sentiment de culpabilité, celui-ci s’ajoutant à l’incompréhension qui les accompagne dans leurs errances médicales. Beaucoup ont en effet fait des batteries de tests médicaux pour essayer de trouver la source de leurs maux, les médecins leur répétant que le DIU n’avait rien à voir avec tout cela.
Ces effets secondaires sont pourtant bien inscrits sur la notice du stérilet – même s’ils sont censés apparaître “dans très peu de cas”. Le problème vient, selon les Terriennes, des gynécologues qui “n’informent pas, la plupart du temps, leurs patientes de la possibilité d’apparition de ces effets secondaires, et ne pratiquent aucun contrôle entre 4 et 6 semaines après la pose du DIU hormonal”. Certaines expliquent qu’elles n’ont même pas eu la notice du stérilet, le gynécologue l’ayant jetée avec la boîte au moment de la pose. Et quand les femmes font état de problèmes apparus après l’installation du stérilet, elles se voient répondre qu’il n’y a aucun lien. Un comportement confirmé par les Terriennes, qui ont interrogé le président de la Commission éthique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Il parle d’un “effet boule de neige” et assure que ses patientes ont toujours loué le Mirena.
Pour réagir, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a besoin de signalements auprès des centres régionaux de pharmacovigilance, signalements que les gynécologues auraient dû faire après les plaintes de leurs patientes. Celles-ci doivent donc s’en charger elles-mêmes. Marie, la modératrice du groupe Facebook, a expliqué que cela permettrait d’obtenir des mesures similaires à celles imposées en Allemagne : “Ça peut amener à un changement de la notice, mais aussi à un changement de protocole, comme ce qui existe en Allemagne, puisque dans ce pays, un gynécologue a obligation de faire signer un papier avec la liste de tous les effets secondaires à toute patiente à qui il pose un Mirena.”

Une mobilisation des Françaises qui commence à payer

Après la publication de cet article des Terriennes, la mobilisation a gonflé : elles sont aujourd’hui plus de 11 000 femmes sur le groupe Facebook Victimes du stérilet hormonal Mirena. Devant l’affluence toujours croissante des témoignages, un forum a été créé pour synthétiser les demandes et s’organiser dans le but d’intenter une action juridique. Cela a abouti à la création d’une association, Stérilet vigilance hormones. L’ANSM s’est donc saisie du sujet, et a commencé une enquête :

“L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a pu constater ces derniers jours une augmentation des déclarations d’effets indésirables susceptibles d’être liés au médicament Mirena (dispositif intra-utérin au lévonorgestrel). Les effets indésirables déclarés font l’objet pour la plupart d’une information dans la notice destinée aux patientes. L’ANSM est néanmoins attentive à cette augmentation des déclarations et à l’apparition de nouveaux signaux qui font actuellement l’objet d’investigations. L’ANSM rappelle l’importance de respecter les recommandations d’utilisation de ce médicament, ainsi que l’obligation d’information des patientes par les professionnels de santé. Par ailleurs, les effets indésirables du dispositif intra-utérin Mirena, constatés dans différents pays européens, sont actuellement évalués au sein de l’Agence européenne du médicament.”

Dans un nouvel article publié ce 18 mai, les Terriennes soulignent les résultats obtenus grâce à la vague de témoignages de patientes :

“La présidente de l’association doit être reçue ce vendredi 19 mai 2017 par le directeur général de l’ANSM. Le sujet semble effectivement suffisamment important pour que la direction de l’autorité propose aussi vite un rendez-vous avec la toute nouvelle représentante des patientes affectées par le Mirena.”

Ce mercredi 17 mai marquait justement la première action de groupe dans le domaine de la santé en France : l’Association de défense des victimes de la Dépakine a annoncé qu’elle venait officiellement de saisir le tribunal de grande instance de Paris. En attendant des mesures médicales concrètes, les rassemblements de victimes permettent déjà de sortir un peu de la solitude et de la souffrance psychologique causée par certains médicaments. Les témoignages de femmes touchées affluent aussi, heureuses que leur problème soit enfin reconnu et médiatisé, leur permettant de comprendre la source de leurs maux quotidiens :

Du sexisme alarmant de la médecine

Dans les commentaires de la page comme du groupe, les victimes se reconnaissent dans les autres témoignages et répètent leur surprise de constater les mêmes souffrances chez les autres. Elles sont nombreuses, de tous âges, à tomber des nues en découvrant le fait que leurs médecins ont nié leur responsabilité. L’expression, une nouvelle fois, du manque de considération de la parole des femmes et du sexisme médical à l’œuvre en France. Sur le groupe Facebook, une patiente s’indigne : “Franchement, je pense que si c’était un problème de ‘mec’, il y a longtemps que les labos et médecins auraient trouvé la solution !” Des paroles avec laquelle la journaliste et écrivaine Élise Thiébaut ne peut qu’être d’accord. Elle souligne pour les Terriennes :

“La parole des femmes n’est pas entendue, parce qu’on prétend penser à leur place. Il y a un déni de la capacité des femmes à comprendre leur propre fonctionnement biologique, qui sont au final infantilisées. Il y a un tabou intériorisé des règles, avec lequel on vous explique qu’il est normal de souffrir quand on a ses règles, et la transmission se fait très jeune et très mal sur ce sujet. Il n’y a pas de transmission d’information détendue, éclairée des mères à leurs filles. Un rapport de honte à soi-même et de déni de ce que l’on ressent se développe, et c’est la meilleure méthode de domination et de soumission qui existe. Cela amène à accepter que quelqu’un d’autre sait mieux ce que la femme ressent elle-même.”

En 2015, France Culture explorait déjà ce sujet dans un podcast de son émission Sur les docks consacré à la maltraitance gynécologique, et dénonçant comment “lors d’une consultation, d’un accouchement, d’une IVG… le corps de la femme ne lui appartient plus. Tout au long de leur vie, les femmes livrent leur corps à des gynécologues – pas toujours respectueux, parfois méprisants. Quand elle survient, la maltraitance médicale est une réalité que les femmes taisent, car elle reste perçue comme inhérente à la condition féminine”.